La chanteuse Lady Gaga espérait bien faire parler d’elle avec son clip intitulé « Judas »,. Finalement, c’est une prouesse rare de double accusation de plagiat pour la même chanson, à laquelle s’ajoute une accusation portant sur la pochette d’album, qui risque de remettre en avant la réputation de la pop star. Une polémique forcément moins flatteuse.
Bien loin des icônes de la provocation d’une époque où la liberté de ton avait un impact plus sulfureux, le titre de la chanteuse pop américaine Lady Gaga (Stéphanie Germanotta de son nom civil) intitulée « Judas » a provoqué un choc mineur de l’opinion publique à sa parution, qu’il s’agisse des paroles comme du clip vidéo. La chanteuse y interprète Marie Madeleine et évolue au sein de décors modernes, où fidèles et apôtres apparaissent en veste de cuir au volant de Harley Davidson. Le personnage central de l’œuvre, Judas Iscariote, est un mannequin latino américain qui porte la couronne épineuse du Christ. L’ensemble du clip et imprégné de références bibliques calquées sur une musique électro pop. Rien de bien étranger à l’univers de la chanteuse qui évolue allègrement entre mode contemporaine et hédonisme libertaire, très inspiré de l’univers du photographe David LaChapelle.
Comme prévu, les réactions des associations chrétiennes et conservatrices, notamment de la Ligue catholique des droits religieux et civiques ne se sont pas faites attendre. Elle juge la chanson blasphématoires et se dit excédée par les constantes provocations à l’encontre de la religion chrétienne. Un moratoire qui s’arrête aux déclarations de presse. Dans la forme comme dans le fond, « Judas » s’inscrit déjà dans l’inconscient collectif comme un rappel houleux du titre de Madonna « Like a prayer », où la chanteuse embrasse un christ noir et chante devant des croix en feu. Toutefois, au delà de la tentative de récupérer une aura artistique par des provocations destinées à la classe moyenne blanche américaine, l’œuvre de Lady Gaga ne pose pas de problème de plagiat ou de contrefaçon avec celle de Madonna (bien que le public ait accusé son titre « Born this way » de s’être un peut trop inspirée d’ « Express yourself »).
Il n’en va donc pas de même pour le titre « Judas », puisque deux plaintes ont été déposées. En effet, le 7 aout 2011, la chanteuse Rebecca F. a assigné Lady Gaga, Interscope Record, Universal Music, DJ White Shadow LLC et l’ingénieur du son et producteur Brian Joseph Gaynor, en mettant en avant de très fortes similitudes avec son titre également intitulé Juda (sans le s) sortie en 1999. Le cas est ici d’autant plus gênant que Brian Joseph Gaynor a collaborée avec les deux chanteuses pour chaque titre. Certes, les similitudes ne sautent pas aux yeux d’un point de vue musical, et la liberté de création n’empêche aucun artiste d’aborder un thème déjà traité. Mais le fait que le même producteur ait pris en charge les deux œuvres ne peuvent que laisser planer un doute sur une récupération marketing du thème et des paroles, d’autant plus que Lady Gaga bénéficie d’une célébrité bien plus importante que Rebecca F.
La seconde accusation risque quant à elle d’être plus dérangeante, puisqu’il s’agit d’une reprise du riff du titre « WannaBe » interprété par la chanteuse électro pop Loli Lux. Le riff, qui correspond au refrain du morceau, aurait été réutilisé pour le pré-couplet de « Judas ». De plus, l’entreprise de production RedOne, qui a produit l’album « Born this way » de LadyGaga, semble être habituée à cette pratique de récupération des compositions d’artistes peu connus dans le but de les réarranger et d’accroître leur valeur ajoutée. En outre, la chanteuse Loli Lux affirme avoir déjà contacté RedOne, qui selon elle aurait manifesté un intérêt particulier pour le titre, mais ne l’aurait pas contactée par la suite. L’écoute comparé des deux titres montre bien que la société a abaissé la tonalité de la boucle et a rajouté quelques effets afin d’étoffer la production. Si le plagiat est avéré, Loli Lux aurait dû être créditée sur l’album de Lady Gaga à titre de sample.
Enfin, la couverture du dernier single « You and I » tiré de l’album « Born this way » fait étrangement écho à la pochette de l’album « Love on the beat » de Serges Gainsbourg, où l’artiste s’était travesti en femme sur les soins de William Klein. Ici, la chanteuse apparaît en homme, la cigarette à la main, sur un format en noir et blanc. Autant de ressemblances et de rappels, qui, si juridiquement n’aboutiront certainement pas tous en défaveur de la chanteuse, ne favorisent pas une intégrité artistique de premier ordre, puisqu’ils font planer un soupçon constant de récupération. Tout comme sa tendance à vouloir provoquer sans franchir les limites (la chanteuse a rejetée les accusations de blasphème de son titre en parlant de métaphore amoureuse), Lady Gaga désamorce ses accusations et se défend de tout plagiat, en préférant parler d’hommage. Une manière dissimulée de montrer que la chanteuse n’assume pas ses manques d’inspirations ? La Cour Fédérale tranchera à la place des critiques musicaux.
Comment apprécier le plagiat contrefaçon d’une œuvre musicale en droit d’auteur ?
En France, la contrefaçon ne s’apprécie non pas au regard des différences entre deux œuvres, mais au regard de leurs ressemblances. Ainsi, il suffit d’apprécier les éléments caractéristiques qui contribuent à former l’identité et l’originalité de l’œuvre. Toutefois, l’harmonie n’est pas protégeable, puisqu’elle équivaudrait à annihiler toute forme de création musicale, les suites d’accords étant la racine des styles, tout comme le rythme. Le droit attribue la reconnaissance de l’originalité d’une œuvre musicale en appréciant conjointement le rythme et la mélodie. De ce fait, il est tout à fait possible de reprendre ou de faire référence à des œuvres antérieures, parfaitement admissibles comme source d’inspiration. Toutefois, la propriété intellectuelle étatsunienne du copyright ne reconnait pas le droit moral, et le plagiat s’apprécie en fonction de l’atteinte aux intérêts économiques du producteur et des caractéristiques dites du fair use. Dans le cas de Lady Gaga, et compte tenu de sa notoriété internationale, il y’a fort à parier qu’en cas de reconnaissance de plagiat(s), les dommages et intérêts à verser soient relativement conséquents. Ainsi, il semblerait que la tentative de provocation sociale de la pop star se supplante à un scandale artistique et juridique.
Pour écouter le titre « Judas » de Lady Gaga :http://www.youtube.com/watch?v=wagn8Wrmzuc&ob=av2e
Pour écouter le titre Juda de Rebecca F. : http://www.youtube.com/watch?v=v0WkP0zpffA&feature=related
Pour écouter le titre « WannaBe » de Loli Lux : http://www.youtube.com/watch?v=xWvEB14Qw8Q
LE POINT, « Controverse : double plagiat pour Lady Gaga ? », mis en ligne le 8 novembre 2011, consulté le 8 novembre 2011, http://www.lepoint.fr/culture/controverse-double-plagiat-pour-lady-gaga-08-08-2011-1360632_3.php
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