« Wikipédia a vraiment gagné son statut d’encyclopédie universelle tant son usage semble constituer aujourd’hui le réflexe n°1 de tout chercheur d’informations ; pour preuve, même le Saint-Siège en « copie-colle » les contenus ! » Voilà ce que l’on pourrait ironiquement conclure de la petite mésaventure que vient de vivre le Vatican.
En effet, le 6 janvier 2012, le Bureau de presse du Vatican a publié sur son site internet les biographies des 22 nouveaux cardinaux que le Pape Benoît XVI nommera lors du consistoire de février. Mais à leur lecture, certains journalistes ont été surpris par quelques détails, tournures ou partis pris rédactionnels qui ne semblaient pas adaptés au contenu attendu de biographies officielles de futurs cardinaux. Ainsi, ils étaient qualifiés de « catholiques », précision totalement inutile puisqu’évidence même, et l’un d’eux en particulier était décrit comme « l’un des religieux les plus controversés du pays » en raison de sa position conservatrice quant à l’avortement et l’homosexualité. Très vite, il s’est avéré que ces textes étaient des copies pures et simples du site italien de Wikipédia dont il n’était cependant fait aucune mention en sa qualité de source. Et c’est bien là le cœur du problème.
Faute avouée, à demi pardonnée
Tout d’abord, en soi, reprendre au mot près le contenu d’un article de Wikipédia ne pose aucune difficulté juridique puisque c’est le principe même de cette « encyclopédie collective libre ». Cela n’est critiquable que d’un point de vue intellectuel ou créatif, notamment quand on est en droit d’attendre un peu mieux du « copieur » ! En l’espèce, l’identification de la source explique la nature inadéquate de certains termes résultant de « copier-coller » quelque peu hâtifs. On peut donc s’étonner, et regretter, que si peu d’attention soit porté à leurs propres contenus par les services du Saint-Siège.
Mais au-delà, cela signifie surtout que, dans la promptitude à vouloir communiquer, il a été involontairement porté atteinte au droit d’auteur de Wikipédia quant aux articles rédigés par sa « communauté ». Plus spécifiquement, ses contenus en ligne sont protégés par la Licence Creative Commons, favorisant par principe le libre partage des informations selon des modalités volontairement simples mais dont le respect s’impose à tous. Ainsi, l’obligation principale constitue à faire obligatoirement mention de la source reproduite.
A ce titre, Wikipédia prend soin d’indiquer expressément dans chacun de ses articles qu’en matière de « droit d’auteur : les textes sont disponibles sous licence Creative Commons paternité partage à l’identique », ou encore que son contenu « peut être copié et réutilisé sous la même licence, même à des fins commerciales, sous réserve d’en respecter les conditions »[1].
Si Rémy Mathis directeur de Wikimédia France ne peut que constater qu’il y a bien eu non respect de la licence[2], aucune suite ne sera a priori donnée à l’incident. Les services papaux, conscients du quiproquo, ont effectivement justifié le recours temporaire à Wikipédia et le manque de précaution par l’urgence et ont rapidement modifié les contenus litigieux, tout rentrant alors dans l’ordre.
Ne fais pas à autrui…
Plus largement, ce « bug » nous amène à observer les positions prises ces dernières années par le Vatican en matière de propriété intellectuelle. D’une part, il s’est montré critique envers l’industrie pharmaceutique dont le système actuel trop rigide des brevets freine l’accessibilité à certains traitements, et a adopté ainsi une position que l’on ne peut que saluer. Mais, d’autre part, le Vatican ne remet nullement en cause le principe même de la propriété intellectuelle, affirmant que sa protection « reconnaît la dignité de l’homme et de son travail qui devient (…) une contribution au bien commun ».[3].
A cet égard, la politique du Vatican concernant l’utilisation de l’image du Pape, de son nom et des armoiries pontificales est même très stricte. En effet, depuis fin 2009, pour parer les dérives liées au renouveau de l’engouement suscité par la personne du Pape, le Vatican a édicté ce que certains ont qualifié de « copyright papal » afin d’éviter que le Souverain Pontife ne soit associé à des produits sans lien avec lui. Ces règles imposent notamment, avant toute utilisation des éléments le désignant, l’obtention de l’autorisation préalable expresse du Saint-Siège.
Bien entendu, de telles mesures n’ont qu’une portée préventive dans la mesure où il n’est pas envisageable que la marque « pape » soit un jour déposée par le Vatican et protégée à travers le monde par le droit de la propriété intellectuelle, comme l’est par contre Wikipédia depuis son origine…
SOURCES
CHAMPEAU G., « Le Vatican a piraté Wikipédia », Numérama, 10/01/2012, http://www.numerama.com/magazine/21217-le-vatican-a-pirate-wikipedia.html, consulté le 11/01/2012
KLEIN G., « Le Vatican aime Wikipédia », Arrêts sur Images, 10/01/2012, http://www.arretsurimages.net/vite.php?id=12848, consulté le 11/01/2012
L. J, « Le Vatican critique l’excès de zèle en matière de propriété intellectuelle », Numérama, 26/10/2010, http://www.numerama.com/magazine/17161-le-vatican-critique-l-exces-de-zele-en-matiere-de-propriete-intellectuelle.html, consulté le 13/01/2012
L.J, « Le Vatican veut protéger les droits d’auteur du Pape », Numérama, 21/12/2009, http://www.numerama.com/magazine/14736-le-vatican-veut-proteger-les-droits-d-auteur-du-pape.html, consulté le 13/01/2012
Non signé (avec I.Media), « pour ses biographies des cardinaux, le Saint-Siège a utilisé Wikipédia », La Croix, 09/01/2012, http://www.la-croix.com/Religion/Urbi-Orbi/Rome/Pour-ses-biographies-des-cardinaux-le-Saint-Siege-a-utilise-Wikipedia-_NG_-2012-01-09-755635, consulté le 11/01/2012
Non signé (avec AFP), « Pour la biographie des cardinaux, le Vatican fait appel à Wikipédia », Libération, 09/01/2012, http://www.liberation.fr/monde/01012382246-pour-la-biographie-des-cardinaux-le-vatican-fait-appel-a-wikipedia, consulté le 13/01/2012
[1] http://fr.wikipedia.org
[2] CHAMPEAU G., « Le Vatican a piraté Wikipédia », Numérama, 10/01/2012
[3] L. J, « Le Vatican critique l’excès de zèle en matière de propriété intellectuelle », Numérama, 26/10/2010