La version 11.10 de la distribution Ubuntu, sortie le 13 octobre dernier, ajoute une nouvelle pierre à l’édifice du libre. En effet le fondateur de Canonical multiplie les choix tactiques et les annonces chocs pour imposer son système d’exploitation comme une «alternative viable aux services offerts par l’opérateur dominant sur le marché de l’ordinateur individuel» (Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, première chambre, ordonnance du président du tribunal, 8 avril 2011).
L’idéologie fondatrice et directrice du libre
Ubuntu est un mot issu du bantou, un dialecte africain. La notion d’ubuntu peut se définir par « je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous ». Le choix d’un tel nom n’est pas fortuit, Canonical souhaite faire de son système d’exploitation, une vitrine de premier rang pour la promotion du libre, fortement liée à cette idée d’union ou d’entraide. Il faut noter que le terme libre utilisé improprement par de nombreux internautes, recouvre un ensemble hétéroclite de licences françaises ou étrangères qui vise à encadrer la diffusion ou la mise à disposition pour le public du logiciel qui en est l’objet. A la différence de l’open source qui ne désigne que le fait de rendre disponible en lecture le code source d’une application, le libre fait référence à une démarche bien plus avancée en terme de droits. L’utilisateur d’un logiciel libre peut l’utiliser, le distribuer, le modifier et distribuer sa propre modification. Contrairement à une idée reçue, choisir de diffuser sa propre création sur un modèle libre n’induit pas un abandon ses droits sur celle-ci. Bien au contraire, le développeur use de son droit de propriété intellectuelle en définissant discrétionnairement le modèle de diffusion de sa création. Grâce à ces licences libres, et comme en témoigne la timeline des distributions, Ubuntu est née à partir d’une distribution préexistante (Debian) et a donné naissance des dizaines d’autres.
En application de la philosophie de la marque, Ubuntu est un système d’exploitation stable et fonctionnel livré libre, c’est-à-dire que chacune des applications natives est diffusée par son créateur sur ce modèle. L’utilisateur est ensuite en mesure d’installer simplement d’autres logiciels libres ou propriétaires pour satisfaire ses besoins informatiques ou bureautiques.
Un leadership grandissant
Sa démarche comme sa politique commerciale ont permis à Canonical d’acquérir un leadership significatif sur le marché du libre. Si, en effet, le libre est naturellement marqué par des considérations humanistes, cela n’implique pas son incompatibilité avec le marché mondialisé. Ainsi, il existe un marché du libre et de nombreux opérateurs économiques exploitent ou ont exploité cette ressource variée et moderne. Dell, HP ou encore Google et son Android OS basé sur le noyau linux prouvent que le libre est un outil aux fins multiples, parfois même déviantes si l’on considère que c’est le libre qui a permis à MacOSX de naître et de devenir ce l’on connaît aujourd’hui.
Canonical quant à lui s’est peu à peu imposé comme la référence du système d’exploitation libre et fonctionnel. Dans le paysage public français, les exemples sont nombreux, la gendarmerie nationale prévoit, entre 2010 et 2015 le déploiement d’un parc informatique Ubuntu à raison de 10.000 postes par an. Dans leur permanences locales, les députés de l’Assemblée Nationale ont bénéficié d’une migration vers ce même système. Le Conseil Général des Deux-Sèvres a lui aussi fait ce choix innovant. A noter d’ailleurs que ce dernier est allé jusqu’à permettre plusieurs choix de versions du système.
A une échelle plus importante, le Google Trend Ubuntu 2011, présenté notamment par planet-libre se fait l’écho de la montée en puissance d’Ubuntu. Google Trend est un outil mis en place en 2003 par la société californienne, qui permet de connaître la fréquence de recherche d’un ou plusieurs termes en comptabilisant le nombre de fois qu’ils sont renseignés dans le moteur de recherche. Étant donné la popularité de celui-ci, ce genre d’exercice est un bon indicateur de la présence d’un phénomène ou d’un acteur sur la net sphère. De plus, l’outil est une branche du Google Labs et permet donc de visualiser ces résultats sous différentes formes (le lien ci-dessus en donne un très bon exemple d’utilisation).
Le positionnement futur pour Ubuntu
Comme l’a encore rappelé le fondateur et PDG de Canonical dans une récente (et longue !) interview, Ubuntu devra trouver un positionnement efficace sur les marchés à venir. «Je crois qu’il est important que le coeur d’Ubuntu fonctionne bien sur les téléphones, sur les télévisions, en tant que système embarqué et sur les desktop traditionnels». Cela explique notamment le choix de Unity comme interface native du système ; qu’on le salue ou qu’on le regrette, c’était donc une décision tactique s’inscrivant dans une stratégie commerciale. Ainsi, au côté des ordinateurs traditionnels ou encore des serveurs Ubuntu a vocation à devenir multiplate-forme et donc nécessairement interopérable. C’est là que réside, à notre sens, le défi majeur de la firme. Microsoft parlait déjà dans son rapport fiscal de 2009 (anglais, fin page 4) d’une «forte compétition de compagnies bien établies et aux approches différentes», et a depuis agi pour maintenir sa place confortable. Pour faire le poids face à de tels concurrents Canonical doit redoubler d’inventivité pour que l’interopérabilité, en ce qu’elle autorise la curiosité, permette le changement.
Sources :