Depuis le 9 novembre 2011 – et si vous êtes un adepte du Karaoke en solo ou en équipe – vous avez pu vous rendre compte en vous connectant au site paroles.net, qu’il n’est plus question comme autrefois, d’y trouver le moindre texte d’auteur. A défaut, et si vous avez un peu de temps à perdre, vous pouvez lire en page d’accueil l’encadré rédigé par son animateur, qui en annonce la fermeture. Dès lors, et comme le formule si bien Erwan Cario sur le site ecrans.fr, “le temps de paroles.net est écoulé”.
Préambule à cette fermeture
A l’origine, il y a la musique. Puis la chanson et ses paroles. Les deux sont protégeables au sens du code de la propriété intellectuelle – article L 112-1 et suivants – et la reproduction partielle ou totale ce celles ci sans l’accord du titulaire des droits ou de ses ayants-droit est illicite. Il en va de même pour la traduction des paroles.
Mais un peu plus tard, il y a internet, ses libertés et ses opportunités. Et pour les plus braves, il y a aussi les photocopies disgracieuses des paroles d’Hugue Aufray, de Joe Dassin ou de Brassens, copiées et recopiées, qu’on chantait autour d’un feu en colonie de vacances.
Au début des années 2000 commence à fleurir sur le web, une multitude de sites se donnant pour objectif de recenser les paroles d’un maximum d’artistes, et de les mettre à disposition du public. Là où le but est louable pour certains (animateurs, usagers), il est dommageable pour d’autres (artistes, ayants-droit, éditeurs…) car la quasi-totalité de ceux ci oeuvre dans l’illégalité, sans solliciter la moindre autorisation.
La parole est d’argent, le silence est d’or
Si pendant longtemps, les sociétés de gestions, les éditeurs ou les auteurs eux même se sont contenté de protester et de mettre en demeure les propriétaires de ces sites, il semblerait aujourd’hui que la guerre soit déclarée. Or, comme chacun le sait, l’argent est le nerf de la guerre, et pour certains il est grand temps de partager le gâteau. En effet, c’est sur un fond de crise de l’industrie du disque que se joue la bataille. Il est de bon ton, aujourd’hui plus qu’hier, d’aller chercher l’argent de la création là où il se trouve, et comme il n’est plus dans les bacs, il est probablement sur internet. Selon François Millet, éditeur indépendant qui anime la commission base de données au sein de la CSDEM (Chambre Syndicale De l’Edition Musicale), les sites pointés du doigts croquent un « business très lucratif qui génère probablement plusieurs centaines de milliers d’euros chaque année et derrière lequel se trouve souvent une seule personne ». Tout ceci restant extrêmement difficile à évaluer. Il est essentiellement question ici des revenus publicitaires, puisque l’utilisation de tous ces sites est gratuite.
Dès lors qu’il existe un vrai business généré par le parolier, il est normal que celui ci en recueille les fruits.
Une procédure pénale
La reproduction ou la traduction des paroles d’une chanson sans l’accord de l’auteur ou de ses ayants-droit expose son responsable à une action en contrefaçon. La peine encourue est de trois ans d’emprisonnement et 300000€ d’amende. C’est précisément la procédure engagée par la CSDEM et vingt sept autres éditeurs contre le propriétaire du site paroles.net, depuis environ huit ans. En guise d’épilogue, on pouvait lire dès le 9 novembre 2011 sur le site en question, qu’un protocole d’accord avait été signé sous l’égide du juge d’instruction du TGI de Paris entre les différents protagonistes. Ce dernier fait état de la fermeture définitive du site.
Et l’avenir ?
Le même François Millet annonce que “des dizaines d’autres sites” pourraient être à leur tour la cible de procédures judiciaires. Il y a dans ces démarches plus agressives de la part des ayants droit – et derrière l’aspect financier – la volonté de sensibiliser les internautes au respect du droit de la propriété intellectuelle. Il est de plus tout à fait concevable, sans dire de faire payer un jour l’accès aux paroles, de s’attaquer à celles et ceux qui s’enrichissent indirectement sur des oeuvres qui ne leur appartiennent pas. En parallèle, car conscient des réalités et du marché, les éditeurs aimeraient que se développe “une offre légale attractive et abordable”. Elle existe déjà, mais elle se perd encore au milieu de l’ensemble très vaste des sites illégaux. La CSDEM, par exemple, constitue par elle même une base de donnée qu’elle propose ensuite par partenariat à des entreprises telles que Purefans ou encore Greatsong.
La limite de l’alternative légale s’apprécie probablement en terme de contenu, dans la quantité comme dans la diversité. La gestion de catalogues est toujours longue et fastidieuse, face aux contributions intensives des internautes sur les sites illégaux. Les partenariats sont difficiles à mettre en place, d’autant que les sites désirant rentrer dans le rang prennent un risque financier par rapport à la concurrence hors-la-loi. Ils ne sont pas toujours enclins à prendre ce genre d’engagement. Quant à la diversité, pour vous, auditeurs de courant musicaux alternatifs, underground ou plus indépendants, trouver les paroles de vos artistes au milieu de celles de Justin Bieber, Jena Lee ou Patrick Bruel relève d’avantages de l’exception que de la règle. Vous pouvez toujours vous armer de patience et d’espoir… ou vous tourner vers les cyber-délinquants. J’ai quand même essayé de faire le test moi même, et bien qu’il ne soit pas tout à fait concluant, j’ai été surpris de trouver les paroles de certains artistes. Beaucoup moins, de ne rien trouver à propos du collectif OFWGKTA par exemple.
Enfin, la limite dans cette démarche contre les sites illégaux de paroles, se trouve dans la particularité d’internet et l’ensemble de ses travers. Le cas de sites basés à l’étranger, d’Etat moins regardant, de la difficulté des poursuites ou encore des difficultés à identifier les responsables.
Tout ça participe à une lutte sans fin, perdue d’avance ?
SOURCES :
- CARIO E., “Le temps de paroles.net est écoulé”, ecrans.fr, mis en ligne le 9 novembre 2011 : http://www.ecrans.fr/Le-temps-de-Paroles-net-est-ecoule,13509.html
- G. Jérôme, “Paroles.net réduit au silence par les ayants droit”, generation-mt.com, mis en ligne le 10 novembre 2011 : http://www.generation-nt.com/paroles-chansons-illegal-csdem-actualite-1501151.html
- L. Julien, “Le site paroles.net fermé par la justice”, numérama.com, mis en ligne le 10 novembre 2011 : http://www.numerama.com/magazine/20520-le-site-parolesnet-ferme-par-la-justice.html
- Code de la Propriété Intellectuelle : http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=20111014
- http://www.paroles.net/