La vénus noire est le dernier film d’Abdelattif Kechiche, réalisateur également du film La graine et le mulet, et L’esquive. Ce film relate l’histoire de la « Vénus hottentote », Saartjie Baartman, femme originaire d’Afrique du sud. La « Vénus noire » fut l’objet d’exhibitions cruelles en Europe, de 1810 à 1815. Ces exhibitions étaient justifiées pour ses auteurs, par un objectif scientifique en raison de l’anatomie particulière de la Vénus noire. C’est alors que Saartjie Baartman fut traitée de la même sorte qu’un animal de foire afin de distraire les occidentaux, et d’assouvir leur soif d’exotisme. La vénus était alors enfermée dan une cage et exhibée dans les salons libertins de Londres.
À travers ce film, Kechiche montre cette vérité dérangeante qu’est le racisme, érigeant en principe l’infériorité du peuple noir. Ainsi, Saartjie Baartman fut l’objet de considérations raciales de la part des scientifiques mais également de la part des spectateurs qui, pour certains, ressentaient de l’intérêt et du plaisir à contempler le traitement infligé à la vénus. C’est alors que le réalisateur use de la longueur pour interpeller au mieux le spectateur, quitte à provoquer le malaise et la gêne.
Non seulement Saartjie Baartman fut victime au cours de sa vie de traitements indignes et inhumains, mais ceux-ci continuèrent après sa mort puisque les scientifiques disséquèrent la vénus, malgré le refus de celle-ci. Jusqu’en 2002, son squelette, son corps et ses organes génitaux étaient conservés dans du formol, exposés au musée de l’Homme à Paris. Il est inquiétant de constater qu’il aura fallu près de trois siècles pour que le corps de Saartjie Baartman ait droit à une sépulture, et puisse être remis à sa terre d’origine.
L’histoire de Saartjie Baartman fut alors le symbole de l’humiliation subie par le peuple africain.
Par ce film, Kechiche porte à l’écran l’importance de la défense des droits de l’Homme, dont la dignité humaine fait partie. Le droit à la dignité et l’interdiction de tout traitement inhumain ou dégradant sont des droits défendus dans la législation française et internationale. En France, le Conseil constitutionnel a considéré que la dignité humaine était un principe à valeur constitutionnelle dans une décision de 1994, en considérant que cela fait partie des droits inaliénables de la personnalité. Cette notion de dignité humaine a d’ailleurs été reprise en 1995 par le Conseil d’Etat concernant l’affaire du « lancer de nains ».
Le concept de dignité humaine est également un droit reconnu au niveau international, avec la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, qui dispose que tous les Hommes naissent libres et égaux en droits. La dignité humaine sera également rappelée dans la Charte Européenne des Droits Fondamentaux, de 2000.
Ce film sort en salle dans un contexte politique où, avec le débat sur l’immigration choisie, ou encore la notion d’identité nationale, le thème est plus que jamais d’actualité. Abdelattif Kechiche qualifiera même son film de contemporain : « Moi, je suis en ce moment vraiment dans une inquiétude, dans une angoisse même, par rapport aux images que je vois des expulsions, de la façon méprisante dont on traite des peuples. Et je crois qu’en ce sens effectivement, le film se situe, malheureusement, j’ai envie de dire encore dans l’actualité, qu’il est contemporain ».
L’action se situe effectivement au dix-huitième siècle, cependant il semblerait que le lien avec notre société soit toujours présent, et que le racisme soit loin d’être endigué.
Clémentine LAFON
SOURCES :
http://www.un.org/fr/documents/
http://www.lemonde.fr/cinema/article/2010/10/26/venus-noire-la-venus-derangeante-et-bouleversante-de-kechiche_1431368_3476.html
http://afriquedusud.blog.lemonde.fr/2010/10/27/saartjie-baartman-la-venus-noire/
http://next.liberation.fr/cinema/01012298327-venus-noire-l-histoire-d-un-scandale
http://www.rfi.fr/afrique/20101029-venus-noire-film-contemporain-abdellatif-kechiche