Après le film Hors-la-loi qui a fait l’objet d’une plainte pour plagiat avant d’être acquitté, ce fut au tour de Séraphine, de Martin Provost, de répondre devant le Tribunal de Grande Instance de Paris d’une accusation de plagiat portée par Alain Vircondelet, le 26 novembre 2010.
Il s’agit d’un long métrage historique qui retrace l’histoire de Séraphine Louis, née en 1864, engagée dans un couvent comme domestique pendant 18 ans, et devenue peintre autodidacte qui finira ses jours 1942 dans un hôpital psychiatrique. Docteur en histoire de l’art et spécialiste reconnu de Séraphine Louis, Alain Vircondelet, lui a consacrée une thèse doctorale en 1984, puis une biographie intitulée « Séraphine de Senlis ». Ouvrage qui selon Me Christophe Bigot, son avocat, «révélait pour la première fois la vie publique et secrète de Séraphine de Senlis» et permettant à «ce personnage oublié du grand public a refait surface».
Estimant que de nombreux passages du scénario du film étaient « la reproduction servile ou quasi servile » de cet ouvrage publié en 1986, identifiant ainsi « 35 emprunts », le docteur en histoire de l’art et son éditeur ont porté l’affaire devant la justice.
En réalité, en termes juridiques, on ne parle pas de « plagiat », mais de contrefaçon. L’article 335-3 du Code de la propriété intellectuelle précise qu’il s’agit de “toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des droits d’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi ». A ce titre, la contrefaçon peut donner lieu à sanctions civiles et pénales.
En l’espèce, cette action dirigée contre le scénario est justifiée par le fait que celui-ci a été diffusé sur la radio France-Culture. Au contraire, une telle action a été jugée irrecevable en ce qui concerne le film Hors-la-loi, au motif qu’un scénario « ne peut être en l’espèce considéré que comme un travail préparatoire au film », et ce bien qu’il avait été déposé au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). En effet, en droit français, le juge distingue d’une part les simples idées générales, dont l’emprunt n’est pas condamnable, à la forme sous laquelle sont présentées ces idées (l’expression et la composition), qui elle peut faire l’objet d’une contrefaçon. Les droits des auteurs ou des tiers ne peuvent être exercés que sur une œuvre achevée sauf si le scénario a lui-même connu une communication au public.
En outre, pour admettre la contrefaçon, les ressemblances ne doivent pas porter sur « des éléments biographiques extraits de la réalité qui se trouvent donc dans le domaine public ». En l’espèce, le tort de Martin Provost, c’est d’avoir lu le livre de l’écrivain bordelais « comme un livre d’histoire ». Il s’en est approprié des éléments, croyant qu’ils relevaient du domaine public. Or, rappelle le tribunal, il s’agit d’une biographie romancée, ce qui est différent. «Alain Vircondelet ne s’est pas contenté d’un travail d’historien, il a mêlé le récit de faits véridiques à de nombreuses scènes qu’il a lui-même inventées, donnant ainsi à son livre un caractère romanesque. »
En l’espèce, la contrefaçon de la biographie Séraphine de Senlis par le scénario est admise concernant neuf cas précis, pour lesquels les juges relèvent cette fois une originalité dans les termes choisis par le premier auteur et « une similitude dans la formulation employée, parfois au mot près ». Par conséquent, « en reproduisant neuf passages de cette oeuvre dans la première version du scénario du film Séraphine sans autorisation préalable, la société TS Productions et M. Martin Provost ont commis des actes de contrefaçon ». Notons que simple une version du scénario est contrefaisante et non le film, ce qui limite le préjudice subi.
Le juge les a condamnés solidairement à payer 25 000 € à Alain Vircondelet « en réparation de l’atteinte portée à son droit moral d’auteur », et 25 000 € à Albin Michel « en réparation de l’atteinte à ses droits patrimoniaux ».
Ironie du sort: sorti en salles en 2008, le film avait obtenu l’année suivante sept César, dont celui du meilleur scénario original…
Références:
http://www.sudouest.fr/2010/11/29/seraphine-un-huitieme-cesar-pour-contrefacon-252649-4697.php
http://www.liberation.fr/culture/0101592108-le-film-seraphine-assigne-en-justice-pour-plagiat
http://www.lepost.fr/article/2010/11/26/2318724_le-film-seraphine-condamne-pour-plagiat.html
http://www.excessif.com/cinema/actu-cinema/news/seraphine-un-plagiat-6165966-760.html