Voilà un concept qui commence seulement à faire parler de lui …En effet, la chaîne 13ème rue a provoqué la stupeur en créant une nouvelle forme de promotion publicitaire.
Afin de comprendre revenons sur le point de départ ! 13ème rue, qui était basée sur le terrain du fantastique et de l’horreur, a décidé de se repositionner sur la diffusion de policiers. La chaîne, propriété du groupe NBC Universal, a donc décidé de mettre le « paquet » pour en informer les téléspectateurs et a créé un site viral dans lequel l’internaute peut commanditer le meurtre de son « ami ».
Jetuemonami.com est une forme de publicité peu commune qui au-delà d’informer le téléspectateur, le fait participer. Ceci est certainement la raison pour laquelle cette publicité est devenue le jouet préféré des internautes depuis le 22 octobre, date de sa divulgation au public. Pour preuve : les chiffres d’affluence sur le site ! 5 millions de connectés en 15 jours et 235000 contrats passés avec les tueurs à gage proposés.
Pour comprendre cet engouement, voyons comment cela fonctionne :
Tout d’abord, lorsque vous accédez au site plusieurs tueurs vous sont présentés (homme et femme, l’heure est à la parité). Ensuite, il faut télécharger une photo de votre « victime » ainsi que ses coordonnées et la raison de ce meurtre (toutes les motifs sont valables !) et après cela, c’est au commanditaire de se présenter. Une fois ces formalités remplies le film commence et là, surprise, le visage de la future « victime », qui accomplie une activité banale de la vie quotidienne, est celui de votre « ami ». Quelques secondes plus tard, la victime est morte et l’on vous propose de publier la vidéo sur votre « Wall facebook ». Parallèlement à cela, la victime est avertie de son « meurtre » par un mail qui lui propose de mener l’enquête afin de retrouver son « assassin ». Voilà comment la chaîne avec l’aide de la Société BETC Euro RSCG permet au public de concrétiser son slogan « 13ème rue révèle l’enquêteur qui est en vous » et a par ailleurs créé un buzz sans aucune autre de forme de communication.
Bien que la production du film ait rencontré des difficultés quant à la réalisation technique permettant d’accueillir des photos, ce film est une vraie réussite en terme de qualité. Ceci a, en effet, était souligné lors du classement HIT CRÉA WOP’ publié dans CB News (n°1035) qui a attribué 4 étoiles à ce « dispositif viral ».
Bien que la renommée de ce site ne soit plus à prouver, que la qualité soit remarquée et que l’originalité du concept ne donne pas lieu à discussion, ce film suscite tout de même de nombreux déchainements. Pour cause, la chaine et sa publicité sont plutôt « limite » d’un point de vue juridique.
Premier point de discorde, la violence du jeu. En effet, un bandeau « déconseillé au moins de 16 ans » apparaît bien sur le site mais à aucun moment l’âge de l’intéressé n’est demandé ! Ceci a provoqué la colère de l’association « Famille de France » qui a immédiatement publié un communiqué demandant la suppression de ce programme. Appel qui s’est révélé inutile puisque à ce jour, aucune réponse publique n’a été faite par la chaine à ce propos. Une nouvelle fois la cohabitation d’internet et des règles de protection de l’enfance et de l’adolescence pose problème, cependant chacun sait que dans le cas où le site demanderait l’âge de l’intéressé, personne n’irait le vérifier. Par conséquent, ce jeu, bien que trop laxiste sur ce point, ne fait que relancer le débat sur l’accès aux contenus internet par les mineurs.
Un second problème de droit est avancé par les commentateurs, celui du droit à l’image. Il est évident que l’utilisation de la photographie d’une personne dans un film qui a vocation à se balader sur le net pose ce problème de droit à l’image. La chaîne se dégage de toute responsabilité en affichant un message dans lequel elle « décline toute responsabilité pour l’usage des photos ». Ceci paraît cependant assez léger pour se dégager d’une responsabilité si pesante en temps normal, c’est en tout cas ce que les commentateurs pensaient avant le jugement en référé de l’affaire Paul Vergés. En l’espèce, un internaute a « joué » sur jetueunami.com en utilisant la photographie du Président de la Région de la Réunion comme victime puis la vidéo a été diffusée sur internet. Un site internet « zinfo974.com » a décidé de relayer l’information qui l’était déjà sur d’autres sites. Cependant Mr Vergés, la « victime » a très mal accueilli l’information. C’est sur un fond de désaccord préexistant entre le journaliste et l’homme politique que l’affaire a été portée devant le juge des référés de Saint-Denis de la Réunion. La « victime » a demandé le retrait de la vidéo de la toile considérant qu’elle portait atteinte à sa dignité et à son droit à l’image.
Le site jetueunami.com a cette fois pris la menace au sérieux en supprimant la vidéo litigieuse alors que l’ordonnance en référé ne le visait pas. Certains y verront un aveu quant au caractère litigieux de l’usage de photographies sur le site. Ce retrait n’a pourtant pas fait abandonner Mr Vergés dans son combat contre le site d’information réunionnais et son journaliste M. Dupuy. Le 10 novembre, le juge des référés a donc rendu un jugement qui a surpris. En effet, il a considéré que la vidéo n’étant plus à disposition du public en ligne, le dommage n’existait plus et que par ailleurs, « l’intervention s’est limitée à informer le public » relevant que les défendeurs « ne sont à l’origine ni du jeu (…), ni de l’application de ce jeu à la personne de M. Paul Vergés » .Le juge a cependant ouvert une brèche puisqu’il a déclaré « qu’il ne saurait trancher sans excéder ses pouvoirs ». Ceci pourrait donc donner lieu à de nouveaux recours auprès de juridictions compétentes. L’affaire a permis de se rendre compte que cette forme de publicité soulève bien plus d’interrogations que celles posées par « l’enquêteur assassiné ».
Une dernière question pourrait alors être relevée, celle de la qualification du crime virtuel lui même. En effet, lorsque l’on sait que cette question a déjà posée problème dans d’autre pays au sujet de « crime » commis sur le site « second life ». Ceci ne semble pas problématique dans notre droit pénal actuel puisque la réalisation matérielle de l’infraction est requise pour caractériser le crime, cependant qu’en serait-il si le droit pénal s’alignait sur le cyberspace ?
Sources :
http://www.20minutes.fr/article/363667/Media-13e-rue-et-les-pubs-qui-tuent.php
http://www.ecoles-idrac.com/Blogs/Le-petit-journal-du-Buzz/(tags)/jetueunami.com
http://www.familles-de-france.org/customer/product.php?productid=986&cat=&page=
Chloé Gilliard