PROJET DE LOI « CREATION ET INTERNET »

Il faut le reconnaître, Internet permet une large diffusion de la culture. Cependant, parallèlement à cela est née une situation d’urgence entraînée par le piratage. Ces cinq dernières années, l’industrie musicale a connu une baisse de 50% de son chiffre d’affaires. Pour lutter efficacement contre ce fléau, le Président de la République a, le 1er août 2007, adressé au ministre de la Culture et de la Communication, Chrsitine Albanel, une lettre de mission afin de mettre en place un plan « de protection et de promotion des industries culturelles couvertes par les droits d’auteurs et droits voisins », et à cet effet, de permettre « la prévention et la répression de la piraterie numérique » et « la montée en puissance d’une offre diversifiée, bon marché et simple d’utilisation ».
Pour ce faire, Mme Albanel confia à Denis Olivennes, alors pd-g de la FNAC, une mission destinée à préparer un accord entre les professionnels de la musique, du cinéma, de l’audiovisuel et les fournisseurs d’accès à Internet.

Un rapport fut alors remis le 23 novembre 2007 et conduisit à la signature des Accords de l’Élysée. Ces accords, conclus de concert entre le gouvernement et 46 entreprises ou organisations représentatives de la Culture et de l’Internet, expriment la volonté commune de créer un cadre juridique indispensable au développement d’une offre abondante d’œuvres sur Internet, qui soit à la fois respectueuse du droit des artistes et attractive pour le public.
Ils se décomposent en deux volets.

Le premier volet consiste à améliorer l’offre légale de films et de musique sur Internet. Les professionnels du cinéma se sont tout d’abord engagés à mettre les films à disposition des internautes plus rapidement: 6mois après la sortie en salle au lieu de 7mois et demis, dès la mise en place du dispositif anti-piratage. Puis, dans un délai d’un an, l’ensemble des « fenêtres » de la chronologie des médias sera revue pour se rapprocher des durées moyennes en Europe (environ 4mois dans le cas de la VOD). En ce qui concerne les maisons de disque, elles se sont engagées à retirer les DRM « bloquants » des productions musicales françaises, un an au plus tard après la mise en œuvre du dispositif de prévention graduée.

L’autre volet des accords de l’Élysée concerne la prévention et la lutte contre le piratage.
L’intervention d’une loi est ici nécessaire pour garantir l’équilibre des droits de chacun: le droit de propriété et le droit moral des créateurs, d’une part, et la protection de la vie privée des internautes, d’autre part. C’est l’objet du projet de loi « Création et Internet ».
Cette loi « pédagogique et préventive » n’expose plus, comme c’est le cas aujourd’hui, l’internaute à une poursuite pénale dès le premier téléchargement illégal. Ainsi, ce projet de loi, déposé en juin 2008, prévoit de mettre en place une riposte graduée procédant en trois temps. D’abod,il est envoyé un avertissement par message électronique à l’internaute, puis, si l’infraction persiste, il est envoyé un nouvel avertissement par lettre recommandée cette fois, et enfin, solution ultime en cas d’échec des deux avertissements précédents, l’accès Internet de l’intéressé est suspendu, de 3 mois à un an, assortie de l’interdiction de se réabonner pendant la même durée auprès de tout autre opérateur.

Outrés par une telle mesure exemptant les autorités administratives françaises de l’intervention préalable de l’autorité judiciaire, des députés européens ont déposé, le 24 septembre, un amendement reposant sur l’article 11 de la charte des droits fondamentaux. Cet amendement attire l’attention sur le fait que les autorités nationales ont avant tout pour rôle de promouvoir les intérêts des citoyens et non de restreindre leurs libertés fondamentales sans décision préalable de l’autorité judiciaire, et qu’ainsi, une restrictions à leurs droits et libertés ne peut être imposée que par la justice, et non, selon « la riposte graduée », qui dépend d’une autorité administrative.

Dans un article du Monde, intitulé « Bruxelles retoque Nicolas Sarkozy. La commission ne déjuge pas le Parlement », et daté du 9 octobre 2008, il est indiqué que le Président de la République a sollicité, dans une lettre du 3 octobre, l’engagement personnel du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso,pour écarter l’amendement de ces eurodéputés .
M. Sarkozy y fait valoir que cet amendement « tend à exclure la possibilité pour les États membres d’appliquer une stratégie intelligente de dissuasion du piratage ». Mais, selon le porte parole de la commissaire aux télécommunications « la Commission respecte cette décision démocratique du Parlement européen ».
Si pour certains, le vote de cet amendement signe la mort du projet de loi « antipiratage » français, pour d’autres, rien n’est encore établi et ce n’est que la décision du Conseil européen, statuant dans un mois, qui permettra « d’enterrer » définitivement la riposte graduée.
La ministre de la Culture qui avait minimisé, le 24 septembre, la portée de l’amendement du Parlement européen,espère pouvoir présenter le texte au Sénat début novembre.

Sources :
www.lexpress.fr
www.culture.gouv.fr
www.legalbiznext.com
www.lemonde.fr

Sophie TRICARD