En matière de presse en ligne, la rentabilisation de l’information pose un véritable dilemme. Doit-on laisser un libre accès aux articles en ne comptant que sur les revenus publicitaires, ou au contraire restreindre les contenus aux seuls abonnés? Depuis le mois de juillet 2010, le célèbre quotidien le Times a fait un pari audacieux : devenir entièrement payant.
Fondé en 1785 par John walter, le Times est le plus ancien des quotidiens britanniques et profite aujourd’hui d’une véritable renommée internationale. Alors que de nombreuses éditions font le choix de la gratuité, le propriétaire du journal, Rupert Murdoch, a décidé d’instaurer un mur payant sur le site du Times (www.thetimes.co.uk ), ainsi que sur version dominicale, le Sunday Times (www.thesundaytimes.co.uk). Désormais, plus aucun internaute ne peut accéder aux articles en ligne sans payer un abonnement : une livre (1,12 euro) par jour, deux livres par semaine ou 8 livres par mois. L’abonnement à la semaine donne accès, en plus des informations figurant dans les versions papier des deux titres, à des contenus et services numériques additionnels.
Quatre mois plus tard le bilan est sans surprise. Le mois dernier, l’audience totale comprenant les abonnés et les non abonnés (qui ont seulement accès aux titres) s’est élevée à seulement 2,7 millions contre 21 millions avant qu’il ne soit payant soit une baisse de 87% du lectorat ! Selon un communiqué du propriétaire du journal, 105 000 personnes ont souscrit à une offre en ligne. De plus, 100 000 abonnés du papier ont activé leur compte sur Internet, inclus dans l’abonnement. On compte donc une audience proche de 200 000 lectures payantes des deux journaux. Pourtant, Rupert Murdoch se dit «très satisfait du résultat» et «se réjouit des progrès accomplis» . Cet enthousiasme est toutefois à nuancer selon George Brock, directeur de l’école de journalisme de la City University de Londres et ancien rédacteur en chef au Times, les chiffres « restent très difficiles à interpréter. En particulier, on ne sait pas quel est le taux de renouvellement des abonnés».
Ces résultats d’audience étaient très attendus dans le monde de la presse. Les recettes publicitaires en baisse du fait de la chute du lectorat, ne suffisent plus à financer les rédactions. Pour y faire face, les éditeurs tentent par tous les moyens de monétiser leurs contenus sur internet ou sur les autres supports numériques (comme l’iPhone et l’iPad) pour redresser leurs comptes. Selon George Brock, la solution à venir est celle d’un nouveau genre de publicité désormais très sollicité par les annonceurs : le ciblage. Il permet d’ obtenir une «audience qualifiée qui constitue une base de données». Bien sûr, les audiences seront plus faibles, mais on possèdera des informations très détaillées sur les lecteurs : qui sont-ils, quels sont leurs goûts, quels articles les intéressent, etc.
Cependant, beaucoup sont réticents à passer au modèle tout-payant. C’est le modèle semi-gratuit, qui est encore plébiscité par les éditeurs. C’est notamment le cas en France avec Le Monde, Libération et Le Figaro.
Certes, le Times reste un quotidien relativement populaire. Cependant, face à la concurrence exercée par certains grands titres en ligne gratuits tels The Guardian, la BBC, ou encore The Daily Telegraph, son avenir reste incertain. D’autres suivront-ils ce modèle? Les quotidiens The Sun et New of the World l’ont déjà adopté. Pour le reste, affaire à suivre…
Sources: