Mardi 16 novembre 2010, Nicolas Sarkozy s’est exprimé sur les chaînes de télévision après l’annonce du remaniement ministériel. L’évènement était alors couvert par trois chaînes de télévision : France 2, TF1 et Canal plus. C’était donc la nouveauté de ce mardi 16 novembre, avec la présence de Michel Denisot qui faisait ses débuts aux côtés de Claire Chazal et David Pujadas. En effet, Canal plus a été invité pour la première fois depuis sa création à participer à une interview du président de la république.
La présence du journaliste Michel Denisot à l’interview présidentielle suscite plusieurs questions. Pourquoi une nouvelle chaîne de télévision participe t elle à l’interview du Président de la République ? Existe-t-il une entente entre TF1 et Canal Plus ?
La première personne à s’opposer à la participation de Canal Plus est Alain Weill, directeur de la chaîne Bfm-tv. Celui-ci voulait également que sa chaîne, à caractère d’information générale, diffuse l’interview du président en captant le signal de diffusion. Or, cela lui a été interdit. À l’Elysée, cette question suscite de la gêne. Comment se fait t’il que les chaînes étrangères aient eu toute liberté pour diffuser l’interview, alors que Bfm-tv aurait du verser dix mille euros pour percevoir le signal en différé? Alain Weill se révolte : « C’est quand même incroyable qu’on se permette de vendre l’interview du Président comme on vend n’importe quel autre programme ! »
Bien qu’Alain Weill avait obtenu l’accord de l’Elysée pour diffuser l’interview, TF1 et Canal plus lui permettaient d’en diffuser seulement dix minutes au titre du droit à l’information, en ajoutant que leurs filiales à caractère politique ne disposaient elles non plus pas de ce droit. Dans quelles mesures peut-on considérer que Canal plus dispose d’une plus grande légitimité que Bfm-tv pour diffuser l’interview présidentielle, sachant que Canal Plus est une chaîne destinée à diffuser principalement des évènements cinématographiques et sportifs. À cette question, Rodolphe Belmer, directeur général de la chaîne, réponds : « Nous étions très présents lors des dernières présidentielles, et nous le sommes sur l’actualité politique chaque semaine avec “Dimanche Plus” et “Le Grand Journal”». Tous les soirs – au carrefour des grands JT nationaux – Michel Denisot reçoit au moins un invité politique, 200 jours par an. »
Au-delà de la question de l’audimat, qui n’est pas la préoccupation principale d’Alain Weill, la question du respect du pluralisme de l’information est soulevée. Ce principe à valeur constitutionnelle a pour but d’assurer le respect du droit à une information libre par la libre communication des pensées et des opinions. Le Conseil constitutionnel l’a ainsi rappelé dans deux décisions, du 11 octobre 1984 et du 29 juillet 1986. Ainsi le principe de libre communication de pensée et des opinions est rendu possible par un nombre suffisant de publications de tendances et de caractères différents. En vertu de ce principe, vital à la démocratie, comment limiter le nombre de diffusions de l’interview du président de la République, qui revêt le caractère d’information d’intérêt général? Il apparait donc que des enjeux d’ordre privés et économiques entrent en concurrence avec des principes à valeur constitutionnelle autour desquels il ne devrait pas y avoir débat.
L’intervention du président de la république sur les écrans de télévisions est une coutume constitutionnelle apparue sous la présidence de De Gaulle. Avec l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir, ce droit a été largement utilisé au point de soulever le mécontentement de l’opposition. Que le président choisisse les journalistes pouvant l’interviewer à l’Elysée, est une originalité française. Qu’advient-il alors de la pertinence de ces interviews sur des questions touchant plus particulièrement le président, comme l’affaire des écoutes téléphoniques de certains journalistes ? Dans un article de l’hebdomadaire le Canard enchaîné, paru en date du 29 septembre 2010, un document a été reproduit, montrant que Matignon aurait autorisé les services de police à examiner les factures téléphoniques de certaines personnes, sans qu’une autorisation leur soit nécessaire. Cet article a ainsi eu pour effet de relancer le débat autour du respect du secret des sources des journalistes. Or, sur ce sujet largement attendu, Nicolas Sarkozy ne s’est exprimé que très brièvement, sans que les trois journalistes présents ne s’y attardent trop.
Clémentine LAFON
Sources :
http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/emmanuel-berretta/bfm-tv-denonce-l-entente-de-tf1-et-canal-16-11-2010-1263036_52.php
http://blogs.lexpress.fr/media/2010/11/18/elysee-mardi-16-novembre-nicolas-sarkozy-cote-coulisses/
http://www.lemonde.fr/politique/article/2010/11/16/bfmtv-privee-de-l-interview-televisee-de-nicolas-sarkozy_1441017_823448.html
http://www.lefigaro.fr/medias/2010/11/16/04002-20101116ARTFIG00825-canal-entre-dans-la-cour-des-grandes-chaines-serieuses.php
http://teleobs.nouvelobs.com/articles/bfm-tv-privee-d-interview-presidentielle