LE PROJET DE LOI HADOPI DEVANT LE CONSEIL DES MINISTRES LE 11 JUIN

Inspiré des conclusions de la mission Olivennes remises fin novembre au gouvernement, le projet de loi contre le piratage est loin de faire l’unanimité. Au centre des débats : le mécanisme de riposte graduée à l’encontre de l’internaute contrefacteur. En effet, conformément aux recommandations formulées par Denis Olivennes, ex-PDG de la FNAC et chargé de mission par le gouvernement, le projet de loi préconise la mise en place d’une Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits de l’Internet (Hadopi) et l’instauration d’un dispositif de riposte graduée.

Cette autorité serait investie d’un pouvoir d’avertissement et de sanction se décomposant en trois étapes. En cas de constat d’un échange illicite, l’autorité enverrait un message électronique d’avertissement à l’abonné ; en cas de répétition du même acte, elle enverrait une nouvelle mise en demeure par lettre recommandée ; et enfin en cas de constatation d’une seconde répétition l’internaute concerné se verrait sanctionné par une suspension voir une résiliation de son contrat d’abonnement, avec impossibilité d’ouvrir une nouvelle ligne avant un laps de temps donné.

Ce projet de loi, parfois dénoncé comme liberticide, reçoit des critiques de toute part. Les députés européens ont déjà signalé leur opposition au concept de riposte graduée par l’adoption en avril 2008 d’un rapport dit Bono (du nom du député). Ce rapport invite « la Commission européenne et les États membres à éviter de prendre des mesures qui entrent en contradiction avec les libertés civiques et les droits de l’homme, et avec les principes de proportionnalité, d’efficacité et de dissuasion, telles que l’interruption de l’accès à internet » qui serait une « mesure disproportionnée au regard des objectifs ». De même, au niveau national, l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) et la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) ont toutes deux émis un avis critique contre ce projet de loi, respectivement les 27 et 30 mai 2008. La CNIL estime notamment que la riposte graduée « attaquerait de plein fouet le problème de la proportionnalité entre l’atteinte à la vie privée (collecte de masse d’adresse IP, coupure de l’accès Internet) et le respect du droit de propriété (La protection des ayants droit), via une base de données personnelles monstre ». Enfin, le magazine SVM a quant à lui lancé une pétition en ligne « contre la future loi Hadopi , 18 600 signatures ayant déjà été recueillies.

En revanche, du côté des ayants droit tant de la musique que du cinéma, il semble que des pressions soient exercées pour que le texte soit adopté le plus rapidement possible. À ce titre, la SCPP (Société civile des producteurs phonographiques) et le SNEP (Syndicat national des éditeurs phonographiques) souhaitent que ce mécanisme soit installé avant la fin de l’année pour que le budget nécessaire à l’Autorité soit voté lors de la loi de Finances pour 2009. Ce calendrier est en parfaite adéquation avec celui désiré par la Ministre de la Culture et de la Communication Christine Albanel, qui se dit prête à défendre son texte. Ainsi, malgré le contexte délicat dans lequel s’inscrit ce projet de loi, la Ministre espère une adoption parlementaire d’ici à l’été.

Au regard de la multiplication des mouvements de contestation pour ce projet de loi, ses adhérents vont devoir faire preuve de beaucoup de persuasion s’ils veulent voir aboutir un tel mécanisme de riposte graduée. Le 11 juin sera donc une date phare dans l’évolution de la lutte contre le piratage numérique si jamais le texte venait à être adopté. Cependant, rien n’est moins sûr pour l’instant…

Sources :
www.clubic.com
www.lemonde.fr
www.svmlemag.fr
www.zdnet.fr
Anne-Christelle BLANCHON