La radio numérique terrestre (RNT) est apparue dans notre ciel législatif avec la loi du 9 juillet 2004, qui est venue fixer le cadre juridique de cette dernière.
Ce sont alors succédés : des consultations publiques, la première ayant eu lieu le 22 avril 2005, le premier appel à candidature du 26 mars 2008, avec une première sélection de candidats le 26 mai 2009.
Or, bien que « les autorisations » soient « prêtes » comme l’a justement énoncé lors d’une conférence de presse, Rachid Arhab, président du groupe de travail Radio Numérique au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), le lancement officiel de la RNT se fait attendre et a été même repoussé.
En effet, la secrétaire d’Etat au Développement de l’Economie numérique, Nathalie Kosciusko-Morizet, s’exprimant lors d’un colloque organisé par les Echos le 2 juillet 2009, a déclaré que dans « deux ou trois villes pilotes », la radio numérique serait testée à la fin de cette année ; soit à Paris, Marseille et Nice, avec un paysage de 160 radios, sélectionnées le 26 mai par le CSA.
Pourtant, il y a quelques semaines, Rachid Arhab, est revenu sur cette déclaration « d’intention », prévoyant le nouveau lancement de la radio numérique pour le milieu de l’année 2010.
Cependant, vu le peu de conviction accompagnant cette annonce : « cela nous mènera, je pense, en milieu d’année prochaine. Mais j’ai appris à me méfier des dates », il est facile de concevoir que la radio numérique n’est pas prête à investir les ondes, dans un avenir proche.
Et ceci d’autant plus, que la prévision du CSA relative à la couverture totale du territoire français par la RNT a été envisagée pour 2014 , « si le calendrier est respecté », tel que l’a indiqué Rachid Arhab dans une interview donnée le 28 mai 2009, au Figaro.
Or, avec le lancement retardé de la RNT dans les trois villes tests, le calendrier prévisionnel du CSA n’est déjà plus respecté ! Les paris sont donc ouverts : la radio numérique en France pour 2015, 2016 (…) ?
Mais pourquoi ce recul de nos gouvernants ?
La RNT, inscrite dans la vague numérique de ces années, avait été présentée comme la radio du futur. Qualifiée de « révolution des usages » par Marie-Catherine Beuth, journaliste au Figaro, elle a pour caractéristiques d’améliorer la qualité du son réceptionné, d’accéder à des données associées et d’assurer une couverture plus étendue du territoire ; soit des améliorations qui ne laissent pas insensibles.
Pourtant la RNT ne pourrait appartenir qu’à un souvenir du passé.
Quelles sont donc les barrières qui empêchent le développement de ce nouveau média, technologiquement à la pointe ?
La première barrière qui stoppe l’établissement rapide de la RNT dans l’hexagone, est celle liée aux difficultés techniques.
La bande de fréquences qui a été choisie pour diffuser la radio numérique en France est délicate, car elle repose sur de très hautes fréquences, soit 1,5 GHz. Et plus on travaille sur des fréquences hautes, moins l’émission porte loin. Dés lors, là où en analogique, il suffisait d’un émetteur pour diffuser un contenu, il en faudra désormais trois.
Ensuite, étant donné que le numérique est une technologie qui associe du son, des images et du texte, il est nécessaire de mettre en place une « société de multiplexage » pour rassembler ces différentes données avant de les transmettre. Mais cela n’a pas encore été fait, comme a pu le souligner Rachid Arhab, pour justifier le retardement dans le lancement de la RNT. Il invoque également que les opérateurs, qui sont les stations de radios, ne sont pas encore toutes opérationnelles à émettre en numérique. Certaines d’entre elles font même de la résistance, essentiellement les petites stations rassemblées dans le « collectif radios en lutte », qui ont peur de disparaitre, ne pouvant supporter le coût du numérique.
Puis, s’agissant des récepteurs, les industriels boudent la conception de nouveaux postes qui recevraient ces hautes fréquences. Pourquoi investiraient-ils des sommes d’argent importantes alors qu’il n’y a toujours pas d’émission de la RNT en France.
En découle ainsi la seconde barrière au développement de la RNT, qui est celle liée à l’économie.
Pour un opérateur, diffuser en numérique, ça coûte cher : « soit une cinquantaine de millions par an au total pour les principaux acteurs », d’après la tribune de Pierre Bellanger et Sylvain Anichini « Ne nous trompons pas de radio numérique… » publiée dans le Monde le 24 septembre 2009.
Or, cette dépense supplémentaire ne pourrait pas être amortie par une station de radio, en cause la dégradation du marché publicitaire.
En effet, la radio numérique « arrive au plus mauvais moment », selon Michel Cacouault, président du bureau de la Radio, invité du Buzz média le figaro en date du 3 juillet 2009.
Ce dernier justifie l’emploi de cette formulation poignante, en expliquant que la crise a eu pour conséquence de diminuer les recettes publicitaires de la radio – est attendue une baisse de « 15% » pour 2009 – diminution qui impacterait de façon encore plus significative les anciennes radios, comme les nouvelles, transmettant en numérique, étant donné que « le gâteau va être plus petit, il va falloir se le partager ».
Ensuite, si l’on se place du côté du consommateur, le changement de son parc de récepteurs, qui en moyenne par ménage est constitué de six récepteurs, va entraîner un certain coût, surtout si l’on considère que le prix d’un poste se quantifie entre 80 et 150 euros. Et dans une période de crise, les classes moyennes n’hésiteront pas à ne pas investir dans ce genre de dépenses.
Dés lors, les pouvoirs publics vont-ils retarder le lancement de la RNT jusqu’à ce que la crise passe ou vont-ils y renoncer ?
Ces derniers ne se sont-ils pas trompés de cheval de course ?
La radio IP, pour « Internet Protocol », écoutée sur un Smartphone, ne pourrait-elle pas coiffer la RNT à la ligne d’arrivée ?
C’est en tout cas, ce que défendent Pierre Bellanger, fondateur et président de Skyrock et Sylvain Anichini, ancien directeur général adjoint de Radio France, dans l’article du journal Le Monde du 24 septembre 2009 : « ce qui était il y a encore peu une pensée visionnaire commence aujourd’hui à faire consensus au niveau mondial : l’Internet mobile est la nouvelle donne. C’est l’antithèse de l’empilement des réseaux de diffusion spécifiques à chaque service (radio, télévision). Dans un futur économiquement fragile, où les soucis de préservation des ressources en énergie et de respect de l’environnement » – 160 millions de récepteurs analogiques devront être jetés – « deviennent des priorités, peut-on continuer comme si de rien n’était ? (…)La RNT n’était pas une erreur mais un futur de retard, dépassé par une révolution technologique qui a surpris des industries entières. Le reconnaître n’enlèverait rien, bien au contraire, à l’estime que l’on peut porter à ceux qui l’ont défendue. Un changement de cap n’est jamais une faute quand il permet d’éviter de soudains récifs ».
Ainsi, à force de tergiversations shakespeariennes, la RTN n’est pas assurée de son futur.
Sources :
–http://www.radionumerique.biz/
–http://www.lefigaro.fr/medias/2009/07/03/04002-20090703ARTFIG00376-la-radio-numerique-arrive-au-plus-mauvais-moment-.php
–http://www.lefigaro.fr/medias/2009/08/04/04002-20090804ARTFIG00436-la-radio-numerique-des-ondes-enrichies-.php
–http://www.lemonde.fr/
–http://www.csa.fr/infos/autorisations/autorisations_radio_num.php
Isabelle MEYER