Le co-président de Pathé, Jérôme Seydoux, a jeté le trouble dans le monde du cinéma. En affirmant, lors du congrès de la Fédération Nationale des Cinémas Français (FNCF) de Deauville, le 2 octobre 2009 , son souhait de modifier le jour de sortie des films dans les cinémas français, il a touché à une « institution » vieille de 1937 !
Les sorties en salles sont « calées » sur « le jour des enfants ». Pour cette raison, avant 1972 les sorties se faisaient le jeudi. Un facteur technique avait aussi encouragé les professionnels à fixer le mercredi comme jour J pour permettre de préparer pour le week-end les pellicules qui parfois arrivaient endommagées. Peut-être le caractère désuet du facteur technique a-t-il poussé Jérôme Seydoux à proposer ce changement à la Fédération ?
Le grand patron de Pathé affirme que la sortie en salle le vendredi permettra aux films de « démarrer fort ». Il illustre son point de vue et annonce que « le film « Bienvenue chez les ch’tis » aurait battu le record du film « Titanic » s’il était sortie un vendredi ». Les arguments du producteur de « Bienvenue chez les ch’tis » sont nombreux pour conforter son idée.
Premièrement, instituer le vendredi comme jour de sortie permettrait d’ aligner la programmation de films sur le même jour que la majorité des pays du monde, en particulier les Etats Unis et le Canada. Ce serait un moyen de lutter contre les téléchargements illégaux. Plutôt que de télécharger illégalement les films, les cinéphiles pressés iraient les regarder directement au cinéma. Pourtant, comme le relèvent les opposants à cette nouvelle idée, les films des grosses productions hollywoodiennes sortent généralement en avance de quelques mois aux Etats-Unis et au Canada. Une sortie fixée au vendredi ne permettrait donc pas de résoudre ces problèmes de téléchargement.
Ensuite, Jérôme Seydoux explique qu’après la sortie du mercredi les salles enregistrent « un creux » jusqu’au vendredi soir, ce qui les oblige à anticiper la programmation – ou déprogrammation – de la semaine suivante et désavantage certains films. Selon lui, décaler la programmation des films au vendredi permettrait d’avoir plus de recul sur le potentiel des films et par conséquent de ne pas en défavoriser certains.
Devant l’évolution des activités des français, le « perturbateur du cinéma français » trouve quelque peu désuète l’idée du mercredi comme journée du cinéma en famille quand les enfants ont de plus en plus d’occupations ce jour, vont à l’école ou que leur parents, retenus pas la programmation des matches de league, s’éloignent des salles de cinémas.
L’opposant le plus important à cette idée, le Directeur Général de l’UGC ( l’Union générale des cinémas), Alain Sussfeld, met en avant l’originalité française ! Le mercredi comme jour de sortie des films ferait son succès. Le film « Le petit Nicolas » à l’appui, il annonce que le mercredi précédant l’annonce de Jérôme Seydoux, « les entrées en salles ont bondi de 60% par rapport á l’année précédente(…) alors que la télévision diffusait le match Real Madrid-OM ».
Dernier argument de Jérôme Seydoux : les chiffres. La sortie des films le vendredi permettrait de doper les entrées puisque le public pourrait concrétiser plus rapidement son envie, suscitée d’une part par les bandes annonces diffusées durant la semaine et d’autre part par le bouche à oreille, élément le plus important dans la promotion d’un film.
Les plus fervents des opposants à cette idée, parmi lesquels le patron d’UGC, évoquent le problème créé pour les films d’auteur, particulièrement valorisés par le bouche à oreille du mercredi au vendredi. Alain Sussfeld pense effectivement que cette modification écraserait ceux-là mêmes qui font la renommée du cinéma français. Alors que les salles diffusant les films à grand public seraient envahies le week-end grâce à la promotion de la semaine, les salles diffusant les films de petite production seraient désertées, ce qui accélèrerait leur déprogrammation.
Les adversaires défendent en outre les cinéphiles, passionnés de ces films d’auteur, davantage présents en semaine dans les salles de cinéma. La sortie du vendredi entraînerait donc l’abandon des salles durant la semaine.
Outre les raisons avancées, la question posée le 2 octobre 2009 soulève plus particulièrement un enjeu économique important. Certes, le décalage du jour de sortie pourrait permettre aux films grand public de battre des records d’audience dés le premier jour de sortie. Toutefois, il risque fort de faire disparaître de nos salles les films d’auteur qui font la renommée de la France à l’International. Cette question, tout juste posée, crée déjà une division au sein des professionnels du cinéma. L’encre risque de continuer à couler puisqu’il appartient à ce cercle de prendre une décision. Elle sera très probablement tranchée lors du prochain congrès de Deauville, en septembre 2010. L’influence sera grande, notamment sur la totalité des médias français puisqu’un grand nombre de programmes audiovisuels se basent sur le jour de sortie en salle pour fixer le jour de leur diffusion. La parution du magazine « Telerama » en particulier a calé sa parution en fonction de ce fameux jour de sortie des films français.
Sources:
http://www.lyonmag.com/article/12050/avis-partages-sur-la-sortie-des-films-le-vendredi
http://www.lejdd.fr/Culture/Cinema/Actualite/Nous-sommes-en-total-desaccord-141832/
http://www.premiere.fr/Cinema/News-Cinema/Et-si-les-films-sortaient-le-vendredi/(gid)/2085120
http://www.fncf.org
http://www.telerama.fr/cinema/les-films-en-salles-le-vendredi,48104.php
Chloe Gilliard