LES PROPOSITIONS DE LA « PREMIÈRE URGENCE DU RAPPORT CRÉATION ET INTERNET »

L’année 2009 a été marquée par la polémique autour de la coupure d’accès internet mis en place par la loi HADOPI pour sanctionner le téléchargement illégal.
En 2010, il n’est plus question d’entendre parler de « pirate » ! Le rapport de la commission création et internet a été rendu ce mercredi 6 janvier, afin de compléter le dispositif répressif des lois précédentes et de tenter de renouer les liens avec la communauté internaute. En effet, orienter la création sur internet vers « le cercle vertueux » de la rentabilité semble être le vœu de cette mission composée de M. Patrick Zelnik, M. Jean Jaques Toubon, et M. Guillaume Cerutti félicités pour ces « avancées séduisantes » par M. Frédéric Mittérand lors de la remise du rapport.

Ce rapport établit ainsi 22 propositions prévoyant une régulation temporaire de l’état censée aménager l’essor du marché culturel en ligne dans les secteurs de la musique, l’édition, et des œuvres audiovisuelles et cinématographiques. Les neufs premières mesures se concentrent sur la musique, première urgence face à l’efficacité incontrôlable d’internet à diffuser en masse des contenus compressés numériquement. En l’absence de modèle économique viable susceptible de tirer profit des possibilités du web, le rapport envisage une régulation sur 3 ans pour combler les pertes croissantes du marché physique en stimulant le marché en ligne. Le rapport dénonce ainsi la diversité des acteurs et des usages sur internet, qui disperse considérablement les recettes au sein du marché, et qui stigmatise ainsi des prix trop chers qui n’attirent pas les consommateurs. Face à cette immaturité affirmée du marché, la commission écarte sans surprise la licence globale, et la contribution généralisée d’1 euro sur chaque abonnements internet et avance trois séries de propositions « novatrices »:

o Favoriser l’attractivité de l’offre légale aux yeux des jeunes internautes consommateurs,
o Simplifier et uniformiser en amont les négociations des licences par une gestion collective légale ou volontaire.
o Optimiser et renforcer les investissements de l’état lors de cette « période de transition ».

Dans un premier temps la mission n’est pas simple puisqu’il s’agit de développer une offre légale susceptible de satisfaire à des jeunes internautes habitués à la gratuité et à l’abondance. Dans ce sens, il est proposé aux jeunes de 15 à 24 ans d’acheter « une carte de musique en ligne » d’une valeur faciale de 50 euros, sur un portail créer pour l’occasion. Cette carte permettrait de télécharger en illimité sur « des plateformes participant à l’opération », soit de manière volontaire, soit par le biais d’un appel à projet. Le prix de la carte serait assumé à hauteur de 50% par l’état suscitant donc un investissement de 25 millions de l’état pour 1 million de cartes achetées. Le lancement de cette carte devrait également s’accompagner de la création d’un portail référençant les œuvres musicales disponibles en ligne, ainsi que d’une « campagne de communication ambitieuse », censée « renvoyer une image positive » ciblée autour de la qualité et la richesse des services légaux. Le coût de la création du portail de référencement associé à la campagne de communication, est estimé à 5 millions d’euros dans le rapport.

Le deuxième objectif annoncé est de développer un régime simplifié de « gestion collective des droits d’auteurs et voisins » pour permettre aux services en ligne de constituer plus facilement des catalogues attrayants et abondants. La mission dénonce l’impasse actuelle provoquer par la complexité des négociations nécessaire pour obtenir des licences, et par les minimums garantis exigés par les majors, trop élevés pour permettre l’entrée d’acteurs sur le marché. Elle propose donc de simplifier les négociations par une gestion collective permettant de rassembler les ayants droits à une négociation unique et uniformisée pour permettre un accès plus concurrentiel au marché. Dans ce sens, il est proposé d’étendre le régime de rémunération équitable, au « webcasting » et au streaming pour faciliter l’essor de services attrayants et légaux dans ce domaine. Il s’agit donc d’étendre le régime de la licence légale appliqué aujourd’hui à la négociation des droits pour la radiodiffusion et prévue à l’article L 214-1 2° du code de la propriété intellectuelle. La commission souhaite ensuite que « les autres servies de mise à disposition interactive » parviennent avec les détenteurs de droits ainsi que l’ensemble des professionnels du secteur, a l’établissement volontaire d’un régime de gestion collective uniformisé pour correspondre à l’intérêt commun. Si ce volontariat n’aboutis à rien avant la fin de 2010, le rapport propose une intervention législative pour aménager une gestion collective obligatoire par les sociétés de perception et de répartition des droits. Il s’agit ici de s’inspirer du modèle volontaire existant pour la radiodiffusion sur internet entre les producteurs de phonogramme et les services de radiodiffusion sur internet. En revanche, certaines obligations sont crées à la charge des éditeurs de service en contrepartie de ces simplifications d’obtention des licences. Ces derniers doivent revaloriser la rémunération équitable de façon générale, investir dans des systèmes de traçabilité consultables par les ayants droits et garantir une diversité culturelle et éditoriale notamment pour le webcasting placé sous le régime de la radiodiffusion

Enfin, la dernière étape consiste à solliciter des aides financières de l’état, au profit des entreprises de production d’œuvre phonographique, des entreprises du marché numérique de la musique et « des jeunes entreprises de croissance dans le secteur des services musicaux en lignes ».
Pour ce faire le rapport soutient le dispositif de crédit d’impôt de 2006 pour la production d’œuvre phonographique, et propose qu’il soit plus favorable aux labels indépendant les plus touchés par la crise financière. Le rapport propose ainsi des conditions plus favorables en relevant les plafonds, en élargissant les dépenses susceptibles d’intégrer l’assiette et en créant de nouveaux avantages fiscaux soumis à l’agrément du ministère de la culture. Les entreprises du marché en ligne également, pourraient bénéficier d’aide de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) d’une façon plus progressive sur des durées suffisamment longues pour être adaptées à cette « phase de transition » vers de nouveaux modèles de rémunération. Enfin la mission propose la constitution d’un fond stratégique d’investissement, assigné à la caisse des dépôts et des consignations afin de permettre des apports en fond propre dans les services musicaux en lignes, à l’image des prises de participation dans la société Daylimotion par exemple.

Ainsi, développer le marché en ligne semble être un objectif louable pour répondre à une crise du marché physique. Et l’uniformisation de la négociation des droits sur internet était en effet un point inévitable pour faciliter l’entrée de nouveaux acteurs novateurs sur un marché plus concurrentiel.

Seulement la disparité des acteurs du marché entre lobbying et indépendants risque d’être un obstacle important à l’établissement d’un modèle de gestion collective volontaire plus équitable. En effet, « l’intérêt commun » entre ces acteurs n’est pas évident, à l’image de Pascal Nègre qui a déjà déclaré qu’il « ne comprend pas » l’intérêt d’une telle gestion, qualifiant la situation actuelle des distributeurs, de normale. En revanche il semble saluer la carte de musique en ligne, ainsi que le soutient par le crédit d’impôt accordé aux producteurs de phonogramme. Inattendu !
Le président N. Sarkozy, a d’ailleurs annoncé lors de la présentation de ses vœux à la culture, la création de la carte de musique en ligne associée à un dispositif de filtrage des sites proposant des offres illégalement mises à dispositions. Cette proposition de carte qualifiée de « mesurettes » par la SACEM et de « farce » «pour servir les intérêts des amis de la présidence » par la quadrature du net, semblent irriter surtout au niveau du coût de l’opération. Certes si ces mesures sont supportées par l’état, bien que le rapport tente de trouver des nouvelles ressources discutables, comme les taxes des publicités en lignes, et l’aménagement à un niveau européen d’une TVA uniformisée, on ne peut pour autant écarter la participation du contribuable dans ce financement. Ainsi si le contribuable participe financièrement à l’élaboration d’un marché en ligne viable, la commission critique à tort l’hypothèse d’une contribution généralisée qui imposerait « un coût à tout les internautes sans aucunes contrepartie », les internautes correspondant à une catégorie de personnes plus restreintes et surement plus concernée par l’avenir de ce marché que les contribuables.

Alors, patientons à nouveau, la HADOPI n’étant pas opérationnelle pour l’instant, et espérons que le financement de cette commission permettra tout de même certaines avancées avant que soit couper les connexions internet de personnes n’ayant pas pu bénéficier d’une offre légale sérieuse et attractive.

Sources :
http://www.culture.gouv.fr/mcc/Actualites/A-la-une/Remise-du-rapport-de-la-mission-creation-et-internet

http://www.lemonde.fr/technologies/chat/2010/01/07/quels-financements-pour-la-creation-sur-internet_1288880_651865.html

http://bibliobs.nouvelobs.com/20100112/16936/numerisation-mitterrand-au-rapport

http://www.lepoint.fr/actualites-medias/2010-01-08/culture-et-internet-sarkozy-gifle-les-majors-du-disque/1253/0/411752

http://www.laquadrature.net/fr/sarkozy-et-internet-entre-farce-et-dogmatisme-inquietant

http://news.google.fr/news?q=zelnik&oe=utf-8&rls=org.mozilla:fr:official&client=firefox-a&um=1&ie=UTF-8&sa=N&hl=fr&tab=wn

Nicolas MARTIN