UNE AUTORITE UNIQUE POUR LA CLASSIFICATION DES FILMS

La Commission de classification des œuvres cinématographiques, régie par un décret du 23 février 1990, est responsable pour la classification des œuvres et leur bande-annonce en vue de leur exploitation en salles. Après l’avis de la Commission, toute représentation publique d’une œuvre cinématographique est soumise à l’obtention préalable d’un visa d’exploitation délivré par le ministre de la Culture. La Commission propose une autorisation « tout public », une interdiction par groupe d’âge : moins de 12 ans, moins de 16 ans, moins de 18 ans non classé X, ou moins de 18 ans classé X.
Cette mission, exercée dans le respect de la liberté de création de l’œuvre, veille à protéger les enfants et les adolescents des impacts indésirables que certains films peuvent avoir sur leur personnalité et à informer le public. La Commission doit se rappeler de la relation particulière que le cinéma noue avec le public (salle close, obscurité, impact visuel et sonore, vision continue, intégrale et collective de l’oeuvre).
Dès qu’un film passe à la télévision, les chaînes qui le diffusent sont responsables pour sa classification selon les modalités techniques définies par de Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA). Leur contrat avec le CSA les oblige à respecter des clauses sur l’honnêteté de l’information et des programmes, sur la protection de l’image et sur la protection de l’enfance pour toutes les émissions diffusées. Ils peuvent choisir une classification entre les catégories suivantes : « tout public », « déconseillé aux moins de 10 ans », « déconseillé aux moins de 12 ans », « déconseillé aux moins de 16 ans », « et déconseillé aux moins de 18 ans. »
Lorsqu’un film passe du cinéma à la télévision, il peut être classé dans deux catégories différentes ! D’une part, cela peut paraître étonnant puisque le but de classification des films à la télévision est le même qu’au cinéma : ne pas porter atteinte au respect de la personne et à sa dignité et à la protection des enfants et des adolescents. D’autre part, cela est normal parce le cinéma et la télévision n’ont pas le même impact sur le public. La télévision, facilement et librement accessible dans chaque foyer, mérite une classification plus rigide puisque la gamme des émissions diffusées est beaucoup plus large et la surveillance des enfants n’est pas si simple.
Des fois, le CSA ou le CNC interviennent pour contrôler et changer la classification choisie par les chaînes. Cela a été le cas pour le film « Storytelling » diffusé en janvier 2003 par Canal + avec une interdiction aux moins de 10 ans (catégorie II). Le CSA a décidé qu’il devait être diffusé en catégorie III (interdit aux moins de 12 ans) parce qu’il a jugé que le programme pouvait troubler le mineurs de 12 ans et moins en comportant des scènes de violence physique ou psychologique qui se répétaient. Ainsi, la chaîne a modifié la signalisation pour les futures diffusions.
Ce système actuel sur le cinéma, la vidéo, et la télévision est réparti entre la Commission de classification, le Conseil supérieur de l’audiovisuel et  l’autorégulation pour les vidéocassettes, DVD et jeux vidéo.
Internet échappe à tous ces contrôles, un monde parallèle qui n’est pas censuré par les organes de régulation étatique. Sur l’Internet, les mineurs peuvent regarder des films qui leur sont interdits dans les salles de cinéma ! Il ne serait pas alors préférable d’avoir une Commission de classification unique applicable à l’ensemble des médias? Par ailleurs, ce modèle existe déjà en Grande-Bretagne.
Sylvie Hubac, présidente de la Commission de classification des oeuvres cinématographiques, remarque dans son rapport publié en 2010 que « son organisme est menacé par l’autocensure des cinéastes ». « La France se distingue par le libéralisme de ses classifications », indique-t-elle. La production de films est devenue plus consensuelle, entre 2007 et 2009, 91% de films sont classés « tout public ». Les producteurs, connaissant le système de classification, décident eux même de la catégorie de leurs films. Ainsi, quand un film arrive devant la Commission, il est « condamné » à être classifié comme prévu par les directeurs de production.
Résultat : durant la même période (2007-2009), seuls trois films ont été interdits aux moins de 18 ans en trois ans (Destricted : collectif de créateurs sur le sexe et la pornographie, Quand l’embryon part braconner : sujet à des pulsions sadiques, enferme et humilie sa partenaire et Histoires de sexe(s) qui a hérité d’un classement X – le premier depuis 1996). Pourtant, Sylvie Hubac recommande que le septième art reste “l’objet d’un contrôle a priori”.
Faut-il finalement adapter l’âge des restrictions pour protéger le jeune public? Elle ajoute que Les catégories actuelles embrassent des populations très hétérogènes en termes de maturité psychologique et physiologique, de réceptivité et de vulnérabilité ”
On se dirige vers une interdiction aux moins de 7-8 ans, comme c’est le cas en Allemagne, au Portugal et dans les pays scandinaves, ou aux moins de 14 ans. La multiplication des catégories d’âge risque de rendre la classification peu lisible et le contrôle en salles inopérant. De plus, selon le rapport, il faudrait la disparition du visa ministériel pour le cinéma ; une disparition qui risque d’encourager les censures locales et de donner aux maires un rôle de surveillance. Donc, une autorité unique pourrait être la solution.
On peut finalement se demander si le septième art est exercé en de façon libre ? Si les contrôles du CNC, du CSA, du ministre de la culture, et en plus des producteurs ne font pas disparaître la liberté de l’art cinématographique.
« L’art pour l’art » ou « l’art pour… la publicité, l’argent, le succès » ?
Sources :
www.lemonde.fr
www.secteurpublic.fr
www.conseil-etat.fr
http://www.bbfc.co.uk
http://www.csa.fr/
http://www.cnc.fr

Virginia KOKIOU