Jérome Kerviel, ex-trader a été condamné très sévèrement par le tribunal correctionnel de Paris à cinq ans de prison, dont trois fermes ainsi qu’au remboursement des 4,9 milliards d’euros à la Société Générale pour les pertes infligées à la banque en 2008. Que l’on juge cette condamnation trop lourde ou pas, nous pouvons nous demander si le rôle joué par les médias n’aurait-il pas influée la lourde condamnation de Kerviel ? Aurait-il été condamné de la même façon si cette affaire ne s’était pas autant ébruitée ? C’est en effet la question que se pose de nombreux journalistes, ainsi que M. Kerviel et son entourage.
La très forte médiatisation de l’affaire Kerviel avant son procès viendrait expliquer en grande partie la condamnation très lourde à son encontre. En effet, M. Kerviel un mois avant l’ouverture de son procès lance une opération de communication en publiant un livre plaidoyer appelé « L’engrenage : mémoires d’un trader » en se présentant comme une victime du système, refusant de porter seul les responsabilités des pertes collossales de la Société Générale. Il déclare dans son livre « Je souhaite que ce livre interpelle l’opinion publique sur la réalité des pratiques bancaires, qu’elle y découvre le témoignage d’un homme qui reconnaît ses fautes, mais refuse de payer pour un système financier devenu fou ».
Cet ouvrage, soigneusement orchestré par Kerviel et son avocat, était pourtant destiné à l’humaniser et démontrer qu’il était une victime du système. Sa conseillère en image qui le suivait depuis deux ans était contre la publication de ce livre peu de temps avant l’ouverture du procès et jugeait cela «très périlleux pour le verdict du procès».
Jérome Kerviel était pourtant suivi par une agence de communication et conseillé par l’un des meilleurs avocats pénalistes de Paris, Maître Olivier Metzner. Beaucoup d’avocats au barreau de Paris ont prétendu que Kerviel a payé très cher la stratégie de communication menée et que cette dernière aurait eu tendance à irriter les juges. Il semblerait que Kerviel et Maître Metzner aient davantage essayer de convaincre l’opinion publique plutôt que celle des magistrats en tentant de se justifier à l’égard du public de la manipulation faite à son encontre.
Au delà de cette stratégie de communication, le problème se pose à l’égard de la stratégie de défense qui se trouvait dans le livre, en effet toute la défense de Kerviel était écrite dans son récit et rien de plus n’a été entendu ni prononcé par lui au procès.
La Cour avait alors une impression de «déjà vu». Pour Maître Pierrat, spécialiste du droit de la presse et de la communication, «malgré les débats contradictoires, Kerviel a sorti le même discours formaté que dans le livre, il n’y a rien de plus désagréable pour le juge que l’impression qu’on récite une leçon». La stratégie de défense de Kerviel est fortement critiquée en ce qu’il aurait dû d’abord parler au tribunal pas aux médias. Et pour preuve que cela lui a nui, le président du tribunal dénonce implicitement sa technique médiatique dans son jugement.
Certes, la stratégie de défense de Kerviel et son avocat était « quitte ou double » et particulièrement risquée mais d’un autre coté, la traque des journalistes du monde entier a démarré à partir du moment où l’affaire est devenue médiatique en janvier 2008. Depuis, les journalistes, l’opinion publique se questionnaient sur cette affaire, écrivant des choses plus ou moins vraies sur lui, allant parfois même jusqu’à de fortes accusations. Il est devenu difficile de se faire une opinion tranchées dans cette affaire tant les médias, les magistrats et les avocats ont dis de choses dans lesquelles il est difficile de s’y retrouver.
Il est vrai que lorsque rien n’est dit, l’on serait tenté d’inventer des choses, de croire tout ce qui est écrit dans les médias, et de ce fait, se perdre dans les innombrables informations à ce sujet. Peut-être qu’à la place de Kerviel nous aurions tous tenter de rétablir notre propre histoire. Qui pourrait alors véritablement en vouloir à un homme, qui, au-travers de ce récit ait voulu rétablir sa propre vérité s’estimant victime d’une injustice ?
Ecrire ce livre a été d’autant plus facilité par le fait que la quasi-totalité des médias cherchait à obtenir des informations sur cette affaire et était prêt à payer cher afin d’entendre Jérome Kerviel sur son histoire. Sa forte sollicitation auprès des médias l’a sûrement convaincu d’écrire ce livre.
Chanèle LECLAIR
Sources:
http://www.20minutes.fr/article/605711/societe-proces-kerviel-metzner-j-assume-responsabilite-echec-