L’AFFAIRE « GOOGLE ADWORDS » : LA DECISION DE LA COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE.

La Cour de Justice de l’Union Européenne vient de rendre ce mardi 23 mars 2010 la très attendue première décision relative au système publicitaire Adwords de Google.
Pour rappel, l’Avocat Général avait rendu ses conclusions en septembre dernier et conclu que le système Adwords ne paraissait pas porter atteinte aux marques, mais que Google ne pouvait se prévaloir du régime de responsabilité limitée prévue pour les hébergeurs Internet.

L’arrêt du 23 mars 2010 donne une réponse claire : Google se borne à « stocker » les mots-clés contrefaisants, sans en faire un usage direct et ne peut donc être tenu responsable pour contrefaçon de marque. En revanche, la cour refuse de prendre position quant à la question de savoir si Google doit être qualifié d’hébergeur ou d’éditeur et laisse aux juridictions nationales le soin de déterminer le régime de responsabilité qui lui est ainsi applicable.

La première partie de la décision s’intéresse donc a la responsabilité de Google pour contrefaçon, et la question de savoir si au regard de l’article 5 de la directive 89/104 l’usage fait par Adwords, de mots-clefs correspondant à des marques, en dehors de tous consentement préalable des titulaires « a lieu dans la vie des affaires, est fait pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, et porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque ».

La Cour souligne alors que Google, en tant que simple fournisseur de mots-clés ne fait pas un usage de ceux-ci « dans la vie des affaires » mais se contente de stocker et d’afficher ces mots-clés qui seront ultérieurement utilisés par les annonceurs eux-mêmes.

Dès lors, la Cour retient que Google AdWords n’est ni contrefacteur, ni complice d’actes de contrefaçon et se prononce en faveur de la mise en jeu de la responsabilité de l’annonceur sur le terrain du droit des marques et de la concurrence déloyale.

La seconde partie de la décision est consacrée à la question du statut d’hébergeur ou d’éditeur qui doit être reconnu à Google pour l’exploitation de son système publicitaire Adwords.
La cour rappelle alors que « les dérogations en matière de responsabilité (prévues par la directive ) ne couvrent que les cas ou l’activité du prestataire de services dans le cadre de la société de l’information revêt un caractère « purement technique, automatique et passif » impliquant que ledit prestataire « n’a pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées ».

Pour la cour, ce qui importe est « le rôle joué par Google dans la rédaction du message commercial accompagnant le lien promotionnel ou dans l’établissement ou la sélection des mots-clés » mais « la seule circonstance que le service de référencement soit payant, que Google fixe les modalités de rémunération, ou encore qu’elle donne des renseignements d’ordre général à ses clients, ne saurait avoir pour effet de priver Google des dérogations en matière de responsabilité prévues par la directive 2000/31 ».

Selon la cour, le seul fait que Google finance son activité de stockage par la publicité ne le prive pas du bénéfice du régime de responsabilité limitée accordée aux intermédiaires techniques.

Même si en définitive, la cour n’examine pas le rôle de Google et laisse aux juridictions nationales le soin d’apprécier si ce rôle est bien purement passif ou au contraire actif, cette décision a le mérite d’être claire sur la question du critère des recettes liées à l’hébergement.
Pour la cour, celui-ci est inopérant et ne permet pas de priver Google AdWords du bénéfice de l’art 14 de la directive 2000/31 puisqu’il lui appartient d’en fixer « les modalités de rémunération ».

La cour écarte ainsi un motif récurrent de la qualification d’éditeur par les juridictions françaises alors que celui-ci vient d’être, une fois de plus, retenue par la cour de cassation dans un récent arrêt du 14 janvier 2010…

Sources :

CJUE – arrêt du 23 mars 2010

http://www.journaldunet.com/
http://www.zdnet.fr/
http://avocats.fr/

J.Givone