GOOGLE BOOKS DEPOUSSIERE LA LITTERATURE!

Les dés sont jetés, lors du Salon du livre de Francfort, qui a eu lieu en octobre 2009, Google a mis carte sur table et annonce « capot » dès le premier tour. Début 2010, sa propre librairie numérique verra le jour sous le nom de « Google Edition ». Or la partie n’est pas terminée bien au contraire !
Google a démarré son projet en 2004 pour conclure en octobre 2008 un accord avec deux des plus grandes organisations d’auteurs et éditeurs américains ( l’Authors Guild et l’Association of American Publishers) l’autorisant à scanner des livres en vue de les mettre sur la toile en échange de 125 millions de dollars en guise de rémunération des auteurs. Un accord qui doit être à nouveau présenté devant la justice américaine le 9 novembre 2009, initialement prévu le 7 octobre 2009.
Ayant pour objectif premier la démocratisation de l’accès à l’information sur internet, le géant américain n’est pas le seul à posséder les atouts en main et fait l’objet de vives critiques.
Le problème du respect du droit d’auteur et d’abus de position dominante est au cœur des débats bien que l’idée de numériser les livres ne soit pas nouvelle.
En effet, fin 2008 fut lancé la bibliothèque européenne en ligne, plus communément appelée « Europeana », proposant plus de deux millions d’œuvres (films, livres, photographies, tableaux…) issues des bibliothèques nationales et institutions culturelles des 27 états membres de l’Union Européenne. Amazon.com a crée son service Kindle qui n‘est autre qu‘un livre électronique, deux exemples parmi tant d’autres.

Face a cette frénésie du numérique, Google qui jusqu’à présent se limitait à rediriger les internautes vers les boutiques en ligne d’Amazon ou Barnes and Noble s’inscrit dans une toute nouvelle perspective : « redonner vie à des millions de livres épuisés parmi les plus difficiles à trouver, tout en respectant le droit d’auteur ». Google books n’a pas qu’un tour dans son sac et propose ainsi aux internautes la possibilité d’acheter et de consulter depuis internet des ouvrages électroniques grâce à leur compte Google.
A l’heure actuelle 30 000 éditeurs partenaires ont déjà confié la numérisation de leur ouvrage à Google books ce qui représente environ 2millions de livres et ce n’est pas tout! Consciente de ne pas pouvoir rivaliser face au géant américain, la Bibliothèque Nationale de France (BNF) n’a rien trouvé de mieux que de collaborer avec ce dernier pour numériser ses ouvrages, alors que l’Europe et plus particulièrement l’Allemagne et la France s’inquiètent fortement face à ce projet. C’est pour dire, Frédéric Mitterrand dénonce ce projet comme étant une « menace pour la diversité culturelle ». Un tel parti pris n’est pas sans précédent.

Certes la question sur les droits d’auteur et sur le sort des œuvres orphelines européennes, dont Google pourrait monopoliser la numérisation, est préoccupante; n’oublions pas que depuis 2006 Google est attaqué par l’éditeur la Martinière, accusé de reproduction, conservation et diffusion sur Internet.
Sollicité pour signer un accord permettant à Google la mise en ligne en partie ou en totalité de ses ouvrages, la Martinière avait expressément refusé toute éventuelle négociation. Or le géant américain n’en tient pas compte et se retrouve désormais accusé de contrefaçon.
Jugé comme un système « illégal, dangereux et dommageable aux éditeurs » par l’avocat de la Martinière ce dernier demande au tribunal de régler le problème pour la France; Google ayant contesté la compétence de la justice française.
Cette affaire démontre une fois de plus que le règlement des conflits dans un monde sans frontière ne se résume pas qu’à une simple partie de cartes et ce alors même que le droit international tient son rôle de croupier très à cœur.
En effet la convention de Berne de 1886 (dont la France et les États-Unis sont membres) dans son article 5-2 relatif aux conflits de loi applicable, précise qu’il faut se référer à « la législation du pays où la protection est réclamée ». Donc à en croire ce texte, le droit français trouverait à s’appliquer, or depuis 2007, les choses ne sont pas aussi simples. Dans un arrêt du 30 janvier 2007 « Lamore », la Cour de cassation a estimé que « la législation du pays où la protection est réclamée n’est pas celle du pays où le dommage est subi, mais celle de l’État sur le territoire duquel ce sont produits les agissements délictueux. » La numérisation des ouvrages sur le territoire américain, constitue l’origine de toute cette affaire; ce qui amènerait à appliquer la loi américaine.
Dans cette dernière hypothèse il serait logique que le tribunal de grande instance de Paris se déclare incompétent et renvoie l’affaire aux États-Unis; toutefois en mai 2008 dans une affaire mettant en cause Google images un juge français a décidé d’appliquer lui-même la loi américaine! (décision qui jusqu’à présent n’a été confirmée ni en appel ni en cassation). Et tel un carré d’as dans une partie décisive, le juge n’est autre que celui qui doit juger l’affaire de Google books aujourd’hui! Celui-ci avait évoqué la notion de « fair use » (usage équitable) issu de l’article 107 du Copyright Act pour réfuter l’idée de contrefaçon.
Quoiqu’il en soit la Martinière doit abattre ses meilleures cartes car si la loi américaine s’applique, les auteurs et éditeurs français ne pourront plus exiger le respect de leur droit moral qui n’existe pas aux États-Unis de même pour la courte citation. A contrario, si la loi française s’applique, Google pourrait se défendre sur la base de l’exception de la courte citation prévu par l’article 122-5 du Code de la propriété intellectuelle.

Le problème des droits liés à la numérisation n’est pas réglé, les négociations quand à elles vont bon train. En effet la Martinière s’est associé avec Flammarion pour fonder Eden-Live; d’où la nécessité de remporter la partie s’assurant ainsi l’exclusivité des droits de reproduction de ses ouvrages.

Faites vos jeux, le jugement a été mis en délibéré au 18 décembre, les paris sont donc lancés…

Sources:

http://technaute.cyberpresse.ca/nouvelles/internet/200910/19/01-912590-fureur-contre-google-et-sa-bibliotheque-numerique.php

http://scinfolex.wordpress.com/2009/09/26/proces-googlele-seuil-la-martiniere-bientôt-le-monde-a-lenvers

http://www.lepoint.fr/actualites-technologie-internet/2009-09-24/bibliotheque-numerique-google-books-face-aux-editeurs-francais/1387/0/380243

http://www.latribune.fr/entreprises/communication/telecom-internet/20090907trib000419172/google-books-plaide-sa-cause-devant-bruxelles.html

http://www.authorsguild.com

http://www.publishers.org/

http://www.copyright.gov/fls/fl102.html

Oriane IBANEZ