Afin de combattre le « fléau » qu’est le téléchargement illégal d’œuvre musicale sur internet, conformément au rapport « Création et Internet » de Patrick Zelnik, la carte musique jeune est lancée ! Un décret du 26 octobre 2010 publié au Journal Officiel fait état de sa création et de sa mise en fonction très prochainement. Il convient d’apporter quelques précisions concernant cette carte, notamment sur le problème du téléchargement illégal en ligne : une peste noire.
En effet, il parait difficile de concevoir que pour soigner cette maladie on utilise une offre légale si peu fournie. Le « patient » ou les maisons de disques, s’étaient vivement indignés de la progression du téléchargement illégal en ligne, et un peu plus modestement, de la baisse de leurs marges. Le lobbying exercé sur le gouvernement a bien fonctionné, et cela a donné naissance à la loi création internet ou HADOPI. La loi HADOPI 1 et la loi relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet dite loi HADOPI 2 viennent sanctionner pénalement le téléchargement illicite.
A ce jour, il est aisé de constaté qu’il existe de très nombreux moyens pour contourner ces lois. Ces mesures sont difficilement applicables et en grande partie inefficaces. En effet la répression pénale ne vise que le téléchargement de type Peer to Peer (ou P2P). Il existe beaucoup d’autres moyens pour contourner les effets de la loi, qu’ils soient technologiques ou bien tout simplement légaux, notamment compte tenu du fait qu’internet connecte le monde entier. Dans tout cela, L’ambition de la carte musique jeune est de venir changer le comportement des internautes. La carte musique jeune est un mécanisme visant à promouvoir le téléchargement légal en France. Tout cela est organisé dans un seul but : prouver qu’on peut en toute légalité pratiquer le téléchargement.
Elle fonctionne sur le principe d’une faveur accordé par le Ministère de la Culture aux jeunes de 12 à 25 ans. L’idée est de permettre à un jeune pour 25 euros de pouvoir télécharger 50 euros de musique en ligne et légalement. L’Etat financera les 25 euros restants. Il n’y a qu’une seule carte par an et par personne. La carte est instituée pour 2 ans maximum, à compter de sa mise en fonction, ainsi elle prendra fin en octobre 2012. L’internaute devra choisir les plateformes de téléchargements sur lesquels il désirera faire ses achats en toute légalité. En effet, certains sites ont décidé d’appliquer une politique allant dans le sens de la rentabilité de cette carte. Ils vont permettre à l’internaute détenteur d’une telle carte de télécharger plus de musique que leurs concurrents, et cela pour la même somme. L’idée est tentante, mais seulement 14 sites ont répondu à l’offre du gouvernement.
Le Gouvernement a précisé que cette carte ne sera émise qu’à un million d’exemplaires par an, soit 2 millions de cartes en tout et pour tout. C’est assez mince pour lutter contre le téléchargement illicite.
A l’heure actuelle, des dires du Ministre de la Culture, cette carte version 1.0 serait un échec car elle n’a pas fait l’objet d’une bonne publicité et ses mécanismes son trop simplistes. De plus la carte est encore pleine de défauts, et ces derniers sont réellement de tailles !
Tout d’abord, la carte est inefficace parce que le mécanisme pour l’obtenir est bancal. En effet, une simple déclaration sur l’honneur concernant notre âge via le portail internet du gouvernement est requise. Aucune vérification ne sera effectuée pour attester de la validité de ces informations. Il est possible que dans l’avenir le numéro de carte étudiant soit demandé. C’est étrange de demander cela quand la carte est destinée à des jeunes allant de 12 à 25 ans. On peut très bien imaginer qu’une personne ne rentrant plus dans les critères d’âge puisse la demander.
De même, il est possible de créer plusieurs comptes et donc de cumuler le bénéfice de l’aide de l’Etat. C’est tout simplement une fraude. Mais le mécanisme le permet car il n’y a aucun contrôle des données personnelles. On peut même masquer la fraude. En effet, il suffit d’utiliser un proxy basé à l’étranger. De la même manière, l’aide est réservé aux résidents français, mais un étranger peut quand même bénéficier de l’aide car ici aussi il n’y a aucune surveillance.
Le point le plus négatif de la carte musique jeune est que le crédit de 50€ peut être utilisé pour autre chose que de la musique. Il est possible de télécharger des applications sur Itunes par exemple. On peut acheter également des films sur cette plate-forme avec la carte !
Pour une mesure censée soutenir la musique, il est simple de constater que ce mécanisme trouve déjà ses limites. Rien ne dit que cela ne va pas évoluer avec le temps. Mais le ressenti global est que tout cela a été fait à la hâte, et en retard. En effet, l’activité de la HADOPI est lente, et pratiquement exclusivement centré sur son aspect répressif. Cependant la critique de ce dispositif ne s’arrête pas là. De toute part on peut entendre s’élever des voix contre cette “mesurette”. Elle est décriée d’une part, car c’est le contribuable qui va payer pour ce mécanisme, alors qu’à la base les ayants-droits devaient y participer. D’autre part, l’offre légale est limitée, et est encore, pour de nombreux jeunes, très insuffisante. En effet, pour eux le problème ne repose pas sur le fait qu’on va pouvoir bénéficier de 50€ de musique. Il repose sur le fait que le prix d’une chanson est encore trop élevé.
C’est toute l’économie de la musique qui est confronté à un problème de taille. Le format CD permettait d’orienter le consommateur. Sous l’aire numérique cela n’est plus possible aujourd’hui. De plus, avec la multiplication des moyens de téléchargement, de la vitesse de l’internet, de l’augmentation des capacités mémoires des disques durs et des lecteurs musicaux, et de l’obsolescence du CD, il est clair que l’industrie du disque doit totalement se reconstruire. Cependant ce n’est pas au consommateur de faire les frais de l’incapacité des personnes qui ont exercé des lobbyings pour réformer leur économie, et de prendre conscience des mutations technologiques. Il est nécessaire de remettre à plat toute l’industrie de la musique, voire l’économie du numérique, pour le bien de tous.
Face à tout cela, il est clair que la carte musique jeune n’est qu’un traitement palliatif. Le téléchargement perdurera tant que les causes premières de la crise de l’industrie de la musique ne seront pas résolues. Il est intéressant de relever que M. Mitterrand s’est engagé dans ce combat en promettant une nouvelle carte musique jeune, et pour la création d’une institution de type Conseil National du Cinéma et de l’Image Animée pour le monde de la musique, avec des mécanismes très similaires. Cela comprend notamment des taxes, et une sorte de compte de soutien.
C’est une affaire à suivre, donc « wait and see ».
Jérémy Ferrarin
Source :
http://www.pcinpact.com/actu/news/62929-taxe-musique-conseil-national-numerique.htm
http://www.carte-musique.gouv.fr/
http://www.pcinpact.com/actu/news/60149-carte-musique-jeune-p2p-musique.htm
http://www.pcinpact.com/actu/news/60100-carte-musique-jeune-8-offres-decortiquees.htm
http://www.01net.com/editorial/523036/dix-mille-cartes-musique-jeune-ecoulees/
http://www.lexpress.fr/actualite/high-tech/la-carte-musique-jeune-ca-vous-tente_840951.html
http://www.pcinpact.com/actu/news/60041-carte-musique-jeune-edouard-barreiro.htm
http://www.pcinpact.com/actu/news/60618-sacem-carte-musique-jeune-critiques.htm?vc=1
http://www.pcinpact.com/actu/news/60203-carte-musique-jeune-ayantsdroit-decret.htm