AVEC INTERNET, LA DISPARITÉ POUR CAUSE DE FINANCEMENT ENTRE DES CANDIDATS À UNE CAMPAGNE ÉLECTORALE PEUT-ELLE SE RÉSORBER ?

Dans Financement des campagnes électorales et caractère équitable de la représentation politique, Thierry DEBARD et François ROBBE posent deux « lois électorales financières » qui découlent du constat de fortes inégalités financières entre les candidats aux élections. « En premier lieu, les candidats les plus démunis ou les moins riches ne sont jamais élus. En second lieu, les candidats les plus fortunés sont le plus souvent élus ou ont le plus de chances d’être élus ». Et, même si « l’argent n’a jamais garanti la victoire. (…) la différence aussi manifeste de moyens n’est pas le marqueur d’une démocratie équilibrée», selon Jonathan BONZY.

La victoire aux élections présidentielles de M. Barack Hussein OBAMA, grâce au Web, a démontré que la puissance financière originelle d’un candidat n’était pas décisive pour accéder au pouvoir et surtout qu’Internet pouvait constituer un outil de communication plus rentable que les moyens classiques (distribution de tracts, affichage, etc) afin de propulser un candidat au sommet.

Sans mobiliser les ressources du Parti démocrate pendant les primaires et en refusant la subvention électorale, l’ancien candidat dans la course à la Maison Blanche, reçut principalement son soutien financier de dons en ligne: « sur 55 millions levés en février 2007 (…) 45 sont venus d’Internet sans que le candidatait eu à faire la moindre réunion de donateur ». En outre, il bénéficia d’un appui sous une forme jusqu’alors inexploitée, à savoir la participation active de citoyens, électeurs ou non, à sa promotion par le biais de réseaux sociaux. La stratégie ne s’arrête pas là, puisque des investissements importants ont été effectués dans des campagnes de publicité en ligne.

Dès lors, Internet acquit le noble statut d’outil de propagande électorale, offrant des possibilités allant de la promotion du candidat à un coût substantiel ou bas, voire inexistant, selon les applications, à la levée de fonds. De telles bénéfices ne sont pas à négliger, précisément dans l’hypothèse où un candidat, dont le financement est nettement inférieur à celui de son adversaire, peut voir ses chances de victoire en être affectées et cela, même s’il œuvre dans un Etat démocratique dans lequel il existe des dispositions législatives qui encadrent le financement des campagnes électorales sur une base d’égalité.

Il se pose alors la question de savoir si la propagande électorale sur Internet permet de compenser un financement insuffisant et de réduire les dépenses lors d’une campagne électorale en France, mettant ainsi les candidats sur un même pied d’égalité.

Internet met à la disposition des candidats des moyens, utiles dans la communication électorale qui, soit leur épargnent toute dépense, soit leur imposent des frais supplémentaires dont le montant peut s’avérer conséquent. En outre, certaines ressources exigent que l’électeur ait un rôle actif, qu’il fasse une démarche pour accéder à l’information, contrairement à d’autres ou il reste passif.

Sont à recenser parmi les techniques de communication gratuites et qui nécessitent un rôle actif du citoyen, la baladodiffusion, et les « services de réseautage social » : forums, les chats, etc. Par la baladodiffusion ou podcasting, un candidat pourra diffuser, sur Internet, des fichiers audio, vidéo ou autres, relatifs à leur campagne. Cette pratique est en général gratuite. « La baladodiffusion permet aux internautes de télécharger ces enregistrements, souvent automatiquement, via des abonnements à des flux RSS ou Atom, sur le disque dur de leur ordinateur personnel pour une écoute immédiate ou différée sur leur baladeur numérique. »
Dans la mesure où le candidat envisage de créer un forum, cette possibilité lui est offerte gratuitement sur des sites spécialisés. Il en va de même pour les chats.
Mais, il est des réseaux sociaux dans lesquels il est préférable de figurer. Il s’agit de ceux qui sont les plus utilisés en France (et non pas forcément les plus connus), et dont les membres font partie du public visé. Selon l’Observatoire de l’IFOP des réseaux sociaux, Eté 2009, le nombre d’inscriptions à Copains d’avant est supérieur à celui de Facebook, qui est plus connu que le premier. Toutefois, la moyenne d’âge des membres de Copains d’avant est plus élevée que ceux de Facebook : « 39% des internautes âgés de 18 à 24 ans seraient membres du premier contre 61% pour le second.»
Les réseaux sociaux constituent un excellent moyen pour faire sa promotion sans avoir à inscrire aucune dépense dans les comptes de campagne. Les internautes du « réseautage social » peuvent relayer des informations sur les candidats telles que des discours, ses déplacements, et peuvent discourir eux-mêmes sur les candidats de leur choix.

D’autres armes dont dispose un candidat sur Internet souffrent deux contraintes : appeler une démarche du citoyen, et avoir un caractère onéreux. Tel est le cas de la réalisation d’un site ou de blogs de candidat hébergés par des sites Internet.
Un candidat peut confier la réalisation et l’entretien d’un site soit à une société spécialisée et dans ce cas il devra intégrer les coûts facturés par le prestataire dans son compte de campagne soit à des sympathisants et des militants compétents, qui réalisent ces travaux à titre de bénévolat. Dans le meilleur des cas, ce type de bénévolat peut ne rien coûter si ledit travail est effectué à l’aide de logiciels gratuits et recourt à une solution d’hébergement gratuit. Cette forme de militantisme peut, bien au contraire, se voir assigner un plafond, « puisque les dons des personnes physiques aux candidats sont plafonnés à 4600 euros par l’article L. 52-8 du code électoral », mettant ainsi l’obligation à la charge du candidat de comptabiliser et d’intégrer à leur compte de campagne les travaux réalisés à titre bénévole par des militants pour la réalisation et la mise à jour des sites.
« Selon l’hebdomadaire Le Point (page 22 du n° du 24/09/09), le coût définitif [du site UMP] serait de … 1 800 000 € », contre un coût de 41 000 € pour un nouveau site Internet d’un leader socialiste.

S’agissant des blogs, « L’hébergement gratuit des blogs de candidat par des sites Internet, dont ceux produits par la presse, peut entraîner le rejet de leur compte de campagne par la commission » nationale des comptes de campagne qui a notamment pour mission de « contrôler les comptes de campagne des candidats aux élections européennes, législatives, régionales, cantonales, municipales, territoriales et provinciales (0utre-Mer) dans les circonscriptions de plus de 9000 habitants ». Il serait donc conseillé, pour ne pas avoir à subir une fâcheuse décision de la Commission nationale des comptes de campagne, de payer l’hébergement de blogs par des sites Internet.

Des techniques coûteuses, telles que le publipostage ou l’achat de mots clés sont également à la portée des candidats. Mais, elles sont plus agressives, et présentent un risque. Le publipostage, qui correspond à l’envoi en nombre d’un courrier électronique à des internautes, peut entraîner un effet pervers pour le candidat. L’achat de mots clés est une technique plus facilement dissimulable puisqu’il s’agit d’une pratique publicitaire par laquelle un annonceur peut s’assurer d’une position favorable dans les pages de résultats des moteurs de recherche en achetant et/ou en enchérissant sur les mots clés correspondant aux requêtes des internautes sur lesquelles il souhaite être présent. Les messages publicitaires ainsi publiés sont affichés par les moteurs de recherche dans les zones de liens commerciaux (appelés aussi liens promotionnels ou sponsorisés) en marge des résultats ou sur des sites partenaires. Ils permettent d’augmenter la notoriété du site des annonceurs.
Il importe d’avancer prudemment sur ce terrain car il serait dommage que les dépenses soient disproportionnées par rapport au résultat escompté.

A la suite de cet énoncé, une précision est de rigueur : les campagnes de publicité en ligne doivent se faire conformément aux dispositions du 1er alinéa de l’article L. 52-1 du Code électoral relatives à l’interdiction de toute publicité commerciale dans les trois mois précédant le scrutin. Toutefois, un candidat ou un parti peut créer son propre site web pendant cette période.

Les apports d’Internet en matière de communication électorale sont à relativiser.
Il ne suffit pas, en effet d’être partout, tout le temps pour être victorieux, il faut pouvoir convaincre, ou plutôt persuader les électeurs (car il est à douter que le vote soit un acte qui relève toujours et entièrement de la raison) que vous êtes le candidat à élire, soit en leur inspirant simplement de la confiance, de la sympathie, voire de l’admiration.
Les stratèges du candidat sortant à l’élection du 44ème président des Etats-Unis ont su mener une campagne quantitativement importante pour un résultat maximal, Barack Obama ayant réussi à envoûter la majorité de la population américaine (voire même les citoyens de d’autres Etats). Ainsi, les valeurs, les idées qu’incarnent le candidat, son charisme, de même que le message qu’il délivre pendant sa campagne, les discours qu’il prononce, jouent un rôle essentiel.
Il ne suffit pas d’avoir les armes, encore faut-il atteindre sa cible !

Sources :

http://www.jakouiller.com/2008/08/28/financement-des-elections-aux-etats-unis/
http://www.ifop.com/?option=com_publication&type=poll&id=917
Financement des campagnes électorales et caractère équitable de la représentation politique. In : Thierry DEBARD et François ROBBE (sous la Direction), Le caractère équitable de la représentation politique, L’Harmattan, Paris, 2005, 83-141.
http://www.paperblog.fr/2342520/segolene-royal-et-le-nouveau-site-internet-ump/
Ségolène Royal et le nouveau site Internet UMP, publié le 26 septembre 2009 par Jonathan BONZY
– Elections et internet, Le point de vue de Franck LOUVRIER, les Echos, le quotidien de l’économie – 2008, 21/08/08 p. 10 idées
http://www.bnf.fr/PAGES/presse/dossiers/internet_campagne.pdf
BNF, Dossier de presse Internet en campagne de l’archivage des sites électoraux à leur communication au public
– Internet, financement des campagnes électorales et militantisme bénévole, Temps Réels– Observatoire des usages politiques et militants de l’internet – Cadre juridique de l’internet dans les campagnes électorales –mercredi 2 octobre 2002
http://www.cnccfp.fr/index.php?art=690
http://www.bestofmicro.com/actualite/test/4-5-publipostage.html
http://www.e24.fr/hightech/mediapub/article126707.ece/Reseaux-sociaux-les-plus-connus-ne-sont-pas-les-plus-utilises.html
http://www.ifop.com/?option=com_publication&type=poll&id=917
Sondage réalisé par l’Observatoire IFOP des réseaux sociaux
– Internet et élections : le permis et l’interdit, par Sébastien CANEVET, jeudi 9 mars 2000

Kelly CHARLETON-GUITTEAUD