HADOPI : L’ALPA DERNIERE HABILITEE A DEFENDRE SES AYANTS DROITS

Côté ayant droit, la HADOPI est prête, ou presque! La délibération du 24 juin 2010 de la CNIL a autorisé l’Association de Lutte contre la Piraterie Audiovisuelle (ALPA) a « flasher » les adresses IP des connexions internet qui auraient procédé à des téléchargements illégaux. Plus exactement, il s’agit d’une autorisation de procéder à un traitement des données à caractère personnel, permettant la constatation d’acte de contrefaçon sur les réseaux d’échange de fichier, en vue de leur transmission à la HADOPI.  La CNIL avait délivré durant le mois de juin ce même type d’autorisation à la SPPF, la SACEM, la SDRM et la SCPP. Dès lors, c’est Trident Média Guard, autorisé par la CNIL, qui sera également chargé de la surveillance des réseaux P2P pour le compte des ayants droits du secteur audiovisuel.

L’ALPA prévoit, comme dans le secteur de la musique, 25 000 constats par jour. La liste des œuvres contrôlées est par contre « limitée à une centaine d’œuvre » contre 10 000 pour la musique. Mais il s’agira pour le secteur de la télévision et du cinéma de renouveler quotidiennement ses listes en se référant systématiquement à l’actualité cinématographique.

Concernant les constatations, le dispositif reste le même.
TMG se voit confier la charge de surveiller uniquement les réseaux P2P, selon les catalogues transmis par les associations d’ayant droit. Ces catalogues feront l’objet de bases de donnée de référence, établies à partir des empreintes numériques uniques des fichiers originaux. Ces empreintes doivent permettre à TMG, qui dispose des moyens techniques nécessaires pour les constatations, de reconnaître les fichiers malgré les altérations possibles de l’œuvre concernée. Elle lancera à partir de celles-ci, des requêtes par auteur, par titre, ou année de production, selon les lots d’information dont elle dispose sur chaque fichier et confrontera les fichiers supposés contrefaits aux originaux, afin de s’assurer de l’illégalité du contenu.  Une fois ces constatations communiquées aux associations d’ayant droit, les agents assermentés ou les ayants droits eux mêmes, établiront les listes d’adresse IP qui feront l’objet de constat d’infraction. A ce stade, deux possibilités seront envisagées : soit les dossiers seront transmis sous forme de procès verbaux à la CPD (Commission de Protection des Droits) chargée de traiter 50 000 dossiers par jour, soit ils seront envoyés directement au procureur, mais il n’est pas dit qu’ils « feront l’objet d’une enquête judiciaire », rappelle Frédéric Delacroix  délégué général de l’ALPA.  Dans ce cas, ces poursuites pourront être civiles ou pénales, en fonction du seuil de téléchargement illicite recensé durant une période de 15 jours.

Néanmoins, le débat autour de ces seuils reste ouvert puisqu’ils ne sont pas chiffrés dans les différentes délibérations de la CNIL. Les cas les moins graves seraient donc traités par la HADOPI, et les autres seraient traités par le parquet, qui se basera sur deux seuils pour établir le type de poursuite retenu. Des seuils avaient été établis lors des travaux des associations d’ayant droit, sur les avertissements pédagogiques et les collectes d’adresse IP, qui avaient été laissés de côté en mai 2007, à partir de la création de la commission Olivennes qui prévoyait des mesures plus répressives. En l’absence de précision actuelle sur les seuils, les associations se réfèrent à ce qui avait été validé par la CNIL à cette époque. Il était prévu un premier seuil à partir de 50 téléchargements en 24 heures pour les dossiers les moins graves, et une deuxième phase, qui durerait 15 jours. Durant cette quinzaine, au delà de 500 fichiers téléchargés, les dossiers seraient de la compétence du parquet qui opterait pour une action civile ou pénale, selon si le nombre de téléchargement dépasse ou non le seuil de 1000 fichiers. Ces seuils sont en réalité envisagés par les ayants droits et notamment la SPPF qui espère y faire référence durant la suite du dispositif.

Selon les déclarations de Mireille Imbert-Quaretta (interrogée par PC Impact sur le sujet des seuils), présidente de la CPD, il s’agirait de « la politique des ayants droits » à laquelle la HADOPI n’est pas liée, qui prévoit d’appliquer sa « propre politique sur le traitement ». La collaboration entre la CPD et les ayants droits semble donc fragile. La présidente du CPD déclare à PC-impact, n’être « pas au service des ayants droit » et la SPPF déclare quant à elle, être « très vigilante sur le déploiement de la riposte graduée par la HADOPI, et s’attachera à procéder à un bilan sur l’impact de ce dispositif ». La question de l’horodatage n’est pas de nature à améliorer ces relations, puisque les débats juridiques autours des IP fixes, pose le problème de l’exactitude des procès verbaux adressés. Cette nécessité d’établir un horodatage « à la seconde près », qui permettrait aux FAI de procéder à une identification en vue de poursuivre pénalement une personne physique, ajoutée aux nombres de dossiers envisagés, risque de nourrir les controverses. La HADOPI n’étant pas tenue de se saisir de toutes les demandes, les hésitations du côté des ayants droits se font sentir face au coût nécessairement élevé, au vue de procès verbaux envisagés.

La collecte des adresses IP par les agents assermentés était considérée comme la phase la plus aboutie du dispositif de riposte graduée. En réalité, beaucoup de doutes liés à l’ampleur de la tâche se font sentir, et les imprécisions relatives à la voie judiciaire ne rassurent pas plus. Mireille Imbert-Quaretta a avoué n’avoir jamais été confrontée à autant de complexité. Ainsi, sans aborder toutes les difficultés inhérentes à l’aménagement d’une loi répressive sur le piratage en ligne, il semblerait que « le volet pédagogique », entraîne déjà de nombreuses difficultés. Une fois les premiers pirates « flashés », et les premiers emails envoyés, la question des logiciels de sécurisation devra avoir été réglée pour permettre toutes mesures répressives au titre de la négligence caractérisée. Mais la relation entre les FAI et la CPD semble réellement critique. Le décret relatif à la labellisation des moyens de sécurisation devrait être encore plus controversé, au regard du bide observé lors de la sortie prématuré du premier logiciel « HADOPI » lancé par Orange.

Source :

Silicon.fr : « La Hadopi opérationnelle mais pas opérante »
«  Hadopi : L’ALPA sur les traces de la Sacem »
PC-Impact : « Hadopi : La délibération de la CNIL pour l’ALPA »
« Hadopi et TMG : Un système de seuil aiguillera les sanctions »
Délibération de la CNIL n°2010-224 du 10 Juin autorisant la SPPF
Délibération de la CNIL n°2010-255 du 24 juin 2010 autorisant l’ALPA

Nicolas MARTIN