L’ouverture récente d’un musée disponible exclusivement en ligne bouscule de nouveau nos traditionnels musées en modernisant encore d’avantage l’idée des musées en ligne et en renforçant la place du Net Art. Le site, qui porte le nom de SPAMM, c’est d’ailleurs autoproclamé « musée des Arts super modernes ». Cependant, la problématique des musées conventionnels demeure : comment conserver les œuvres?
« Ce qui est le meilleur dans le nouveau est ce qui répond à un désir ancien » disait Paul Valéry. En effet, la volonté de préserver éternellement les œuvres d’art afin de conserver au mieux notre patrimoine culturel ne date pas d’aujourd’hui. C’est le projet fou que tentent de remplir ensemble les musées, les bibliothèques telles que la bibliothèque nationale de France, et les services d’archives. Car si les musées classiques remplissent seuls assez efficacement leur rôle de démocratisation et de libre et égal accès à la culture, ils peinent à garantir une protection suffisante des œuvres exposées. Premier coupable pointé du doigt : la température et donc la chaleur et l’humidité auxquelles sont exposées les œuvres. La température autorisée a donc fait l’objet d’un encadrement strict par des règles internationales. Cette règlementation permet, si elle est correctement respectée par les musées, d’autoriser des prêts d’œuvres entre deux institutions de pays différents et ainsi que les cultures s’entrecroisent. Elle fixe la température idéale à 21 degré Celsius et 50% d’hygrométrie ; celle-ci étant jugée encore trop élevée selon certains compte tenu des basses températures auxquelles étaient exposées la plupart des créations bien souvent installées dans des châteaux.
Mais, ce moyen de protection n’est pas le seul mis en place par les États et les institutions. La conservation numérique et donc les musées en ligne sont aussi une alternative. Ce mode de sauvegarde numérique crée une copie dématérialisée de l’oeuvre par un processus de numérisation. Nombreux sont les musées classiques qui ont opté pour une version en ligne, permettant un accès à la culture plus libre et à tous ; mais garantissant aussi et surtout une meilleure sauvegarde du patrimoine culturel. Parmi les plus connus l’on retrouve : le Louvre qui possède pas moins de deux sites ; le Centre Georges Pompidou ; le British Museum ; le musée Van Gogh à Amsterdam ; les Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique mettant notamment Rubens, Rembrandt, Gauguin, Chirico sur la toile ; le musée de l’Acropole ; le MOMA (Musée d’Art Moderne) ; ou encore le Metropolitan Museum de New York. En parallèle, le 2 février 2011 a été inauguré le service Google Art Project, site d’archive en ligne qui participe lui aussi à la sauvegarde de la culture ; même s’il a du essuyer de nombreuses critiques notamment concernant l’impossibilité de télécharger les images et le trop peu d’œuvres en haute qualité.
De plus, il était au départ question uniquement d’œuvres que l’on pouvait toucher, qui étaient matérialisées par une toile, un livre, un disque. Ces œuvres n’étaient numérisées que bien après leur création afin de garantir au mieux leur sauvegarde. Mais à coté de ces œuvres que l’on pourrait qualifiées de conventionnelles s’est développée une nouvelle forme d’art : le Net Art ou Web Art. Le Net Art voit le jour à partir des années 1995 et vise les œuvres ayant été crées et pouvant être diffusées exclusivement sur internet ; internet étant pour ces créations soit un support, soit également un moyen permettant des créations interactives entre le spectateur internaute et l’auteur. Elles se différencient des œuvres habituelles qui sont pour leurs parts transférées sur le réseau et non pas crées et accessibles uniquement sur celui-ci. Ainsi se pose également le problème de la conservation de ces œuvres numériques, qui peuvent disparaitre en un simple clic. Le problème, c’est que la garantie d’une bonne conservation de celles-ci nécessite la réalisation de copies. Et la réalisation de copies d’une création implique le droit d’auteur ou le copy right et généralement l’accord de l’auteur ou de ces ayants droits. Cependant, une exception est accordée par l’article L122-5-8° du Code de la propriété intellectuelle en faveur des musées, bibliothèques ou services d’archives concernant les reproduction à des fins de conservation.
Cette crainte sur la difficile conservation des œuvres de Net Art n’a pourtant pas freiné l’art dans son évolution. Ont ainsi vu le jour au sein même des musées ou de leur site internet des œuvres créer sur le web. La première oeuvre venue du net fut un don en 1995 de Douglas Davis au Witney Museum of American Art à New York. En France, c’est en 1997 que le musée d’art contemporain de Lyon organise une exposition d’artistes francophones sur internet. Et le Fonds régional d’art contemporain Languedoc-Roussillon sera le premier à se procurer des oeuvres réalisées sur le net. Par la suite, des musées virtuelles amateurs ont vu le jour, ces sites n’étant pas reliés à un musée. On peut mentionner le webnetmuseum crée en 2000 par Fred Forest, « pionnier français du net art et de l’art vidéo ». Ou bien encore le site de Nicolas Pioch (metalab.unc.edu/louvre) qui a fermé en raison de problèmes de royalties notamment avec la famille Picasso. Le Net Art a donc petit à petit su se faire une place au sein de la culture.
Mais ce n’est que récemment que le Net Art s’est imposé au point d’être l’objet central d’un musée virtuel qui se consacre en majorité à des œuvres animées et interactives. Ce musée des Arts super modernes (SPAMM) est une initiative de Thomas Cheneseau, de Systaime et de Silicon Maniacs et a été inauguré par un vernissage virtuel le 5 décembre 2011. Il est le reflet de l’évolution de l’art face aux nouvelles technologies qui emplissent la société. Cependant, ce musée révolutionnaire doit lui aussi faire face aux mêmes problématiques que les musées classiques concernant la sauvegarde des œuvres. D’ailleurs, il ne possède pas réellement les œuvres, il ne les conserve pas, il ne fait que les rassembler sur une même page par des liens. Anne Laforet, spécialiste du sujet et auteur du livre le Net Art au musée, précise à quel point « La conservation est un cercle vicieux et complexe » notamment pour ces œuvres internet qui sont fragiles car elles « utilisent et détournent des logiciels, des programmes, des langages informatiques qui ne sont pas éternels en ligne, comme le Flash ». Mais le SPAMM n’est pas le seul ; aujourd’hui, aucune institution française n’a trouvé de solution satisfaisante pour garantir une protection suffisante des œuvres du Net Art. Ni même les musées tels le Centre Pompidou, ni même la bibliothèque nationale de France n’ont trouvé les moyens techniques pour assurer une telle sauvegarde. Ce site est donc certes une belle avancée, mais il n’a pas encore détrôné les visites “réelles” de musées ni trouver la solution de l’immuabilité des œuvres numériques.
Qui plus est, que les traditionnels se rassurent, le site SPAMM ne passera pas outre le protocolaire vernissage, cette fois-ci non plus en ligne mais In Real Life dont la date est déjà fixée au 19 janvier 2012. Les visites de musées ne sont d’ailleurs pas en perdition et ceux-ci ont peut à craindre des musées et autres galeries en ligne. Bien loin d’une concurrence, c’est d’avantage une complémentarité entre le online et le offline qui est en train de se créer.
Sources:
Le site SPAMM, http://www.spamm.fr/
BRUET D.-Q., “Le Super Art Modern Museum ouvre ses portes”, siliconmaniacs.org, mis en ligne le 15 décembre 2011, consulté le 21 décembre 2011, http://www.siliconmaniacs.org/le-super-art-modern-museum-ouvre-ses…
DUPONCHELLE V., “Les musées sont-ils trop chauffés?”, lefigaro.fr, mis en ligne le 24 novembre 2011, consulté le 27 décembre 2011, http://www.lefigaro.fr/culture/2011/11/23/03004-20111123ARTFIG00790-les-musees-sont-ils-trop-chauffes.php
FANEN S., “Au portail du musée”, lepost.fr, mis en ligne le 21 décembre 2011, consulté le 27 décembre 2011, http://www.lepost.fr/article/2011/12/21/2665431_super-art-modern-museum-spamm.html
FANEN S., “Le net.art désirable”, ecrans.fr, mis en ligne le 21 décembre 2011, consulté le 21 décembre 2011, http://www.ecrans.fr/Spamm-le-net-art-plus-propre,13752.html
LABOMEDIA, “Le NetArt contenu”, labomedai.org, mis en ligne le 26 décembre 2010, consulté le 30 décembre 2011, http://wiki.labomedia.org/index.php/Le_NetArt_CONTENU
NOIRET T., “Liste de musées on-line”, consulté le 27 décembre 2011, http://tiri.knokkette.eu/Museums/muse_index.html
OMPI, “Conservation numérique et droit d’auteur”, magasine de l’OMPI, mis en ligne le 5 septembre 2008, consulté le 30 décembre 2011, http://www.wipo.int/wipo_magazine/fr/2008/05/article_0010.html