La numérisation bouscule les modes de consommation des œuvres et depuis quelques années déjà la dématérialisation du livre a le vent en poupe. D’après une enquête Ipsos pour livre Hebdo, publiée sur le site du syndicat national de l’édition (SNE), « le taux de lecture de livres numériques progresse (…), 8 % des Français ont déjà lu un livre numérique contre 5 % en septembre 2009. »
Le trauma de l’industrie du disque
Numérisation des œuvres ne rime pas avec gratuité. Et c’est un véritable pillage, que connait depuis ces dernières années l’industrie du disque. Les majors se sont fait picorer leur part du gâteau par les offres de téléchargements illégales qui se multiplient sur la toile.
Musique, photographie, livre, aucune œuvre n’est épargnée par le phénomène de contrefaçon sur le net.
La contrefaçon du livre numérique peut prendre deux formes. Il peut s’agir de numérisation sauvage des ouvrages. Cette hypothèse est celle dans laquelle une personne sans autorisation de la maison d’édition, ou de l’auteur va numériser un ouvrage page par page et le publier sur internet. La seconde voie possible est celle du téléchargement illégal des e-books. Selon le site idboox, «les raisons principales invoquées par les pirates d’e-books sont le manque d’offre et le prix trop cher. »
La lutte contre le piratage des livres numériques passe donc nécessairement par l’élaboration d’une offre attractive et l’action des pouvoirs publics l’encourage vivement. En effet, en application de la loi de finance pour 2011, dès le 1 janvier 2012 le livre numérique bénéficiera tout comme le livre physique, d’une taxe à taux réduit. Aux éditeurs maintenant d’emboiter le pas en proposant des catalogues riches afin de déjouer l’envie de piratage.
Pour éviter la réitération du sort du secteur musical dans celui du livre le géant de l’édition Hachette se lance dans une lutte anti-piratage. Ainsi, le 15 décembre dernier Hachette Livre publie un communiqué de presse sur son site, dans lequel il annonce avoir signé un contrat avec la société Attributor. Ce contrat vise « à lutter contre le piratage des livres publiés par les différentes maisons d’édition françaises du Groupe ». Il a été signé après « une période de test portant sur 500 titres, lui confiant ainsi la surveillance de toutes ses nouveautés françaises à compter de ce jour, ainsi que de tous les titres actifs de ses catalogues », nous apprend le site du Figaro.
Attributor arme contre le piratage
C’est en précurseur qu’Hachette Livre se positionne, puisque c’est la première maison d’édition française à faire appel à un tel prestataire. Hachette confie donc à la société privée américaine Attributor la lourde tâche de repérer sur la toile les sites mettant à la disposition du public des ouvrages contrefaisants. Attributor, « est spécialisée dans le « Big-data », c’est-à-dire le tri et l’analyse des données transitant par internet », nous apprend le Groupe Hachette.
D’après le site maxisciences, la société Attributor « revendique le leadership mondial de la chasse aux pirates de livres numériques, que ceux-ci opèrent en “peer to peer” ou en téléchargeant depuis des plateformes de stockage ». Attributor traque les sites litigieux grâce à différents modes opératoires, il s’agit d’un balayage automatisé du réseau et une technologie sophistiquée d’identification des titres, complétés par une vérification manuelle 24 heures sur 24.
Daniel Danet, directeur innovation du groupe Hachette Livre, explique pour le site actuallite qu’« Attributor se contente de chercher sur le net des traces de fichiers correspondant aux critères donnés par l’éditeur, mais n’a aucun rôle juridique ». Le site traque les pirates pour le compte de la société Hachette Livre, à elle ensuite de prendre le relais pour entamer les poursuites judiciaires pour contrefaçon.
Une lutte trop en avance sur son temps ?
Alors que le résultat des traques de l’HADOPI dirigées contre les piratages de musiques occupe le devant de la scène médiatique, celle de la lutte contre le piratage des livres numériques n’est pas ou pas encore au centre des préoccupations. Les maisons d’éditions sont alors contraintes de faire le ménage sur la toile elles-mêmes. Le site actualitte cite Christine de Mazières (déléguée générale du SNE) : « nous avons mis le dossier “Hadopi” de côté, car la question du piratage de livres numériques en France ne se pose pas vraiment encore. Le marché du livre numérique online, c’est- à-dire hors ouvrages sur CD-Rom, ne représente encore pas grand-chose – environ 1 % – sur le marché français ». C’est donc en application du principe de précaution, que la société Hachette Livre a signé cet accord avec la société Attributor.
La lutte contre les contrefaçons de livres numériques symbolise la nécessaire protection des droits d’auteurs, mais le Groupe Hachette ne va t-il pas trop vite ? Ne faut-il pas avant de lutter contre les attaques potentielles d’un secteur, le développer autant que faire se peut ? L’investissement contre cette lutte ne serait-il pas plus rentabilisé dans le développement des offres de livres numériques ?
Le site idboox explique les motivations d’Hachette expliquant cette précipitation. En amont à toute autre explication, le marché du livre numérique est en passe de décoller dans les mois à venir, la vente accrue de tablette numérique le laisse en effet présager. D’autre part, Hachette a une double casquette dans le marché du livre : il est éditeur mais également distributeur avec sa plateforme Numilog. Une dernière motivation (mais pas des moindres) expliquerai la position d’Hachette, il s’agit du contrat signé avec Google Books qui va sous peu inonder la toile de milliers de références. Afin de ne pas avoir un train de retard, Hachette préfère donc prendre les devants et lutter dès à présent contre les pirates.
Les mois à venir nous dirons si Hachette a eu raison !
Sources :
Gary N., « Hachette signe avec Attributor : protéger l’ebook … contre qui ? », actuallite.com, mis en ligne le 18 décembre 2011, consulté le 20 décembre, http://www.actualitte.com/actualite/lecture-numerique/acteurs-numeriques/hachette-signe-avec-attributor-proteger-l-ebook-contre-qui-30578.htm
Solym C., « A défaut d’HADOPI, Attributor surveillera les ebooks de Hachette », actuallite.com, mis en ligne le 15 décembre 2011, consulté le 18 décembre 2011, http://www.actualitte.com/actualite/lecture-numerique/legislation/a-defaut-d-hadopi-attributor-surveillera-les-ebooks-de-hachette-30524.htm
« Ebooks et piratages : Pourquoi Hachette signe avec Attributor ? », idboox.com, mis en ligne le 18 décembre 2011, consulté le 20 décembre 2011, http://www.idboox.com/economie-du-livre/ebooks-et-piratage-pourquoi-hachette-signe-avec-attributor/
« Le prix unique sur le livre numérique entre en application », 01net.com, mis en ligne le 17 novembre 2011, consulté le 15 décembre 2011, http://www.01net.com/editorial/546664/le-prix-unique-sur-le-livre-numerique-entre-en-application/
« Hachette Livre a engagé un spécialiste contre le piratage des livres », maxisciences.com, mis en ligne le 17 décembre 2011, consulté le 18 décembre 2011, http://www.maxisciences.com/hachette-livre/hachette-livre-a-engage-un-specialiste-contre-le-piratage-des-livres_art19674.html
« Piratage : Hachette fait surveiller le web », lefigaro.fr, mis en ligne le 15 décembre 2011, consulté le 17 décembre 2011, http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2011/12/15/97001-20111215FILWWW00500-piratage-hachette-fait-surveiller-le-web.php
Communiqué de presse : « Hachette Livre signe avec Attributor pour luter contre le piratage », hachette.com, mis en ligne le 15 décembre 2011, consulté le 17 décembre 2011, http://www.hachette.com/en/press/hachette-livre-signe-avec-attributor-pour-lutter-contre-le-piratage.html
LOI n°2010-1657 du 29 décembre 2010, publié au JORF n°0302 du 30 décembre 2010, http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000023314376&categorieLien=id
« Dossiers et enjeux: le numérique », sne.fr, http://www.sne.fr/dossiers-et-enjeux/numerique.html