GOOGLE NEWS ET LE RESPECT DES DROITS DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE

Nous le savons, la société Google a déjà fait l’objet de nombreuses condamnations, notamment pour avoir proposé à ses clients le service Adword. Il s’agit d’un référencement de mots-clés protégés à titre de marque. La société Google s’est de nouveau distinguée pour avoir proposé sur son site Internet belge « news.google.be » des panoramas de presse nationale et locale sans autorisation préalable des auteurs ou éditeurs.

La société de droit belge Copiepresse, qui gère la gestion des droits des éditeurs de presse quotidienne francophone a contesté la sélection automatique faite par Google des informations contenues dans les serveurs Web de la presse écrite. Cette sélection s’opère par le biais d’hyperliens profonds qui captent non seulement les articles existants sur le serveur de l’éditeur mais aussi, lorsque ceux-ci ne sont plus en ligne, les informations conservées dans la mémoire « cache » des serveurs de Google. Les articles sont enfin présentés sur le site « news.google.be » sous la forme d’une compilation.

Le Tribunal belge, saisi par Copiepresse, a estimé que la société Google ne pouvait se prévaloir d’aucune exception prévue au droit des auteurs et reproduisait ainsi sans autorisation préalable et donc de manière illicite des contenus appartenant aux éditeurs de presse.

La société Google a donc légitimement été condamnée, dans une décision en date du 9 septembre 2006, à retirer de tous ses sites les articles, photographies et représentations graphiques des éditeurs belges de presse représentés par Copiepresse (sous astreinte de un million d’euros par jour de retard). La demande de suspension de cette décision par Google a été refusée par le Juge des référés de Bruxelles le 22 septembre 2006. Cette affaire sera de nouveau examinée prochainement par le Tribunal le 24 novembre 2006 afin de déterminer l’étendue du préjudice subi et les montants qui devront éventuellement être alloués par Google.

Cette décision rappelle le principe classique que toute création originale (texte, image, son,… ou combinaison de ces éléments), quel que soit le support retenu, fait l’objet d’une protection au titre du droit d’auteur. En conséquence, à partir du moment où la personne physique ou morale qui duplique une telle création ne peut se justifier en excipant d’une dérogation légale (courte citation, copie privée, revue de presse), ou d’une autorisation contractuelle du titulaire des droits contre rémunération, le délit de contrefaçon sera avéré.

Au surplus, la décision suppose aussi l’atteinte au droit légitime de tout titulaire de banques de données à s’opposer à une extraction et à une compilation subséquente et automatique de ces données qu’il édite ou gère. Cette solution nous intéresse d’autant plus, puisqu’elle est tout à fait transposable en droit français dans la mesure où l’application du droit d’auteur et celle du producteur d’une banque de données dans l’Union européenne émanent de directives communautaires. La revue de presse constitue une exception aux droits d’auteur sous deux conditions : être un texte original comportant des développements critiques ou réflexions sur plusieurs articles reproduits partiellement ou non, qui concernent un même thème ou événement.

Dès lors, la juxtaposition d’articles, sans comparaison ni synthèse, comme le service « Google News », ne peut pas être assimilé à une revue de presse. Il s’agit en réalité d’une anthologie d’article qualifiée de panorama de presse. Or, conformément à un arrêté du 13 juillet 2006, seul le Centre Français d’exploitation du droit de Copie (CFC) peut, en sa qualité de représentant de l’ensemble des organisations professionnelles de la presse, de l’édition et des sociétés d’auteurs, autoriser contre paiement d’une redevance, la reproduction d’articles sous forme de panorama de presse papier.

Le mandat légal du CFC sur la gestion collective des œuvres publiées, s’applique donc qu’aux reproductions par reprographie. Ainsi, la publication d’une œuvre n’emporte cession automatique du droit de reproduction au CFC que pour les seules copies sous forme papier. Dès lors, cette cession automatique ne s’applique pas aux panoramas de presse électronique, pour lesquels le CFC n’a reçu aucun mandat légal.

Toutefois, en raison de l’ampleur des panoramas presse diffusés sur les intranets d’entreprise et de la difficulté matérielle à remonter la chaîne des droits pour obtenir les autorisations expresses des auteurs, le CFC a conclu en décembre 2002 un accord sur les droits de diffusion des panoramas de presse électroniques avec les principaux brokers et éditeurs

Cet accord ne concerne pas les panoramas de presse diffusés sur Internet ou dans un but commercial. Le diffuseur doit, dès lors, redoubler de vigilance en obtenant l’autorisation de reproduction des auteurs des publications reprises ou de leur éditeur. C’est dans ce contexte que la société Vecteur Plus s’était rapprochée du CFC. Cette société proposait à ses clients un service de « veille de presse » en numérisant les articles des principaux quotidiens régionaux tels que Les dernières Nouvelles d’Alsace, Midi Libre, Ouest France, Le Progrès, La Voix du Nord …

En octobre 2003, elle a conclu avec le CFC un contrat autorisant la reproduction et la représentation électronique de certaines publications pour les panoramas de presse diffusés sur intranet. Or, Vecteur Plus a également adressé à ses clients des publications scannées par courrier électronique dont les droits de reproduction n’avaient pas été confiés au CFC, de sorte que Vecteur Plus aurait dû solliciter les autorisations nécessaires directement auprès des sociétés éditrices elles-mêmes. La Cour d’appel de Paris a donc retenu à l’encontre de la société Vecteur Plus des actes de contrefaçon et l’a condamnée à verser la somme de 7600 € à titre de dommages et intérêts à chaque journal dont les publications avaient été numérisées et revendues sans leur accord.

En définitive, les intérêts juridiques ne sont pas forcément en phase avec les intérêts économiques. En effet, au-delà de l’intérêt pécuniaire ponctuel d’une condamnation en justice de Google, les sociétés de perception ou les éditeurs eux-mêmes qui ne parviendraient pas à trouver un accord relatif à une telle reproduction de leurs articles se priveront d’un fournisseur de trafic non négligeable qui pourrait influer sur la rémunération de leurs propres espaces publicitaires.
Sources :
http://www.lefigaro.fr
http://www.afp.com/francais/home/
http://www.lemonde.fr

Fabien Fournier