Le 15 juin dernier, l’Arcep nous a ravis avec d’importantes publications concernant l’internet de demain. Elle vient d’achever la mise au point du haut débit (HD) et du très haut débit (THD). Elle a rendu deux décisions concernant l’analyse du marché numéro 4 et celui du marché 5. Elle a également pris une recommandation sur la montée en débit, sur les immeubles de moins de 12 logements, et une consultation sur le modèle coût du FTTH (fiber to the home) avec son annexe.
Alors que les records de débit en matière de fibre optique progressent, il faut faire le point sur le déploiement de la fibre dans notre pays. Il est intéressant de remarquer que la France est le pays numéro un de l’ADSL, car nos offres sont les moins chères, et que nous possédons un réseau extrêmement dense et performant. Nous disposons d’une concurrence effective et efficace, il faut le reconnaitre.
Le projet ambitieux de la fibre est capital pour l’avenir de notre pays. L’objectif fixé par le Président de la République est que 70% des foyers soient équipés en fibre en 2020 et 100% pour 2025, ce qui ne laisse que 15 ans aux opérateurs pour parvenir à relever ce défi. Et il faut bien parler de défi, car le chemin promet d’être long et chaotique, et les raisons sont très nombreuses.
On peut dire qu’il y a 3 points sur lesquels le débat fait et fera rage.
Le premier est sans aucun doute la problématique du financement du réseau optique. Le problème n’est pas le même que pour le réseau cuivre qui est apparu durant le monopole de France Telecom. Le cout du réseau fibre approcherait les 30 milliards d’euros. Aucun opérateur ne peut financer seul un tel réseau sur l’ensemble du territoire. L’intervention de la puissance publique et des collectivités est nécessaire, et cela soulève des questions relatives aux aides d’État, et de leur compatibilité avec le marché intérieur.
A cela s’ajoute les problèmes de l’opacité du financement des opérateurs entre eux. Pour les zones très denses il y aura une concurrence effective, mais pour les zones moins et peu denses la question demeure. En effet, la solution de la mutualisation de la partie terminale a été choisie. Concrètement un opérateur qui posera la fibre en premier dans un immeuble, devra poser plus de fibre (fibre noire) que nécessaire afin de permettre un accès passif pour les opérateurs tiers. Mais pour les autres zones les couts ne sont clairement pas les mêmes. Avec la mutualisation, les opérateurs tiers pourront raccorder leurs réseaux. L’Arcep a apporté des solutions dans sa décision 2010-1314 du 14 décembre 2010, et dans les décisions en date du 15 juin 2011 qui portent sur des analyses de marchés, en plus de diverses recommandations.
Le deuxième problème concret lié à la fibre est son installation. Pour cela il faut pouvoir accéder aux infrastructures de génies civils (IGC) de France Telecom (souterraines ou aériennes). Il ne faut pas oublier de mentionner que les IGC de FT sont une facilité essentielle. Cet accès est le coût le plus important de la pose de la fibre, mais c’est également et surtout une question de place. Il faut que l’IGC permette l’accueil de la fibre des concurrents. C’est la problématique de la saturation des IGC. Pour cela il faut que les opérateurs tiers respectent les règles très hétérogènes du IGC de FT, et que l’Arcep continu la régulation de ces derniers. Il est fort probable que la réalisation d’IGC soit nécessaire.
Il y a du contentieux sur ces questions, comme l’affaire Numéricable c/ France Telecom, dans laquelle le premier réclamait au second plus de 3,1 milliards d’euros de dédommagement. En effet, suite a la prévision du manque de place, FT a modifié les conditions de ses IGC, ce qui a entrainé une remise en cause des tarifs préférentiels qui étaient en vigueur avec Numéricable. Il se devait de respecter les mêmes règles d’ingénierie que les autres opérateurs, du fait de l’accroissement des interventions dans l’IGC de FT pour la pose de la fibre. L’Arcep avait tranché en faveur de FT, et récemment la Cour d’Appel de Paris vient de confirmer cette décision. Son arrêt du 23 juin 2011.
Il y a un autre contentieux qui oppose FT et SFR c/ Free. Quand Free connecte un immeuble en fibre, il est impossible ou très difficile pour les autres opérateurs de pouvoir proposer, du fait de considérations techniques et pratiques, leurs abonnements. Ainsi Free serait en position de monopole selon les deux opérateurs. De plus, ils reprochent à l’opérateur Free de ne pas respecter le délai légal de 6 mois pour le déploiement du réseau.
La question de l’accès aux infrastructures est, sans doute, le point sur lequel il y aura le plus de contentieux. Il serait naïf de croire que les deux affaires précitées sont totalement représentatives des problèmes de cet accès. Il existe bien d’autres sujets susceptibles d’un contentieux.
Le dernier problème majeur que l’on peut soulever est la problématique du maillage du réseau fibre. Il ne faut pas oublier qu’à la base le réseau cuivre était très dense du fait du monopole de FT, et la concurrence ne se faisait que par les services. Or avec la fibre, la logique est inverse, il y a un réseau à bâtir sur l’ensemble du territoire national. Cela a un coût très élevé. Dès lors, il est évident qu’un opérateur désirera davantage « fibrer » une zone très dense plutôt qu’une zone qui ne permet pas de rentabiliser rapidement l’investissement de l’installation du réseau optique. En soit, cet état de fait peut être un frein réel à la concurrence et à l’investissement, ce qui au final desservirait le client.
L’Arcep distingue les zones très denses, des zones denses et peu denses. Les enjeux ne sont pas les mêmes car parfois il va simplement s’agir de poser de la fibre dans des structures existantes, qu’elle soit enterrée ou en aérien, et parfois il va s’agir de créer des IGC. C’est la délicate question de la fixation des nœuds de raccordement optique (NRO), qui est l’alter-égo du nœud de raccordement des abonnés (NRA) du réseau cuivre.
L’Arcep a préconisé dans sa consultation du 15 juin de calquer la pose des NRO sur ceux des NRA, ou du moins de s’en servir comme modèle pour déterminer les distances de câbles qu’il faudra tirer, ainsi que les différentes structures pour assurer la continuité du signal comme des répétiteurs. Cette solution a été également recommandée par l’ORECE (Organe des Régulateurs Européens des Communications Électroniques). Même avec cela, il faudra dupliquer les infrastructures fibres sur celle du cuivre.
Le 15 juin 2011 est réellement une avancée dans le domaine de la fibre. L’Arcep a ainsi pu terminer de traiter l’ensemble des champs d’applications des droits liés à la fibre. Le travail est loin d’être achevé, car des consultations sont encore en cours, car le chantier va tout de même durer 15 ans, et que l’innovation technique ne va pas s’arrêter là.
Ce qui serait sans doute le plus à même de retarder le plan national du très haut débit, c’est sans doute la longueur administrative (avec les coûts tout de même). Les collectivités territoriales seront énormément sollicitées pour que le réseau fibre puisse naitre dans de bonnes conditions, et l’administration n’est pas connue pour sa rapidité dans la gestion de ce genre de dossiers, du fait de très nombreuses règles administratives. Cela va à la mise en place des SDTAN (Schéma directeur territorial d’aménagement numérique), aux consultations publique s’il faut réaliser des travaux d’IGC.
La fibre sait se faire désirer. Et dans le milieu rural, qui comporte encore aujourd’hui des zones blanches en matière d’ADSL, voire même d’internet, la fibre n’est pas prête d’arriver. L’Arcep est un peu revenu sur sa position sur la montée en débit. A court terme (voire même à long terme), la montée en débit risque bien d’être une solution plus qu’envisageable. Même si cela a un coût, qui est bien sur antinomique avec les investissements engagés pour la fibre, il est certain que pour les zones rurales cette solution soit à privilégier dans un premier temps. Les opérateurs ne semblent pas tout de même pressés par la pose de la fibre et la montée en débit. Et on les comprend. Les investissements sont vraiment colossaux, et aucun opérateur privé ne peut le faire de lui-même.
Il est certain que notre pays s’engage sur une très bonne voie, désormais il ne reste plus aux abonnés des zones moins et peu denses, qu’à attendre et de savoir qui au final va financer ce nouveau réseau.
Ferrarin Jérémy
Source :
http://www.pcinpact.com/actu/news/64175-ftth-fibre-optique-france-arcep.htm
http://www.pcinpact.com/actu/news/64137-fibre-optique-arcep-montee-debit-fttc.htm
http://news.fr.msn.com/hightech/article.aspx?cp-documentid=158305032
http://www.pcinpact.com/actu/news/62160-numericable-attaque-orange-fibre-optique-fourreaux.htm
http://www.pcinpact.com/actu/news/62102-internet-ultra-haut-debit-1gbps-coree-du-sud.htm
http://www.pcinpact.com/actu/news/64064-booster-fibre-augmenter-prix-gros-adsl.htm
http://www.pcinpact.com/actu/news/64039-assises-tres-haut-debit-arcep.htm
http://www.pcinpact.com/actu/news/63884-fibre-optique-ftth-fttla-nouveaux-abonnes.htm
http://www.pcinpact.com/actu/news/63876-fibre-optique-ftth-orange-sfr-free-arcep.htm
http://www.pcinpact.com/actu/news/64175-ftth-fibre-optique-france-arcep.htm