LA MORT DES DROITS D'AUTEUR DES JOURNALISTES ?

Lancés le 02 octobre 2008 par Nicolas Sarkozy, les états généraux de la presse écrite ont entre autres objectifs de « résoudre la question des droits d’auteur des journalistes de la presse écrite ».
Un groupe de travail « Quel avenir pour les métiers du journalisme ? », présidé par M. Bruno Frappat (président du groupe Bayard), abordera ce thème, en dressant un diagnostic de la situation et, en faisant émerger des propositions.

Nous en sommes venus à nous interroger sur ce grave problème essentiellement, depuis que les éditeurs ont compris les avantages qu’ils pouvaient retirer du réseau : élargir et internationaliser leur lectorat tout en diminuant fortement les coûts de distribution.
Alors que le développement de l’information sur Internet et le téléphone mobile, ne cesse de s’accroître, une question importante se pose: faut-il, au nom des droits d’auteur, rémunérer un journaliste pour la réutilisation d’un de ses articles sur d’autres supports ?
Si un groupe médias a publié l’article d’un de ses journalistes dans une publication, devra-t-il verser une rémunération supplémentaire à ce journaliste pour pouvoir mettre en ligne son article sur le site Internet de la publication ? Et devra-t-il le rémunérer une nouvelle fois pour pouvoir en publier une version allégée sur un site d’Internet mobile ? Et pour pouvoir le réutiliser dans une autre publication du groupe?
Ainsi, si en principe un éditeur de presse ne peut pas reproduire les articles de presse de ses journalistes sur support électronique sans l’accord exprès de ces derniers, on constate depuis ces dernières années, qu’un certain nombre d’accords collectifs ont été conclus entre divers employeurs et organismes professionnelles de journalistes. Le premier accord sur les droits d’auteur a été signé dans le journal « Le Monde », en 1995.
Mais le refus de la plupart des éditeurs de s’engager dans la voie contractuelle a conduit les journalistes et leurs syndicats à opter au cas par cas pour la voie judiciaire. Exemple de l’affaire « Dernière Nouvelles d’Alsace » (février 1998), ou « Le Figaro » (TGI Paris, 14 avril 1999).

Pour autant, le problème ne semble pas aussi simple que cela à résoudre puisque, dès le départ, nous assistons à des distorsions entre le Syndicat national des journalistes (SNJ), et le Président de la République. Les premiers se fondent sur l’article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle pour affirmer que “le journaliste a la totale maîtrise d’une éventuelle réutilisation de son article et doit toucher des droits d’auteur », et ce, “quelles que soient les technologies mises en œuvre : Internet, téléphonie mobile, etc.”.
Pour la SNJ, il n’est donc pas question pour les grands groupes de médias de réutiliser les articles de leurs journalistes sans négocier avec eux.

Dans un autre temps, Nicolas Sarkozy, lors de son discours d’ouverture des EGPE, entendait plutôt se positionner dans le camp des éditeurs, en ne leur imposant pas de coûts supplémentaires.
Alain Metternich, président de la Fédération nationale de la presse française, s’exprima au nom de tous les éditeurs, qu’il s’agisse de presse quotidienne, magazine, grand public, spécialisée, nationale ou régionale, lors du congrès de la presse française, qui se tenait à Lyon du 19 au 21 novembre.
Il déclara à la ministre de la Culture et de la communication, Christine Albanel que, “la cession à l’entreprise des droits d’auteur du journaliste sur ses productions doit être la règle, dans le respect du droit moral, de façon que puisse être organisé un régime de collaboration multi supports correspondant aux nécessités de l’entreprise pour son développement numérique”.”Il est indispensable que, de plein droit, un même journaliste puisse, au sein de l’entreprise, collaborer à ses différents supports”, a-t-il ajouté.
Soucieux de mettre en place des groupes de médias puissants, centrés autour d’une plus grande concentration, et donc de moins de pluralisme, Nicolas Sarkozy a réuni pour l’occasion des représentants de groupes proches du pouvoir (Bolloré, Lagardère, Arnault ou Dassault) lors de ces Etats généraux.
Ne prenant pas vraiment la direction souhaitée par les journalistes et les lecteurs, de nombreuses voix se sont élevées contre le manque d’indépendance des présidents des quatre groupes de travail, dénonçant une marginalisation de la place faite aux journalistes et aux lecteurs.
Faché contre cette prédominance faite aux grands patrons, le Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT) a annoncé le 27 novembre, qu’il quittait les groupes de travail des EGPE.
En outre, mais pour une toute autre raison puisqu’il s’agit de l’interpellation controversée de l’ancien directeur de la publication de Libération, Vittorio de Filippis, les représentants de l’Union syndicale des journalistes CFDT ont déclaré une semaine après, suivre ce mouvement. “La coupe était pleine, mais elle vient de déborder avec l’arrestation de notre confrère”, indique le syndicat.
Espèront que la tournure que prendront ces EGPE s’améliorera.
La phase des auditions devant bientôt être achevée, commencera alors un travail sur l’élaboration de recommandations. Celles-ci seront ensuite synthétisées dans un “livre vert” fin décembre et à partir desquelles, le gouvernement rendra ses conclusions le mois suivant.

Sources:

www.etatsgenerauxdelapresse.fr
www.lefigaro.fr
www.arretsurimages.net

Sophie TRICARD