LA LOI HADOPI CENSUREE, LE DROIT A INTERNET CONSACRE

Censurée par le Conseil Constitutionnel ce mercredi 10 juin, la riposte graduée connaît la peine capitale. La loi Hadopi qui la mettait en place semble vidée de sa substance. Rappelons que celle-ci a pour objet le pistage, et la sanction des internautes téléchargeant illégalement. Ces internautes auraient été, après trois avertissements, privés de leur accès à internet. Le titulaire de l’abonnement aurait vu celui-ci suspendu, sans autre forme de procès, en ce que son numéro IP aurait été identifié par l’HADOPI comme responsable d’agissements contrefaisants.

Or cette loi, répressive, a souvent été dénoncée comme scandaleuse. En effet, la suspension de l’accès à Internet comme sanction ultime semble trop sévère. Le Conseil Constitutionnel a été saisi par l’opposition le 19 mai, pour retirer la faculté légale de suspension de l’abonnement Internet. C’est désormais chose faite, et ce sur deux fondements.

D’une part, la condamnation systématique de l’internaute par une autorité administrative, nie le droit au procès équitable de l’individu concerné. Ce dernier était ainsi présumé coupable du téléchargement illégal, à la suite des courriels le sommant de cesser ses agissements. Désormais, la charge de la preuve est renversée. A charge des pouvoirs publics de prouver la culpabilité de l’internaute.

D’autre part, la cessation de l’accès Internet de l’intéressé constitue une atteinte à sa liberté de communication.. L’accès à Internet est ainsi hissé au rang de droit fondamental par le Conseil Constitutionnel, aux côtés de la liberté d’expression. Cet outil est en effet devenu pour beaucoup incontournable. De plus, il n’est pas négligeable qu’une interruption de l’accès Internet suppose généralement aussi celle du téléphone.

Le Conseil se place ainsi dans la lignée des eurodéputés. Ceux-ci avaient précisé le 6 mai dernier (amendement Bonnot) qu’aucune restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux, devait être prise sans l’aval d’une décision judiciaire. La ministre de la culture Christine Albanel avait alors rétorqué que les prises de position européennes n’avaient pas de conséquences sur les décisions françaises.

Désormais, la condamnation de ce raisonnement satisfait le plus grand nombre. Cependant, quid de la protection des artistes, et de leur juste rétribution bafouée par la mise à disposition gratuite de leurs œuvres? Quels chaînons peuvent aujourd’hui se passer de financement dans la production culturelle? Que devient notre patrimoine?

Beaucoup d’acteurs culturels sont déçus par la décision du Conseil Constitutionnel. Le passage devant un juge suppose des procédures plus longues, et des condamnations beaucoup plus rares. Seul le Syndicat National d’Edition Phonographique semble approuver la condamnation judiciaire de l’internaute, sous le chef de contrefaçon. Selon lui, les internautes prendront conscience de la gravité de la sanction qui sera alors dissuasive.

En définitive, la loi Hadopi a donc vocation à être appliquée (dès l’automne), à l’exception de la disposition suspendant l’abonnement à internet. La décision finale est confiée au juge. Alors que Mme Albanel s’entête à voir appliquer la loi au plus vite, on peut dorénavant s’interroger sur sa pertinence. Ainsi, où trouver les juges à même de traiter ces contentieux, quant on sait l’appareil judiciaire débordé? Mais encore : comment attester de la culpabilité de l’internaute poursuivi?.. S’il faut vivre avec son temps, il semble que le droit doit prendre la mesure de la révolution numérique.

Sources :

www.lepoint.fr
www.lemonde.fr
www.lexpress.fr
www.lefigaro.fr

www.laprovence.com

Cécile LAGRANGE