La riposte graduée, portée par le projet de loi HADOPI (Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur l’Internet) n’a pas fini de faire parler d’elle. Alors que certaines sources annoncent le report de son examen initialement prévu le 28 mai en Conseil des ministres pour préserver le léger regain d’opinion favorable au président Nicolas Sarkozy, le futur texte de loi concocté par Christine ALBANEL la ministre de la culture fait déjà beaucoup d ‘émules sur la toile et les critiques sont acerbes.
Le collectif de la Quadrature du Net, soutenu par l’EFF (Electronic Froniter Foundation) et Privacy International, estime que : « Ceux qui pilotent ce texte sont de dangereux incompétents et les intérêts qu’ils défendent ne sont à l’évidence pas ceux de la France et de l’Europe. Il faut d’urgence les arrêter à l’approche de la présidence française de l’Union européenne. » Le ton est donné.
Ce texte prévoit en effet, en dernier recours, la possibilité de couper la connexion Internet pour une durée maximum d’un an.
La future loi a aussi provoqué une levée de boucliers des hébergeurs de services en ligne, non-signataires des accords de l’Elysée, ratifiés en novembre sur la base du rapport Olivennes par 42 acteurs et représentants du monde de la musique, du cinéma et des fournisseurs d’accès à Internet. «Bannir des internautes de la société de l’information, ce n’est pas seulement les empêcher de télécharger des contenus illicites, c’est aussi leur interdire toute utilisation d’un vecteur de communication indispensable», note l’Association des services Internet communautaires (Asic) dans un courrier au gouvernement.
Au-delà des aspects purement politiques existent aussi des problèmes techniques. Le texte prévoit que les offres triple play intégrant l’accès Internet, la télévision et la téléphonie ne peuvent être sujettes à ce dispositif de sanction car il serait impossible de couper l’accès seulement à Internet.
A l’heure actuelle techniquement, l’isolement de l’accès Internet n’est effectivement pas possible, du moins pour l’ensemble des internautes. Aujourd’hui, il n’est pas possible pour tous les Fournisseurs d’Accès Internet, sur l’ensemble du territoire, de suspendre le seul accès Internet. Ceci pour des raisons d’infrastructures réseaux. Les abonnés au triple play ne seraient ainsi pas concernés par cette loi au même titre que les autres internautes ce qui implique dès lors une inégalité devant la loi et donc une inconstitutionnalité.
Les représentants des ayants droits sont évidemment en accord avec ce texte, le Directeur général de la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques) Pascal Rogard s’est déclaré «stupéfait» par ces critiques. «Je ne comprends pas comment ces grandes entreprises peuvent ne pas défendre la propriété intellectuelle», a-t-il déclaré en parlant de «positions irresponsables. Il considère que ce n’est que l’arme ultime et que donc le projet aurait plus un but pédagogique que répressif.
Le dernier mot pourrait revenir à l’Europe car en effet le 10 avril, les eurodéputés avaient en effet adopté un amendement déposé par les socialistes Michel Rocard et Guy Bono s’opposant, dans la foulée de la Suède, au mécanisme de sanctions français. L’amendement condamnait, au nom des droits de l’homme et du principe de proportionnalité, l’idée de couper l’accès Internet. «C’est une sanction aux effets puissants, qui pourrait avoir des répercussions graves dans une société où l’accès à Internet est un droit impératif pour l’inclusion sociale», estimait Guy Bono, tandis que Michel Rocard parlait de «punition collective, interdite par tous nos systèmes de droit.
Guillaume THOULON
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