Les deux mastodontes de l’électronique grand public se chamaillent pour des histoires de brevets. Au-delà de ces bisbilles se dessine une problématique plus large sur l’utilisation de ces titres de propriété industrielle comme instruments de préservation de leur pré-carré par les acteurs économiques.
«Je vais détruire Android parce que c’est un produit volé. Je veux lui déclarer une guerre thermonucléaire »
La haine de feu Steve JOBS envers le système d’exploitation de Google éclaire le bras de fer engagé avec Samsung, dont la plupart des téléphones mobiles et ardoises tactiles embarquent les solutions logicielles estampillées du robot vert. Sur fond d’atteinte à la propriété intellectuelle, chacune accuse l’autre de piller son savoir plutôt que d’innover pour prendre l’ascendant. Dans le secteur de la téléphonie mobile, ces plaintes sont monnaie courante, sauf qu’en l’occurrence, Apple cherche moins à faire valoir ses droits qu’à interdire la commercialisation des produits de son concurrent afin de gêner aux entournures le géant de la recherche.
Côté pile, un réflexe de protection
C’est à un véritable feuilleton auquel nous assistons depuis le début de l’année, feuilleton qui est loin de s’achever.
Apple a mis le feu aux poudres le 20 avril dernier en entamant une procédure devant les tribunaux américains. A ses yeux, le Galaxy S copiait l’apparence de l’iPhone 3GS ainsi que son interface, deux éléments attachés au style californien. En représailles, Samsung internationalisa le conflit le 22 avril en déposant plainte en Allemagne, en Corée du Sud et au Japon, invoquant la violation de dix brevets liées à différentes technologies.
Le deuxième acte eut lieu en Australie au mois d’août, où le ton monta d’un cran. La firme de Cupertino força sa concurrente à signer un accord par lequel cette dernière s’engageait à interrompre la commercialisation et la promotion de la Galaxy Tab 10.1 le temps que la justice se prononce sur un conflit de propriété intellectuelle. Mis à l’écart d’un marché au fort potentiel, le conglomérat ripostera le mois suivant en dénonçant l’utilisation non-autorisée par Apple de standards de communication sans fil dans les troisième et quatrième générations de ses téléphones intelligents et dans la dernière version de l’iPad.
Entretemps, l’entreprise américaine avait déplacé le conflit au Japon et en Europe. C’est sur ce continent que la tension est la plus palpable puisque Apple a failli obtenir un blocage généralisé de la commercialisation de la Galaxy Tab 10.1 sur l’ensemble du Vieux Continent, blocage finalement limité à la seule Allemagne. S’ajoute à son tableau de chasse l’interdiction de la vente de trois smartphones aux Pays-Bas. En guise de contre-attaque, Samsung tente, de son côté, de bloquer la vente de l’iPhone 4S en Italie et en France.
Côté face, une manœuvre d’obstruction
Cette querelle fragilise de façons différentes les deux protagonistes et soulève des interrogations sur la source de la dispute actuelle.
D’abord ouverte au dialogue et prête au compromis, l’entreprise sud-coréenne combat maintenant Apple avec ses propres armes. L’avenir commercial de plusieurs produits de sa gamme Galaxy, et en particulier son ardoise tactile, se décidera durant les fêtes de fin d’année, période cruciale à la fois en terme de ventes et de visibilité de ces appareils. Au regard de l’enjeu, il lui devient intolérable de demeurer plus longtemps dans l’impasse.
En fin stratège, Apple a habilement placé des bâtons dans les roues de son principal adversaire sur le marché de la téléphonie mobile et freiné sa montée en puissance sur le marché des tablettes, égratignant Google au passage. Toutefois, la Pomme pratique un jeu périlleux en s’acharnant de la sorte car pour concevoir ses produits phares, elle se fournit abondamment auprès de la division Electronique de… Samsung. Nul doute que le partenariat est mis à rude épreuve.
Dans cette affaire, c’est bien le système des brevets qui est en cause. Les brevets ont été créés pour correspondre, dans les grandes lignes, au droit d’auteur appliqué au domaine des inventions. Toutefois, les dernières décennies ont montré qu’ils pouvaient être utilisés d’une autre manière, à savoir la constitution d’un arsenal dans le cadre d’une bataille juridique potentielle. Le système des brevets technologiques remplit-il correctement son rôle si la vente elle-même des produits est bloquée ? Le budget Recherche et Développement dépensé par les firmes devient en partie perdu à chaque nouveau pays dans lequel un produit touché devient interdit. Sommes-nous arrivés aux limites du système actuel ?
Sources :