L'EROSION PUBLICITAIRE DANS LA PRESSE QUOTIDIENNE NATIONALE

Il est devenu habituel d’entendre que le modèle économique de la presse quotidienne nationale (PQN) est fragile ; de la crise du lectorat à l’apparition, en 2002, des premiers gratuits en France, en passant par la remise en cause de son influence sur l’opinion des Français, la PQN traverse une période difficile, justifiant ainsi l’inquiétude des éditeurs. Les annonceurs ne pouvaient être épargnés par ce phénomène ; en France comme aux Etats-Unis, la PQN payante est victime d’une diminution notable du nombre de publicités par journal. Des études ont été menées, dégageant ainsi plusieurs facteurs susceptibles d’expliquer, si ce n’est de résoudre, les problèmes propres à cette crise.

Tout d’abord, les coûts de production et de distribution sont nettement supérieurs à ceux pratiqués par nos voisins européens et participent ipso facto à l’élévation du prix appliqué aux annonceurs comme aux lecteurs. Dans ce contexte tendu, il est aisé de comprendre que le manque de flexibilité et la rigidité technique entrainent inexorablement une chute de la pagination publicitaire au sein de la PQN, les annonceurs ayant de plus en plus de mal à suivre. Le président du Zénith-Optimédia, Sébastien Danet, rappelle qu’en Grande-Bretagne, pour mille exemplaires du Daily Record, le coût s’élève à 10 euros, alors que le Parisien affiche un coût pour mille de 23 euros.
Aux difficultés engendrées par les coûts techniques s’ajoutent celles liées à la structure du lectorat. Selon une étude Epiq, 42,5% du lectorat a plus de 50 ans, pouvant expliquer, pour partie, le phénomène d’érosion publicitaire. En effet, ce sont en majeure partie les moins de 50 ans qui sont la première cible des annonceurs, ces derniers préférant alors se diriger vers d’autres médias, comme Internet ou encore la presse gratuite, nouvel acteur dans la presse nationale. Ainsi, la montée en puissance des journaux gratuits a accentué cette désaffection des annonceurs : effectuant leurs recettes essentiellement à partir des publicités qu’ils diffusent, et grâce à la structure de leur audience, jugée plus « jeune », (mise en page plus ludique, formats avantageux) les gratuits attirent les annonceurs aux dépens de la PQN payante. Un exemple probant, celui du secteur des télécoms, qui a opté pour la presse quotidienne gratuite jusqu’à en devenir le numéro un, délaissant les titres payants.

Ces observations, si elles apportent un début d’explication à la chute de la pagination publicitaire (publicité commerciale comme petites annonces) dans les quotidiens nationaux, doivent être avancées avec prudence ; il serait trop rapide d’affirmer que la PQN est désormais une « vieille dame » dont l’influence n’est plus celle qu’elle était. Les éditeurs ne se sont pas découragés et ont fait preuve de dynamisme en employant de multiples moyens afin de contrer cette « crise » économique.
Parmi eux, celui d’adapter le contenu éditorial afin de le rendre plus attractif pour le jeune public, permettant ainsi d’attirer de nouveau les annonceurs. Aussi, la distribution de suppléments tels que les DVD, de plus en plus répandue, mais aussi la constitution de sites internet modernes et d’archives par les grands journaux nationaux tels que Le Monde ou Le Figaro témoignent d’une reconversion réussie aux nouveaux supports, attirant de nouveau à eux les annonceurs publicitaires.
D’autre part, la scission opérée entre un public qui serait qualifié de « jeune » et un public qualifié de « plus de 50 ans » ne semble pas toujours pertinente. Si la moyenne d’âge de l’audience de la PQN se situe actuellement au-delà de 50 ans, cela correspond à l’âge moyen de la population française. Les annonceurs ne peuvent donc exclure cette tranche d’âge, et ce critère n’apparaît par conséquent plus aussi déterminant que l’on peut penser.
Enfin, il semble que la presse gratuite n’ait pas « volé » les annonceurs aux journaux payants ; il serait plus juste d’affirmer qu’elle a créé de nouveaux secteurs de publicité. Ainsi, les jeux vidéo, dont la publicité est très présente dans ce type de presse, constituent un secteur totalement absent de la PQN.
Flore Benhamou

Sources:

Revue Stratégies