Peut-on parler d’un terme définitif au débat sur le statut des plateformes d’hébergement ?
C’est ce qui semble ressortir des trois arrêts de la première chambre civile de la cour de cassation rendus le 17 février 2011. Dans ces décisions la Cour s’est alignée sur les solutions dégagées par les juges du fond en appliquant le régime de responsabilité prévu par l’article 6 de la loi sur la confiance en l’économie numérique (LCEN) de 2004.
Dans cette affaire, la plateforme d’hébergement Dailymotion était opposée aux producteurs du film Joyeux Noel. Il lui était reproché de ne pas avoir définitivement mis fin à la diffusion du film sur son site et cela alors que la contrefaçon lui avait été signifiée.
Le 13 juillet 2007, le Tribunal de Grande Instance de Paris a condamné Dailymotion pour contrefaçon et parasitisme. Les juges ont considéré que le site aurait du surveiller que le contenu illicite ne soit pas rediffusé sur la plateforme. En effet, Dailymotion ayant déjà été prévenu du caractère illicite de ce contenu, aurait par la suite du être plus vigilant.
Ce n’est pas ce qu’a retenu la cour d’appel qui, dans un arrêt du 6 mai 2009 a considéré que Dailymotion était un simple prestataire technique et ne pouvait donc être tenu responsable du contenu présent sur son site. Elle avait également retenu que la plateforme avait parfaitement respecté ses obligations en retirant le film dès lors que la contrefaçon lui a été désignée.
La cour de cassation a confirmé la solution rendue par la cour d’appel en rejetant les arguments apportés par les ayants droits. Ils considéraient que le statut d’hébergeur ne pouvait être retenu pour Dailymotion, ils ont invoqués notamment l’organisation des contenus, l’encodage des contenus ainsi que la vente d’espace publicitaire sur le site.
C’est une réelle victoire pour les sites dits de web 2.0 qui peuvent dorénavant se prévaloir du statut d’hébergeur de contenu et ainsi se voir appliquer un régime de responsabilité particulier. Ce régime consiste en une exonération de responsabilité à l’encontre des hébergeurs. Cependant les plateformes doivent retirer promptement les contenus illicites dès lors qu’elles en ont eu connaissance. A défaut de quoi la responsabilité de l’hébergeur pourra être retenue.
La question que l’on peut se poser est celle de savoir si ces décisions constituent un revirement de jurisprudence en comparaison à la solution retenue par la cour de cassation dans l’affaire Tiscali le 14 janvier 2010. Le fournisseur d’accès à internet Tiscali a été considéré comme un éditeur car il permettait à ses clients de diffuser des contenus dans un espace web entouré de publicité. La cour avait alors considéré que l’exploitation commerciale excluait le statut d’hébergeur. On voit aujourd’hui que le fait de bénéficier de revenu par la publicité n’est plus forcément le signe distinctif d’un éditeur. Cependant la décision Tiscali a été rendue alors que la directive « commerce électronique » n’avait pas encore été transposée, le contexte législatif n’était donc pas le même pour ces deux affaires.
Aujourd’hui les plateformes d’hébergement comme Youtube ou Dailymotion sont confortées dans un statut d’hébergeur. Cependant ce statut n’est pas encore appliqué à tous les acteurs du web 2.0. En effet, par exemple, Ebay s’est vu refuser la qualification d’hébergeur au profit de celle d’éditeur.
Sarah STAELENS
Sources :
http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/165_17_19033.html
http://www.economie-numerique.net/2011/02/26/dailymotion-est-reconnu-comme-un-%C2%AB-hebergeur-de-contenus-%C2%BB/
http://sfadj.com/arret-tiscali