L’UMP, le FN, le site de Charlie Hebdo, Israël auraient ils un point commun ? Suite à la révélation par le site Rue89, le mardi 8 novembre, de la publication de données personnelles de cadres de l’UMP. Il semblerait qu’on puisse répondre par l’affirmative. Ce point commun : le piratage informatique. Rendu célèbre par l’affaire Wikileaks, la révélation de données ou le blocage de sites sont devenus monnaies courantes sur la toile. Outre la reprise illégale de données personnelles au travers de cette actualité, se pose la question du piratage en tant que nouveau moyen d’expression. Retour sur un phénomène « grave », en pleine expansion.
Le piratage des données personnelles de l’UMP.
« Extrêmement grave ». C’est comme ceci que Jean–François Copé qualifie l’acte de piratage, dont il est lui même victime. En effet, ont circulé pendant quelques jours, début novembre, des donnés privées de centaines de cadres de la majorité. Numéro de téléphone, adresse, centres d’intérêts, âge des enfants… Autant d’informations, personnelles et professionnelles, qui se sont alors échangées sur de nombreux sites.
Si durant quelques heures, l’origine de cette fuite a été méconnue, l’explication fut révélée par les pirates eux mêmes. Dans leur communiqué ceux-ci expliquent que la faille de sécurité ne provient pas d’un site institutionnel, le doute s’étant porté en premier lieu sur les fichiers de l’assemblée nationale, mais de celui d’un prestataire de service gérant la plus-part des sites internet de cadres de l’UMP. Prouesse informatique ? Il ne semble pas. Il apparaît que les pirates se soient servis d’une faille dans le système de sécurité du site en question. Faille décelable en peu de clics et dont l’apprentissage est possible en quelques minutes dans de nombreuses vidéos sur la toile.
Victimes de ces hackers (autre terme utilisé pour désigner des pirates malgré de nombreux débats) et de la réception de nombreux messages d’insultes sur leurs téléphones, les cadres de l’UMP n’ont pas tardé à réagir en portant plainte pour violation du secret des correspondances et vol de données informatiques. Une enquête préliminaire a été confié à la brigade d’enquête sur les fraudes aux technologies de l’information (BEFTI).
Cette affaire fait directement écho à un piratage similaire intervenu contre des cadres du Front National par des Anonymous français pour dénoncer « ces fachos de “dirigeants” du FN » et prévoit des actions futures contre le parti. Véritable phénomène, le piratage devient de plus en plus une technique de protestation.
Le piratage : nouvelle forme de revendication ?
« Il y a trois catégories de hackers : ceux qui font ça pour l’argent, qui piratent des comptes en banque, ceux qui font ça pour la prouesse technique et ceux qui font ça pour des raisons politiques, (…) le pirate est donc aussi un militant ». Ces propos d’Éric Valatini, cofondateur de la start-up Email Angel, qui a découvert ce piratage, nous éclaire directement sur le but d’une telle opération.
En l’espèce, si une première supplique fait état d’une démarche vengeresse (« À toutes les victimes de l’UMP, nous vous livrons les coordonnées de l’UMP. Œil pour œil, dent pour dent. ») , une version plus édulcorée a fini par se faire connaître. Le « groupe DOX UMP », qui revendique l’action, souhaite mettre la classe politique devant ses réalités. Cette bande, se prétendant pacifiste dénonce par ce biais la multiplication des données numériques engendrant une multiplication des risques conséquents. Utilisation à des fins commerciales, contre la sécurité nationale… les données numériques ont une valeur qui intéresse souvent des entités mal intentionnées.
« Nous souhaitions être entendu », clame DOX UMP dans sa revendication. Moins préjudiciable qu’un attentat, le piratage permet d’avoir une couverture médiatique. A l’instar des Anonymous, qui militent pour défendre les libertés, ces nouveaux pirates souhaitent par des actions fortes dénoncer les dérives dont ils s’estiment victimes.
Mais les hackers ne sont pas forcément animés par un souci de défense des libertés et notamment d’ expression. C’est la mésaventure de Charlie Hebdo qui illustre dans l’actualité parfaitement ce danger. À l’issue de la parution d’un numéro spécial intitulé Charia Hebdo, le site de l’hebdomadaire a été bloqué par des pirates dont le leitmotiv était de défendre les valeurs islamistes, au grand dam de l’humour et de la liberté d’expression. Il ne faut surtout pas oublier, que peu importe les raisons le piratage est en soit constitutif d’infractions pénales.
Un cadre législatif insuffisant ?
En effet le hacking est pénalement répréhensible, la simple action d’entrer frauduleusement dans un système informatique « est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30000 euros d’amende ». (323-1 du code pénal). Mais les pirates ne sont pas les seuls responsables. Ceux qui utilisent ces données de différentes manières, vente d’information, usurpation d’identité, de nombreuses infractions peuvent être relevées. Le webmaster qui a mal protégé les données peut lui aussi être mis en cause en vertu de l’article 34 de la loi informatique et libertés et de l’article 226-17 du code pénal.
Pourtant ces attentats informatiques ce sont de plus en plus banalisés mais le renforcement législatif que prône notamment la députée UMP des Alpes-Maritimes, Muriel Marland-Militello, en doublant les peines de ce genre d’infraction, ne semble pas la solution. La loi ne peut point tout résoudre et il faudra donc se tourner vers une consolidation de la protection technique.
Être victime d’un piratage n’est pourtant pas l’apanage des puissants. En cela DOX UMP nous met en garde, « Plus de fichiers = Plus de fuites », et ce ne sont pas les Israéliens et leur 9 millions de données détournées qui diront le contraire. Ces actualités montrent les dangers d’un tout informatique et des dangers qu’il faudra surmonter technologiquement dans une société du tout numérisée. Espérons que les pouvoirs publics aient ces affaires en tête dans la préparation de la future carte d’identité numérique.
Sources :
- CROUZILLACQ Ph., « Le groupe « DoX-UMP » justifie son action », Newzilla, mis en ligne le 11 novembre 2011, consulté le 18 novembre 2011,http://www.newzilla.net/2011/11/11/piratage-de-donnees-ump-le-groupe-%C2%AB-dox-ump-%C2%BB-justifie-son-action/.
- FEFERBERG E., « piratages de données de l’UMP : plainte d’Estrosi, des dizaines d’autres attendues », Le Parisien, mis en ligne le 12 novembre 2011, consulté le 18 novembre 2011, http://www.leparisien.fr/flash-actualite-politique/piratage-de-donnees-de-l-ump-plainte-d-estrosi-des-dizaines-d-autres-attendues-12-11-2011-1716162.php.
- UNTERSINGER M., « Données persos : le piratage a visé le groupe UMP à l’Assemblée », Rue89, mis en ligne 8 novembre 2011, consulté le 17 novembre 2011, http://www.rue89.com/2011/11/08/les-donnees-personnelles-dun-millier-de-cadres-ump-piratees-226342.
- SAMSON Th., « vaste piratage de données UMP : l’acte revendiqué avec un « œil pour œil, dent pour dent » vengeur » , Le Parisien, mis en ligne 9 novembre 2011, consulté le 18 novembre , http://www.leparisien.fr/flash-actualite-politique/vaste-piratage-de-donnees-ump-l-acte-revendique-avec-un-oeil-pour-oeil-dent-pour-dent-vengeur-09-11-2011-1710451.php.
- ANONYME, « Copé juge le piratage des données UMP “extrêmement grave” », Le Point, mis en ligne 9 novembre 2011, consulté le 18 novembre 2011 , http://www.lepoint.fr/politique/cope-juge-le-piratage-des-donnees-ump-extremement-grave-09-11-2011-1394440_20.php.
- RICARD M, « Piratage de données : L’UMP porte plainte », France Soir, mis en ligne 9 novembre 2011, consulté le 18 novembre 2011 , http://www.francesoir.fr/actualite/justice/piratage-donnees-l-ump-porte-plainte-155132.html.
- DRUGEON A., « Les Anonymous français ciblent le Front national », Rue89, mis en ligne 29 juillet 2011, consulté le 17 novembre 2011, http://www.rue89.com/2011/07/29/les-anonymous-francais-ciblent-le-front-national-216105.
- Dox-UMP – Communiqué – UMP DoX, Pastebin, mis en ligne 9 novembre 2011, consulté le 18 novembre 2011, http://pastebin.com/9Qn3YzJ7.
- MANACH J-M., « 9 millions d’Israéliens à poil », OWNI, mis en ligne le 3 novembre 2011, consulté le 20 novembre 2011, http://owni.fr/2011/11/03/9-millions-disraeliens-a-poil/.
- http://eservice.free.fr/hacker-pirate.html
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