L’information payante, si chère aux grands journaux américains sur le Net, est-elle sur le point de disparaître ? C’est en tout cas ce que laissent supposer les vitrines Internet des plus grands journaux internationaux à l’instar du New York Times. Les journaux renoncent de plus en plus à faire payer les abonnés en ligne, en compensant la perte par les recettes publicitaires.
Révolution dans le monde de la presse en ligne, le modèle de la gratuité est en passe d’enterrer celui des abonnements et de la consultation payante. La faute à nos voisins anglo-saxons. Dans le pays de l’oncle Sam, deux quotidiens et pas des moindres, à savoir le New York Times (NYT), le Wall Street Journal (WSJ) ont basculé dans le libre accès du contenu de leur site internet.
Le premier à avoir ouvert la voie à cette nouvelle ère du tout gratuit est le NYT. En Septembre dernier, les dirigeants du quotidien annoncent en grande pompe l’abandon total du modèle payant, se privant ainsi d’une manne financière importante. L’ancien programme, appelé TimesSelect du NYT, coûtait 49,95 dollars par an ou 7,95 dollars par mois à chaque abonné, ce qui lui donnait accès à des éditoriaux prestigieux de Thomas Friedman, Maureen Dowd et Paul Krugman. Le TimesSelect program comptait 227.000 abonnés payants et générait un revenu annuel d’environ 10 millions de dollars.
Pour le deuxième, les choses sont différentes. Récemment racheté par le magnat des médias Rupert Murdoch, Le Wall Street Journal avait dans un premier temps envisagé le tout gratuit avant de se rétracter lors du dernier forum économique de Davos. Pas question de se priver des 60 millions de dollars par an générés par la vente de l’abonnement premium qui coûte 20 dollars, alors qu’une souscription annuelle coûte 119 dollars. Même si le modèle de l’abonnement est privilégié, le Wall Street Journal accroît son offre gratuite. Les alertes d’actualité chaude, les informations financières personnalisées ainsi que le contenu multimédia tel que les vidéos, les blogs et les podcasts seront en accès libre.
Le quotidien économique en ligne recense un million d’abonnés. Un record pour un site d’information qui a su profiter d’un marché de niche et d’une audience d’internautes plutôt ancrés dans la catégorie CSP +. Par comparaison, les sites de principaux médias nationaux français ne dépassent pas les 100 000 abonnés.
Le Financial Times (FT) n’en est pas en reste, le quotidien britannique est passé à son tour à une refonte de son système de paiement et plus de contenus gratuits sur son site. Le F T propose depuis la mi-octobre un accès libre à du contenu autrefois réservé aux abonnés. Cet accès libre sera cependant limité à 30 articles par mois, sans quoi les lecteurs devront tout de même s’abonner pour en consulter plus.
Propriété du groupe de médias Pearson avec plus de 100 000 visiteurs en ligne par jours, le quotidien britannique a préféré une formule intermédiaire, explique son éditeur Ien Cheng, plutôt que la gratuité totale car les lecteurs réguliers sont toujours prêts à payer. Et dans le même temps, en ouvrant ses pages à des visiteurs occasionnels, le site profite du trafic provenant de blogs et de moteurs de recherche.
Alors pourquoi ce revirement marketing ? La réponse est simple « attirer de nouveaux lecteurs » dixit Murdoch. Au risque de perdre de l’argent Pensez-vous ? Non, au contraire. Le calcul est logique en permettant l’accès gratuit aux internautes, le nombre de connexions devrait être plus important, attirant par la même occasion les annonceurs qui achètent des espaces publicitaires plus chers sur le site. Mais d’après les analystes financiers, il faudrait tout de même multiplier de 4 à 5 fois le taux de fréquentation des sites d’informations.
Un pari loin d’être gagné pour les sites d’informations en ligne qui ont fait ce choix, si l’on juge par rapport aux chiffres actuelles (NYT a augmenté sa fréquentation de moitié depuis le début de l’année), mais c’est dans la durée qu’il faudra juger ce modèle du tout ou quasi gratuit.
Alexander Kengen
Sources:
www.rue89.com
www.lemonde.fr
Nouvel Observateur du 20 au 27 Septembre 2007
« L’univers des médias » 24 Sep