C’est un coup de théâtre qui s’est produit, le 9 janvier 2008, lorsque Nicolas Sarkozy annonce l’arrêt progressif de la publicité sur France Télévisions.
Dès lors s’engage un processus législatif accéléré voire précipité. La procédure d’urgence est déclarée. Ainsi, le processus aboutit sur l’adoption de la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Mais, l’arrêt de la publicité entre 20h et 6h sur les chaines du groupe France Télévisions est effectif depuis le 5 janvier.
La loi du 5 mars 2009 pose donc l’arrêt progressif de la publicité sur France Télévisions. L’arrêt complet de la publicité sur ces chaines étant prévu pour coïncider avec l’arrêt de la diffusion analogique soit fin 2011.
Pour pallier au manque à gagner dû à la suppression des pages publicitaires, le législateur a instauré deux nouvelles taxes. Celles-ci concernent différents acteurs. La première taxe repose sur les chaînes privées. Elle est calculée sur la base du chiffre d’affaire publicitaire de ces chaines.
La seconde est à la charge des opérateurs de télécommunications. Leur chiffre d’affaire constitue l’assiette de cette taxe. Couramment appelée « taxe télécoms », celle-ci a beaucoup fait parler d’elle au moment de l’adoption de la loi. En effet, les débats se sont concentrés autour du taux applicable. La commission Copé préconisait un taux de 1%. Certains sénateurs souhaitaient fixer la taxe à 0,5%. D’autres recommandaient un taux de 2%. Finalement, le Sénat et l’Assemblée Nationale ont adopté une taxe à hauteur de 0,9%.
Mais la taxe télécoms a continué à faire parler d’elle après l’adoption de la loi du 5 mars 2009. En effet, les opérateurs de télécommunications voient d’un mauvais œil cette mesure et la dénonce. Ainsi, ils n’hésitent pas à lancer des menaces de répercussion sur la facture des abonnés.
Pour contester l’instauration de cette redevance, les opérateurs, réunis en lobby au sein de la FFT (Fédération française des télécoms), ont saisi la Commission européenne le 12 novembre 2009. Ils estiment qu’une taxe permettant de financer France Télévisions ne peut leur être imposer. Ils se fondent sur une directive du 7 mars 2002 relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques dite directive “autorisation”. L’article 12 de ce texte limite strictement les taxes administratives pouvant être imposées à ces opérateurs de télécommunications. En outre, ils se fondent sur une jurisprudence constante de la Cour de Justice des Communautés Européennes qui,depuis l’arrêt Albacom du 18 décembre 2003, impose le respect de l’article 12 de la directive de 2002.
A travers cette loi, la France a donc décidé d’aller à l’encontre de l’avertissement de la commissaire européenne Viviane Reding, Pour elle, « non seulement cette nouvelle taxation des opérateurs ne semble pas compatibles avec les règles européennes, mais elle vient frapper un secteur qui est, aujourd’hui, un des principaux moteurs de la croissance économique ». Inquiète d’une hausse du montant des factures, Viviane Reding explique que cette décision va à l’encontre de la volonté de la Commission qui cherche à faire baisser la facture des consommateurs ».
Pour éviter que la taxe soit annulée, un montage législatif a été mis en place. Toutefois, les commissaires européens ne se sont pas laissés duper. Ils ont fait le lien entre la taxe litigieuse fixée par la loi du 5 mars 2009 et le besoin de financement qui découle de l’une des mesures phares de cette loi. Et, la Commission de Bruxelles a annoncé l’ouverture d’une procédure à l’encontre de la France.
Une mise en demeure a été adressée à la France qui a alors deux mois pour faire part de ses observations et convaincre la Commission européenne. L’Etat français a le choix de rester sur sa position ou abandonner la taxe. Dans le premier cas, si les observations du gouvernement ne satisfont pas la Commission, celle-ci ouvrira une procédure contentieuse à l’égard de l’Etat français en saisissant la Cour de justice des communautés européennes. Dans le second cas, il devra rembourser dès maintenant aux opérateurs de télécommunications le montant de la taxe.
Quelle que soit la décision prise par la France, les conséquences financières seront énormes. Si la procédure contentieuse est engagée, les sommes à devoir aux opérateurs de télécommunications en cas de perte du procès seront considérables. Comme la procédure devant la Cour de Justice est longue et non suspensive, les opérateurs devront s’acquitter de la taxe tous les ans pendant le procès. Si les juges européens tranchent en leur faveur, l’Etat français devra les rembourser de toutes les sommes qu’ils ont versé depuis 2009. Même si l’Etat français décide d’abroger la taxe télécoms, il sera dans l’obligation de rembourser les sommes déjà versées. A ce jour, la taxe rapporte 300 millions d’euros par an.
Sources :
–www.lepoint.fr/actualites-medias/2010-01-29/deconvenue-la-taxe-telco-portee-par-sarkozy-bute-sur-bruxelles/1253/0/418547
–www.lepoint.fr/actualites-medias/2010-01-29/financement-france-televisions-la-taxe-sur-les-telecommunications-retoquee-la-france-etait/1253/0/418775
–www.generation-nt.com/audiovisuel-senat-taxe-operateur-telecom-fai-albanel-actualite-217521.html
–www.lexpress.fr/actualite/media-people/media/france-televisions-le-conseil-d-administration-decrete-l-abandon-de-la-pub_726682.html
–www.legifrance.gouv.fr
Camille VIDAL