L’APPEL DU NUMERIQUE

Le 20 mars 2010, le groupement BD du SNAC a lancé une operation de mobilisation des auteurs, afin de réagir contre ce qui se met en place en ce moment en matière de politique numérique chez les éditeurs de bande dessinée.

En effet, dernièrement, les annonces de développement numérique se sont de brusquement multipliés : plate-forme Iznéo lancée par Média-Participations à l’occasion du salon du livre (plate-forme que les ouvrages de Casterman et Bamboo devraient rejoindre dans le même mouvement), accord de Glénat avec Ave Comics (la rémunération prévue pour les auteurs est exactement la même que pour les livres papiers), etc, etc.

Depuis deux ans, le syndicat tente de lancer une vraie discussion sur le numérique avec les éditeurs et qu’il n’a jamais obtenu, au mieux, que des paroles rassurantes, au pire une fin de non-recevoir.
L’appel est aussi envoyé aux auteurs de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse (qui a rejoint le SNAC dernièrement en tant que personne morale) et de la Société des gens de Lettre au moment du Salon du Livre et ce, afin d’obtenir le plus grand écho possible.
Les éditeurs ont visiblement décidé d’imposer leurs choix aux auteurs dont il semble que personne n’envisage qu’ils puissent avoir un avis sur des sujets aussi rébarbatifs que la TVA, le prix unique du livre, la répartition des coûts, leur niveau de rémunération, leur moyen d’existence et de vivre autrement que d’amour et d’eau fraîche…alors qu’on ne sait même pas quelle forme aura cette exploitation numérique l’année prochaine et qui la fera le mois prochain ?

Le sujet couve depuis un moment et avait été abordé clairement lors d’une conférence au dernier Festival d’Angoulême: les auteurs de bandes dessinées refusent de se faire dicter leur conduite par les éditeurs en matière de bande dessinée numérique. Le groupement BD du Syndicat des auteurs-compositeurs (SNAC) vient de lancer un Appel du Numérique.

« Ne nous méprenons pas. Nous nous réjouissons de voir nos éditeurs se lancer enfin sérieusement dans la révolution numérique. Mais nous déplorons que les initiatives éditoriales partent dans tous les sens, nous imposent leur cadre, au lieu d’un débat organisé au sein de la profession pour dégager des usages et chercher un consensus entre tous les partenaires, auteurs inclus. Dans les faits, chaque éditeur essaie dans son coin de faire avaler la pilule à “ses” auteurs… » Voilà ce qu’on peut lire, notamment, dans cet Appel du numérique, lancé par le groupement BD du SNAC, dont le comité de pilotage est notamment composé de David Chauvel, Cyril Pedrosa, Kris ou Fabien Vehlmann. À la veille de l’ouverture du Salon du livre cette pétition a déjà réuni près de 500 signatures d’auteurs.
Dans leur appel, les auteurs déplorent que les transpositions de leurs BD sur écrans ne soient considérées ni comme une adaptation (sur laquelle ils auraient leur mot à dire au cas par cas), ni le résultat d’une cession de droits dérivés, sur laquelle ils toucheraient « 50% des sommes récoltées ». Selon eux, en considérant la BD numérique comme un livre classique, les éditeurs entendent imposer une rémunération de l’auteur du même ordre que pour le format papier, entre 8 et 12 % du prix de vente hors taxe. La BD vendue beaucoup moins chère qu’un album papier et étant grevée d’une TVA bien supérieure, les auteurs voient leurs gains diminuer dangereusement. Et ils réclament des réponses à des questions répétées depuis des mois .

Dès lors, le syndicat des auteurs demande que toute adaptation numérique de leurs oeuvres soit soumise à leur validation, et que la cession des droits numériques soit l’objet d’un contrat distinct, limité dans le temps et renégociable. Il réclame également la mise en place d’un groupe de travail auteurs-éditeurs, sous l’égide du ministère de la Culture “ pour surveiller et étudier l’évolution du marché du livre de bande dessinée numérique,(…) identifier les bonnes pratiques, repérer et favoriser des usages équitables, être le garant que l’évolution des techniques soit garantie par une évolution des termes des contrats de cession (…) “ Et les auteurs de conclure leur appel par cet ultimatum : “D’ici là, faute de la moindre concertation, alors que les éditeurs organisent tranquillement un marché aux formes qui leurs seraient les plus profitables et confortables, nous refusons d’autoriser l’exploitation de nos œuvres dans leur format numérique et nous appelons tous les auteurs de bande dessinée et du livre en général à faire de même.”

Cet appel, clair, précis et fédérateur (près de 500 signatures réunies, c’est un chiffre déjà significatif à l’échelle du monde des auteurs professionnels de bande dessinée) intervient donc quelques jours avant l’ouverture du Salon du livre de Paris, qui fera à nouveau la part belle aux supports numériques et nouvelles façons de lire. La portail Izneo, développé par Média Participations, y sera d’ailleurs lancé.

Sources :
http://www.syndicatbd.org/

Sidney TRUC