ÊTRE TENTATEUR PEUT ÊTRE UN MÉTIER !

La saga « l’île de la tentation » a pris fin, le 3 juin 2009, par la prise de position attendue de la Cour de cassation.

Selon la chambre sociale, il existe bel et bien un contrat de travail entre le producteur et les participants de l’émission de télé réalité.

C’est bien ce en quoi croyaient les trois participants de la saison 2003 en saisissant la juridiction prud’homale d’une demande de requalification du “règlement participants” qu’ils avaient signé, en contrat de travail.

Petit rappel, le code du travail ne donne pas de définition du contrat de travail. C’est au juge, en cas de litige sur ce point, de rechercher si les critères du contrat de travail sont réunis.
Aussi, la chambre sociale a précisé que “l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs”.

En outre, la qualification de “contrat de travail” suppose la réunion nécessaire de trois éléments : une prestation personnelle de travail (ou l’engagement de la fournir), une rémunération (ou la promesse de la payer), un lien de subordination.

Ces trois critères ont conduit à qualifier la relation du participant à la production de l’émission de contrat de travail.

Tout d’abord, il faut que les intéressés aient effectué une prestation personnelle de travail pour voir leur contrat qualifié de contrat de travail. Selon Glem, devenu TF1 Production, “le concept de l’émission (…) n’induit que le divertissement, exclusif de tout travail manuel, artistique ou intellectuel”. Les candidats doivent “simplement rester eux-mêmes”. Cependant, les juges de la Cour d’appel Paris ne l’entendaient pas de la même manière. Ils estimaient que : “l’immixtion de caméras dans la vie privée, même consentie, ne relève pas d’un simple divertissement”. La Cour de cassation est allée dans le même sens que les juges du fond. Elle estime que la prestation des participants – qui consiste « à prendre part à des activités imposées et à exprimer des réactions attendues », à être disponible en permanence, sans communiquer avec l’extérieur – la « distingue du seul enregistrement de la vie quotidienne ».

Les juges se sont concentrés essentiellement sur l’existence d’un lien de subordination. Selon eux, les candidats devaient être disponible en permanence pour le tournage puisqu’ils ne pouvaient quitter librement les lieux du tournage et se devaient de respecter des règles édictées par le producteur. En outre, le “règlement participant” prévoyait que les conditions de vie et d’activités des participants étaient déterminées exclusivement par le producteur, lequel était en droit de sanctionner le non-respect de ses obligations. De ces différents constats, les juges en ont conclu que le producteur avait imposé à l’intéressé des actes d’autorité et de contrôle non équivoques envers lui qui étaient de nature à constituer la preuve suffisante de la formation et de l’existence de relations de subordination juridique.

Enfin, la rémunération était en outre constituée de la somme de 1525 euros perçue pour la participation à l’émission et d’avantages en nature.

De ces trois critères, la chambre sociale de la Cour de cassation a affirmé que « le règlement participants qui régissait la relation entre le producteur et les candidats au jeu de télé réalité avait les caractéristiques d’un contrat de travail. ».

Sur la même affaire, le conseil des prud’hommes (Cons. prud’h. Paris, 30 nov. 2005, Brocheton c/ Sté Glem) avait, également, conclu à l’existence d’un contrat de travail entre la production et les participants. Les juges avaient, alors, appliqué les règles qui découlent de l’existence d’un contrat de travail : Prime de précarité, congés payés et remise d’un certificat de travail.
L’arrêt de la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 18e ch. D, 12 févr. 2008, SAS GLEM c/ B.) confirmait le jugement du conseil des prud’hommes et accordait nombreux avantages aux candidats. Considérant que les intéressés avaient accompli des heures supplémentaires dans la mesure où il devait rester constamment en relation avec les autres participants, participer à des activités avec eux, en étant filmé sans répit, les juges lui allouèrent à ce titre la somme de 8 176, 56 €. En outre, la Cour retenait qu’il y avait eu licenciement irrégulier et abusif du fait de la cessation de la relation de travail au terme du voyage de retour sans procédure préalable au licenciement et énonciation de motif. Enfin et surtout, les juges du fond condamnaient la société de production à payer une indemnité de 16 012,08 € pour travail dissimulé.

La chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel mais seulement en ce qu’ils ont condamné la société de production à payer à une indemnité pour travail dissimulé.

Elle conclue, dans un premier temps, que « Les participants ont bien exercé une prestation consistant pour les participants, pendant un temps et dans un lieu sans rapport avec le déroulement habituel de leur vie personnelle, à prendre part à des activités imposées et à exprimer des réactions attendues ».

Cependant, elle refuse de condamner la société Glem pour travail dissimulé. Elle estime que la société n’avait pas contourné la loi « intentionnellement » et reconnaissant, ainsi, la bonne foi de la société. Traditionnellement, les juges se montre plus stricts. Certains arrêts ont retenu comme travail dissimulé le simple fait pour un employeur de ne pas avoir fait de déclaration de travail au préalable. De ce fait, l’action a une valeur économique nettement moindre pour les autres candidats qui souhaiteraient, éventuellement, se voir attribuer la qualité de salarié au titre de leur participation à une télé réalité. Ainsi, dès l’énoncé de l’arrêt, Édouard Boccon-Gibod, le patron de TF1 Production, affirmait : “Les candidats ne peuvent plus réclamer des fortunes, les procès n’ont plus lieu d’être.”

Cette décision est considérée comme un bouleversement dans le secteur de l’audiovisuel. Edouard Boccon-Gibod, le directeur général de TF1 Production, a mis en garde, cette décision qui d’après lui, va s’appliquer non pas seulement à la télé-réalité, mais à « l’ensemble des producteurs audiovisuels qui font appel à des candidats, soumis à des contraintes ». Des émissions comme « Fort Boyard » ou « Koh Lanta » seront bientôt elles aussi « obligées de s’adapter ».

L’arrêt de la Cour de cassation aura un surcoût économique certain pour les producteurs. Mais encore plus que les enjeux économiques, c’est l’application du droit du travail qui risque de poser problème. Par exemple, comment appliquer la législation du droit social concernant la durée maximale de travail quotidienne et hebdomadaire?

Sources :

www.latribune.fr
www.actualite-francaise.com
www.lemonde.fr
Communiqué relatif à l’arrêt n° 1159 du 3 juin 2009 de la Chambre sociale : http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/arret_no_12906.html
Jeanne BARBIER