Le 29 octobre 2010
Qu’ont en commun un premier baiser entre adolescents, une pause pipi sur une autoroute, un homme sortant d’un sex shop et une tentative de cambriolage ?
Tous sont des clichés pouvant être consultés partout dans le monde, sur le web, à l’insu de leurs protagonistes certainement embarrassés par la situation. L’auteur de ces photographies n’est autre qu’un véhicule équipé de la firme Google : « Google Street View ». Le service « Street View » est une extension de « Maps » qui fournit des photos en temps réel de villes à travers le monde, et il ne s’est visiblement pas contenté d’immortaliser des façades d’immeubles ou des rues vides de tout habitant. A l’occasion de son lancement en Europe en 2008, « Street View » avait déjà dû être modifié afin de respecter le droit à la vie privée et à la protection des données personnelles. Ainsi, ce service intégrait un logiciel de « floutage » permettant de masquer visages et plaques d’immatriculation. La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) s’était prononcée et avait accueilli favorablement l’ensemble des aménagements qui allaient dans le sens d’une meilleure prise en compte de la vie privée.
La CNIL a été instituée par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée en 2004, qui la qualifie d’autorité administrative indépendante. Elle a pour mission essentielle de protéger la vie privée et les libertés dans le monde numérique. Pour ce faire, elle est dotée de pouvoirs de contrôle et de sanction spécifiques.
Comme si la prise d’images intempestives ne suffisait pas, la firme américaine a récemment admis que ses voitures avaient accidentellement collecté des données de particuliers depuis des réseaux Wi-Fi, incluant messages électroniques, adresses de sites web et également mots de passe. Ces derniers éléments ont naturellement alerté la CNIL, qui a dû effectuer un contrôle le 19 mai 2010 portant sur la nature des données collectées par les véhicules ainsi que sur les mesures prises par la firme pour remédier à l’enregistrement de ces données.
Lors de ce contrôle, l’autorité de régulation française a demandé à Google sous 7 jours de lui communiquer des informations techniques concernant la collecte de données Wi-Fi, ainsi que des copies sur support informatique, en particulier une copie intégrale des données Wi-Fi enregistrées en France. La CNIL a mis en demeure Google de cesser toute collecte de données à l’insu des personnes concernées, de veiller à ne plus collecter de telles données de façon illicite ou déloyale et de lui fournir un certain nombre d’informations sur les modalités de recueil de ces données. Ces demandes ont été satisfaites puisque, le 4 juin 2010, la délégation de contrôle de la CNIL a pu accéder aux données souhaitées : deux disques durs comportant un volume très important de données lui ont été remis. Constatant que le service Street View collectait effectivement des données et en attendant l’analyse des informaticiens de l’autorité indépendante, la CNIL a rappelé à Google qu’il devait se mettre en conformité avec la loi Informatique et Libertés.
Alors que l’enquête n’est toujours pas terminée, la CNIL s’est récemment prononcée sur la remise en circulation des véhicules chargés de sillonner les rues françaises pour alimenter Street View en nouvelles images : l’autorité française estime « prématurée » cette remise en circulation. Alors que la CNIL était la première autorité de protection des données dans le monde à obtenir les données collectées par Google dans le cadre du dispositif Street View, il semblerait que d’autres autorités, étrangères cette fois, sont également préoccupées par la situation. Suite à cette controverse concernant la collecte de données personnelles, la Commission Fédérale du Commerce (FTC) des États-Unis avait, elle aussi, engagé une enquête formelle contre la société américaine. L’enquête révélant de nouveaux engagements et prises de mesures pour veiller à ce que l’incident ne se reproduise pas, le FTC a décidé de mettre fin à la procédure.
Plusieurs pays européens ont lancé, eux aussi, des investigations et l’Espagne vient d’être saisie d’une plainte déposée par une association d’internautes. En Allemagne, Google a dû se plier aux exigences des autorités en permettant aux citoyens de pouvoir demander à ce que leur domicile soit flouté dans Street View. En Italie, l’autorité de régulation a de nouveau autorisé le déploiement des « Google cars » sous certaines conditions, notamment concernant les horaires de passage des véhicules dans les rues italiennes.
La polémique n’est pas prête de s’apaiser. Lors d’une interview accordée à CNN, le patron de Google a suggéré à ceux dont la maison était affichée sur Street View, de déménager. Enoncée sur le ton de la plaisanterie ou pas, cette déclaration en dit long sur les intentions et la détermination de la firme américaine.
Google Street view vous surveille, et c’est une affaire à suivre…
Céline CARRERAS.
Sources:
http://www.infos-du-net.com/actualite/photoreportages/117-google-street-view.html