LA NOUVELLE TÉLÉRÉALITÉ STOPPÉE EN PLEIN VOL PAR LE CSA

Une décennie s’est écoulée depuis la naissance de la téléréalité, et le concept fait toujours autant fureur. Depuis 2001 et l’arrivée de Loft Story sur les petits écrans des français, on aurait pu prédire la mort du concept, surtout après toutes les remontrances, critiques ou sanctions subies par eux. Légalement déjà, au moment de la reconnaissance d’un contrat de travail pour les participants de ces émissions par la décision de la chambre sociale de la cour de cassation le 3 juin 2009, plus d’un auraient pariés une pièce sur le dernier souffle du concept. Que nenni !

La longévité du concept étonne, mais les créatifs savent varier les concepts, les règles des jeux, les origines des participants. Dernièrement, une téléréalité a proposé de créer LA téléréalité, en faisant face aux critiques, en assumant tout, de la manipulation de la production à la dureté des activités proposées aux participants en passant par leur soif d’argent et leur manque d’éducation. Cette nouvelle émission n’est autre que Dilemme, diffusée depuis le 20 juin 2010 par W9, une chaîne de la TNT. En somme zéro limite, zéro complexe, zéro censure. Une nouvelle ère ? Que nenni !

Nous sommes en France, pas en Hollande où le concept Big Brother a vu se développer depuis 1999 sa version la plus « hardcore ». Le concept de Dilemme se défendait des critiques perpétuellement émises à l’encontre des productions qui mettent en scène les réactions des participants afin de les piéger, et de l’obligation de censurer certaines images chocs. En voulant assumer, la production a annoncé la couleur très vite : le concept est dur, il met en avant les aspects les plus inavouables des candidats, et la production intervient sans se cacher dans le cadre du programme (un homme muni d’une combinaison intégrale rouge vive, et d’une grande capacité à la danse du robot). Ce concept, défendu par Alexia Laroche Joubert, ancienne directrice de la plus sérieuse Star Academy, et présenté sur la TNT et non sur une des 6 grandes chaines, offrait une perspective de réussite quasi certaine. Les résultats sont mitigés. Le concept change, certes, et les bonnes audiences enregistrées rendent jaloux TF1 depuis l’échec de « La Ferme en Afrique », mais n’est pas pour autant accepté par tous les téléspectateurs. Reste donc l’éternel problème de fond : l’opinion publique.

Les critiques les plus acerbes sont nées de personnes ne regardant pas forcément ce programme, mais qui, heurtées par le principe du jeu en voyant en boucle les scènes les plus incroyables passer au zapping, n’ont pas tardées à se faire entendre. Mais à proposer une émission de téléréalité zéro censure, il ne peut y avoir de surprise à se faire tirer les oreilles. Les dérapages étant presque programmés par la production, l’émission est clairement faite pour choquer. Histoire de créer le « buzz », et inviter les téléspectateurs les moins réticents ou les plus curieux à découvrir l’intégralité du programme. Le concept est simple : tester la limite que pourront dépasser les candidats pour gagner de l’argent. Il leur sera posé un dilemme : faire une activité et remporter de l’argent, ou la faire exécutée par l’autre équipe qui remportera la somme. Rien de révolutionnaire. Le problème se pose au niveau des dilemmes proposés aux candidats. Même si ces derniers n’ont pas froid aux yeux, il existe des limites à ne pas franchir. Notamment des limites légales, rappelées par le CSA.

En effet, il n’aura pas fallu beaucoup de temps pour voir intervenir l’autorité de censure. Si pendant la première quinzaine sont passés à l’as les questions d’exhibitionnisme des candidats, la légèreté de leurs propos ou le niveau intellectuel très bas des défis proposés, le CSA n’a pas laissé franchir la frontière de la dignité humaine, qu’il a sommé de respecter, le 3 juin dernier. La cause de l’arrachage de cheveu réside en un défi forçant une candidate à faire le chien, avec toute la panoplie collier et gamelle. Si la jeune fille avait mis sa orgueil de côté pour quelques euros, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a signifié qu’il s’agissait d’un « traitement avilissant et dégradant » et que cette séquence, « quand bien même la candidate s’était prêtée librement à ce jeu, conduisait à rabaisser un être humain au rang d’animal et portait atteinte, par son objet même, au respect de la personne humaine ». Pour un programme labellisé « zéro censure », cette intervention du CSA n’a pas du réjouir les producteurs.

La production a donc choisi de ne plus diffuser certaines images pouvant heurter la sensibilité des téléspectateurs. En résumé : une émission zéro censure censurée qui n’a plus vraiment de raison d’être, et un concept qui a sérieusement pris du plomb dans l’aile. Au vu du succès rencontré, gageons les producteurs de s’activer pour trouver un nouveau concept, toujours dans la même optique : créer un « buzz », sans choquer le CSA. Pas gagné d’avance.

Sources :

www.francesoir.fr
www.csa.fr
www.w9.fr

Romain GAMBARELLI