DRAGUER, C'EST TRAVAILLER !

Partir pendant douze jours sous les cocotiers pour draguer en bikini est définitivement un travail, qui nécessite un contrat de travail, et qui plus est à durée indéterminée !
Cela peut paraître choquant, mais c’est pourtant ce que vient d’affirmer la Cour de cassation le mercredi 3 juin, au sujet des relations qui lient les candidats de la célèbre émission « L’Ile de la tentation », et sa maison de production, Glem, devenue TF1 Production.
Mais pour comprendre ce qui a poussé les juges à clore un long débat entre les productions de téléréalité et d’anciens candidats par une telle décision, il convient de revenir sur les différentes étapes de ce long procès.

Le 30 novembre 2005, les prud’hommes de Paris avaient donné raison à trois participants de l’émission de TF1, jugeant qu’ils avaient bien accompli un « travail », et avait requalifié le règlement des participants en contrat à durée déterminée.
Trois ans plus tard, la Cour d’appel de Paris confirme ce jugement, allant même jusqu’à condamner Glem pour « travail dissimulé ». Les juges avaient alors considéré que « l’immixtion de caméras dans la vie privée, même consentie, ne relevait pas d’un simple divertissement »
Le société de production a donc formé un pourvoi en cassation. Les juges ont en revanche annulé cette condamnation pour travail dissimulé, en affirmant que TF1 était de bonne foi et n’avait pas contourné la loi « intentionnellement ». Cependant, la Cour est allée encore plus loin qu’en deuxième instance, en requalifiant les relations entre candidats et producteurs, de contrat de travail à durée indéterminée.

Pour TF1 Production, cet arrêt rendu par la Cour de cassation constitue « un véritable bouleversement pour la production audiovisuelle, qui dépasse le cadre de l’île de la tentation et de la télé-réalité ». C’est désormais le droit du travail qui devra s’appliquer à toutes les émissions où les producteurs imposent des règles aux participants », a ajouté Edouard Boccon-Gibod, Président de la société. Il prit notamment pour exemple Koh Lanta sur TF1, la Carte au Trésor sur France 3, Pékin Express sur M6, ou encore Fort Boyard sur France 2, pour se questionner sur les problèmes qui se poseraient ainsi pour ce type d’émissions.
Quelle serait en effet la réaction du public s’il savait que les candidats sont les « employés » des producteurs de l’émission ?
Maître Assous, avocat des candidats, affirme au contraire que cela ne changera rien pour le téléspectateur; « en revanche, pour le participant et le producteur, ça change tout: des célébrités ont déjà eu droit à des contrats de travail pour participer à ce genre d’émissions. Puisqu’ils effectuent les mêmes prestations, il est normal que l’ensemble des participants aient les mêmes droits ».

Quoi qu’il en soit, cet arrêt de la Cour risque de donner bien des idées à tous les anciens participants de ce type de programmes! Ce qui n’est pas pour déplaire à Maître Assous, qui affirme fièrement « ce matin, je représentais cent soixante-dix anciens candidats de la télé-réalité, ce soir j’en ai déjà deux cents. C’est la loi, c’est la jurisprudence, ils auraient tort de ne pas le faire ».
En effet, il faut avouer que cette brèche qui vient de s’ouvrir est financièrement plus que tentante, quitte à affirmer que partir douze jours sous des cocotiers, draguer en maillot de bains et avaler toutes sortes de substances illicites durant le tournage, nécessite un contrat de travail et un dédommagement par la société de production !
Alexandra IARCA