LE MONDE EST A VENDRE

Une livre sterling symbolique, c’est le prix dont s’est acquitté en mars dernier Alexandre Lebedev afin d’acquérir le quotidien britannique en perdition The Independent. Coutumier du fait, le milliardaire russe avait racheté l’an dernier le London Evening Standard. En France, le jeune oligarque russe de 25 ans, Alexandre Pougatchev, qui avait volé à la rescousse du quotidien français France Soir en le rachetant, a présenté récemment la nouvelle formule du quotidien devant le tout-Paris.
Du côté du Monde, le périodique qui aurait perdu environ 2 millions d’euros par mois en 2009 et qui n’aurait plus de trésorerie doit faire face à un endettement pour le moins conséquent : 69 millions d’euros d’obligations remboursables en actions et 25 millions d’euros à travers un prêt gagé auprès de la BNP sur sa filiale, Télérama.
Les candidats à la reprise du groupe de presse avaient jusqu’au 21 juin dernier pour peaufiner leur dossier ou se faire connaître. Le conseil de surveillance du Monde a en effet prorogé le délai arrivant initialement à terme le 15 juin comme le souhaitaient la plupart des actionnaires. Le 25 juin, les sociétés des actionnaires désigneront leur candidat avant un vote solennel en conseil de surveillance du Monde le 28 juin. Une fois le repreneur désigné, une assemblée générale du groupe, déjà fixée au 30 juin, doit valider les comptes de la recapitalisation.

Le dirigeant du Nouvel Observateur, Claude Perdriel, devrait être aidé par l’opérateur télécoms Orange à boucler une offre de reprise du quotidien ce qui lui permettrait de s’opposer au trio de têtes composé de Pierre Bergé (homme d’affaires), Matthieu Pigasse (patron de Lazard Europe) et Xavier Niel (président-fondateur de Free). Les deux partenaires apporteraient 80 millions d’euros afin d’obtenir au moins 60 % du capital du groupe Le Monde. Sur cette somme, 20 à 25 millions devraient être apportés par Orange, ce qui donnerait à Claude Perriel environ 19 % du Monde. En face, les trois concurrents seraient prêts à investir 100 millions d’euros, somme que le dirigeant du Nouvel Obs envisage d’égaler en cas de nécessité.
Lors d’une entrevue avec Eric Fottorino, président du directoire du Monde, Nicolas Sarkozy a fait part de ses réticences à l’égard de l’offre concurrente au duo Orange-Perdriel. Pour sa part, Claude Perdriel admet que l’idée d’être soutenu par le Président de la République ne le réjouit pas dans la mesure où cela risquerait de porter atteinte à l’indépendance du quotidien. De son côté, Pierre Bergel a estimé qu’un journal n’était pas “là pour répondre aux ordres du Président de la République” et a ajouté qu’il se méfiait “des synergies”.

Le chef de l’Etat soutient l’entrée en lice d’Orange au côté du propriétaire de L’Obs et de son directeur, Denis Olivennes, dont le président est proche mais outre Orange, le groupe espagnol de médias Prisa pourrait être le chaînon manquant d’un partenariat juteux. Les plus pessimistes soupçonnent Prisa, actionnaire espagnol du Monde, d’attendre un dépôt de bilan du journal, pour en apurer la dette. Affaire à suivre…

Le Parisien est à vendre, Libération lutte pour sa survie et Le Monde fait l’objet d’une bataille financière : sale temps pour la presse française. A travers ces divers changements de direction et de propriétaire, se pose la question de la survie du pluralisme et de la liberté d’expression. Une chose est sûre, si l’on prive les médias de leur rôle dénonciateur des injustices et des abus de pouvoir, ce ne sont pas les politiques qui s’en chargeront.

Sources :

http://tempsreel.nouvelobs.com/index.html
http://www.marianne2.fr/
http://www.freenews.fr
http://www.challenges.fr
Jean-Michel PERIL