Dans son arrêt du 9 juin 2011, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) répond à une question préjudicielle du Conseil d’État Grec portant sur l’interprétation de l’article 1er, d), de la directive 89/552/CE du 3 octobre 1989, dite directive « télévision sans frontière » (TSF).
Cette directive prohibe notamment la publicité clandestine qu’elle qualifie comme « la présentation verbale ou visuelle de marchandises, de services, du nom, de la marque ou des activités d’un producteur de marchandises ou d’un prestataire de services dans des programmes, lorsque cette présentation est faite de façon intentionnelle par l’organisme de radiodiffusion télévisuelle dans un but publicitaire et risque d’induire le public en erreur sur la nature d’une telle présentation. Une présentation est considérée intentionnelle notamment lorsqu’elle est faite contre rémunération ou paiement similaire ».
Pour être qualifiée de publicité clandestine, il était donc entendu qu’elle devait être faite de façon intentionnelle par l’éditeur audiovisuel et dans un but publicitaire. Le problème dans l’affaire grecque se situe sur la manière dont se caractérise le critère « intentionnel » de la publicité clandestine.
En effet, la question préjudicielle portait sur le fait que, dans la traduction grecque de la directive, le mot « notamment » était absent, ce qui donne une interprétation restrictive de cette disposition. Cela reviendrait à dire que sans rémunération, il n’y a pas de publicité clandestine.
Pour la CJUE, en cas de difficulté de traduction, il convient de se référer aux traductions des langues de « travail » (anglais, allemand et français). Or, celles-ci intègrent bien l’adverbe « notamment ». Au surplus, il faut interpréter la disposition en la replaçant dans l’économie et l’équilibre général de celle-ci. La directive TSF ayant pour objectif d’assurer la protection des intérêts des téléspectateurs, « elle ne saurait faire l’objet d’une interprétation stricte selon laquelle une telle présentation ne peut être considérée comme étant intentionnelle que lorsqu’elle est effectuée contre rémunération ou paiement similaire ».
Cette interprétation est d’autant plus justifiée, qu’il n’est pas toujours aisé d’avoir la preuve de l’existence de cette rémunération. En faire un critère essentiel dans la qualification de publicité clandestine aurait pour principal effet de « priver de son effet utile [cette] interdiction ». La CJUE conclue donc sans détour que « l’absence d’une rémunération ne saurait exclure l’existence d’une publicité clandestine ».
Cet arrêt trouve un échos particulier dans l’actualité des médias en France. En effet, le CSA, dans sa décision publiée le 27 mai 2011 en réponse une chaîne de télévision, a considéré que le renvoi vers les pages sociales officielles des éditeurs de télévision ou de radio « en nommant les réseaux sociaux concernés revêt un caractère publicitaire qui contrevient aux dispositions de l’article 9 du décret du 27 mars 1992 prohibant la publicité clandestine ».
Or, si le critère de la rémunération avait été retenu comme essentiel dans la qualification de publicité clandestine, la décision du CSA aurait été vide de sens, les éditeurs audiovisuels ne rémunérant pas Facebook ou Twitter pour l’utilisation de leurs services ou de leurs noms.
Au final, ce qui est décisif dans la qualification de publicité clandestine, c’est bien « le but publicitaire ». Mais la difficulté réside dans le fait que la frontière est parfois extrêmement fine entre l’information et « le temps de cerveau disponible ».
Sources :
http://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2011-06/cp110057fr.pdf