QUID DE LA PROTECTION DES SOURCES JOURNALISTIQUES DEPUIS L’ADOPTION DE LA LOI DU 22 DECEMBRE 2009 ?

Le 15 décembre dernier, un arrêt de la Cour Européenne des droits de l’homme (CEDH) conforte le secret des sources journalistiques en réaffirmant le principe de la liberté d’expression.
En l’espèce, le litige opposait le Financial Times au Royaume-Uni ; Le requérant (le Journal) condamné par une décision de justice à délivrer à une société des documents permettant l’identification des sources journalistiques saisie la CEDH. La Cour a jugé cette décision contraire à l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et réaffirme qu’en l’espèce, les intérêts défendus étaient insuffisants pour « l’emporter sur l’intérêt public à la protection des sources journalistiques ».
Cet arrêt est une fois de plus, révélateur des différentes pressions exercées sur les journalistes d’investigation et de la relation conflictuelle entre d’une part la justice et d’autre part la presse. L’intérêt du secret des sources (condition de la liberté d’expression) se comprend par la nature des informations qui sont en causes, informations que certains voudraient garder secrètes du fait de leur caractère litigieux et donc souvent obtenu frauduleusement. Différentes condamnations de la France par la CEDH notamment en 2007 avec l’affaire « Dupuis et autres » pour violation de la liberté d’expression et l’insuffisance de la Loi du 4 Janvier 1993 ont conduit le législateur à légiférer. La loi relative au secret des sources résulte d’un débat législatif houleux depuis son adoption par l’Assemblée Nationale le 15 Mai 2008, le texte est enfin définitivement adopté par le Sénat le 22 décembre 2009 et publiée au journal officiel du 5 Janvier 2010. Cette loi, promesse électorale du Président de la République vise à « étendre au domicile privé des journalistes les garanties prévues dans les locaux d’entreprises de presse ». Elle permet une mise en conformité du droit Interne avec le droit Européen et modifie ainsi la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Une nouvelle définition du journaliste professionnelle est créee et présente à l’article 1 alinéa 2, en complément de la définition donnée par le code du travail : « toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d’informations et leur diffusion au public”.
Les sources journalistiques bénéficient d’une protection contre les atteintes directes mais aussi indirectes : la volonté du législateur est ici de protéger la source même mais aussi toutes les informations permettant son identification. L’intervention de l’autorité judiciaire est désormais encadrée : une atteinte au secret des sources ne sera permise qu’en cas « d’impératif prépondérant d’utilité public qui le justifie et si les mesures envisagées sont nécessaires et proportionnées » mais le texte n’apporte aucune précision. Concernant la protection des sources sur le plan de la procédure pénale, le texte prévoit que la procédure de saisie sera soumise au contrôle du juge des libertés et de la détention. Enfin, un droit absolu au silence des journalistes est consacré dans l’article 3.
Toutefois, le caractère flou et l’imprécision globale de certaines notions comme par exemple, la notion « d’intérêt supérieur de l’Etat » qui permettrait de violer le principe du secret des sources, témoigne de la difficulté d’interprétation du texte par les juges du fond.

Sources :

http://www.vie-publique.fr
http://www.assembleenationale.fr
http://www.gouvernement.fr

Tiffanie TABEAU