Le juge des référés a décidé que le site Copwatch allait être bloqué dans son intégralité, car il cumulait diffamations, injures et atteinte aux données personnelles des forces de l’ordre. Zoom sur un fait d’actualité …
Le site Copwatch tend à exercer une surveillance accrue des forces de l’ordre. Son objectif phare est de dénoncer en exposant au public les violences et sévices, exercées par les policiers et gendarmes lors des répressions, à l’aide de photographies et vidéos.
Le site argue que sa prétention est seulement d’informer :«[le site est un] collectif de citoyens souhaitant lutter par la transparence et l’information contre les violences policières», et de faire prendre conscience à l’internaute de l’infinie violence de la police française, qui dénigre et porte gravement atteinte aux droits de l’homme :« Le copwatch est sans doute la technique la plus dure, mais la plus efficace pour assurer l’anticipation et la dénonciation des violences exercées par les forces de sécurité. Actuellement la police française est bien plus violente que les polices anglo-saxonnes », « cette même police fut accusée de bafouer les droits de l’homme. Nous ne pouvons et n’arrêterons jamais notre travail d’investigation, de contre renseignement et de diffusion. Soyez-en sûr ».
Le site a eu des répercussions pour le moins inquiétantes : un policier a récemment reçu une menace de mort . Cette manifestation de haine envers les forces de l’ordre a été incontestablement l’événement déclencheur qui a poussé le Ministère à intervenir, en déposant un référé auprès du Tribunal de Grande Instance.
Les plaintes mises en avant par Claude Guéant, Ministre de l’Intérieur, contre le site se déclinent en trois éléments : les diffamations, les injures subies par les policiers et gendarmes, dégradant leur honneur mais aussi leur considération; le délit d’injure publique à une administration publique est même relevé par le Ministre. Puis, l’atteinte à la protection des données personnelles est également soulignée à travers le fait que ce site “entend constituer une base de données des fonctionnaires de ces administrations à travers la collecte”. Le Ministre de l’Intérieur, démontre une atteinte à la loi de 1978 concernant les données personnelles : il dénonce les méthodes de diffusion, exercées par le site, les photographies laissant transparaître les policiers à visage découvert, noms, ou encore affectations des forces de l’ordre et de procéder ainsi « à une opération de collectes [non autorisée] de données à caractère personnel » prônant le fait que ces captures illicites et strictement privées auront des retombées acides dans la vie privée desdits fonctionnaires.
Afin d’appuyer son propos le Ministre évoque l’article l’article 6-I-8 de la LCEN qui a l’autorité judiciaire de prescrire en référé ou encore sur requête, aux fournisseurs d’accès à Internet ou aux hébergeurs “toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne”. Le Ministre de l’Intérieur clôt son raisonnement en démontrant que la sécurité des forces publiques est menacée, de par l’incitation du site à la haine envers les policiers et les gendarmes.
Pour y remédier, le Ministère exige qu’il soit effectué un filtrage spécial, c’est-à-dire que la suppression concernerait uniquement les pages contraires au droit, dans un souci de respect de la liberté d’expression, qu’il s’agirait seulement d’un blocage des URL et non pas du blocage des DNS.
La difficulté qu’impliquerait une telle démarche a été mise en relief par les fournisseurs d’accès à Internet : il ressort des expertises produites par les fournisseurs d’accès que le filtrage individuel des 11 URL, qui aurait pu empêcher l’accès aux pages spécifiques du site, est impossible de par l’ignorance de l’hébergeur du site litigieux.
Dans un premier temps, une solution est tout de même présentée : le recours aux DPI, ou Deep Packet Inspection. Ce sont des ordinateurs à visée particulière : ils analysent finement les requêtes des abonnés en vue de détecter si le fournisseur d’accès peut ou non en assurer la transmission vers le site. Malheureusement, ce moyen a été réfuté en raison de son coût élevé et de sa dangerosité quant au réseau.
L’aspect coûteux fait décréter au juge que « la mesure de blocage URL demandée par le ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration n’est ni adaptée ni proportionnée et qu’elle n’est donc nullement “propre” à mettre fin au dommage ». Le juge établit que « le site dont le contenu est constitutif d’infractions pénales est manifestement illicite et qu’en propageant des propos injurieux et diffamatoires, ainsi qu’en collectant des données à caractère personnel, il cause un dommage, tant aux fonctionnaires de police qu’à l’administration », et que les conditions de l’article 6-I-8 de la LCEN sont respectées, « à charge pour ces intermédiaires de mettre en œuvre tous les moyens dont elles peuvent disposer en l’état de leur structure et de la technologie, et ce, jusqu’à ce que soit rendue une décision définitive statuant sur les deux plaintes ».
En définitive, le juge va ordonner aux sociétés de fournisseurs d’accès Internet de bloquer l’accès à ces sites dans leur intégralité. Il apparaît clairement que le juge va donner satisfaction à M.GUEANT, et d’une certaine manière le juge des référés va aller au-delà de sa demande puisque le blocage du site va être total, et non pas partiel comme le souhaitait le requérant.
En outre, une précision sur l’aspect financier est apportée par cette affaire : en effet, la loi du 21 juin 2004, ou Loi pour la confiance dans l’économie numérique, ne met pas en place un mécanisme d’indemnisation. Le juge apporte une précision qui ne figure pas dans la loi et décrète que c’est à l’État d’en supporter les frais. Il ajoute que le principe d’égalité devant les charges publiques interdit de faire supporter aux fournisseurs d’accès à Internet le coût généré par l’application d’une mesure justifiée par l’intérêt général.
Cependant, il est légitime de s’interroger sur l’efficacité d’une telle décision de justice, lorsqu’il apparaît clairement la présence de trente sites appelés « miroirs », qui ne sont autres que des copies du site litigieux : le blocage du site n’a réellement fait qu’attirer l’attention des internautes, qui ont pris leurs dispositions pour sauvegarder et héberger à temps les données « à scandale » du site, cette décision a donc produit le contraire de l’effet escompté de par la publicité qu’elle en a faite au site. Le contenu est maintenant accessible à tous les internautes qui voudraient le consulter, dans le cache du moteur de recherches Google…
Sources :
http://www.pcinpact.com/actu/news/66468-copwatch-blocage-fai-dns-ip.htm
http://www.pcinpact.com/actu/news/66373-copwatch-filtrage-blocage-dpi-proportionnalite.htm
http://www.pcinpact.com/actu/news/66251-copwatch-effet-streisand-censure-blocage.htm
http://www.pcinpact.com/actu/news/66342-copwatch-filtrage-blocage.htm
http://www.pcinpact.com/actu/news/66290-copwatch-filtrage-site-fai-lcen.htm
http://www.pcinpact.com/actu/news/66250-copwatch-copwatcher-claude-gueant-blocage-interieur.htm
http://www.freenews.fr/spip.php?article10953
http://www.europe1.fr/France/Copwatch-le-site-qui-fiche-les-policiers-745561/