Après le marché florissant des assurances portant sur une partie ou la totalité du corps sur lesquelles se sont notamment précipités les mannequins et les sportifs, voici maintenant les assurances tenant à la gestion de votre « bonne » réputation et plus spécifiquement, de votre « bonne » e-réputation. Et cette fois, les stars ne devraient pas être les seules à y trouver un intérêt.
L’e-réputation, un phénomène en pleine expansion protégé par les assurances :
En France, l’assurance Swiss Life fut la première à proposer en juin 2011, la gestion des atteintes à la réputation en ligne des personnes. Ainsi, pour 9,90 euros par mois et à hauteur de 10 000 euros de prise en charge, le souscripteur se voit garantir la préservation de son image sur la toile ainsi que celle de sa famille. L’assureur garanti cette protection en partenariat avec l’entreprise française Reputation Squad, spécialiste en gestion de la réputation sur internet. Cette société est ce que l’on appelle plus communément un « nettoyeur du net », au même titre que Zen Reputation ou encore Apoka. Ce sont ces nettoyeurs qui ont saisi les premiers le filon de la nécessaire gestion de leur réputation numérique pour bon nombre d’entreprises ou de personnes. L’assurance Swiss Life a donc décidé de s’associer à la société Reputation Squad, habitué à ce genre de protection. Peu après, c’est Axa France qui décide en décembre dernier de mettre à disposition du public un « Guide du bon sens numérique » comprenant vingt principes pour prévenir des atteintes à la réputation en ligne. Et récemment, elle a également développé sa propre assurance e-réputation nommée « Protection Familiale Intégr@le », disponible à partir de 22 euros pour une famille et de 13 euros pour un célibataire avec une protection allant jusqu’à 5 000 euros.
Concrètement, comment est assuré la protection des personnes victimes de violation de leur réputation sur internet ? Tout d’abord, cela diffère quelque peu selon l’assurance. Pour Swiss Life, elle vaut pour le dénigrement, les injures, la diffamation et la publication d’écrits ou d’images sans le consentement de la personne. Alors que pour Axa, elle concerne l’usurpation d’identité, l’utilisation frauduleuse des moyens de paiement ainsi que les litiges suite à l’achat d’un service ou d’un bien mobilier en ligne. Ensuite, la protection s’effectue de plusieurs manières. Elle peut être assurée soit par une action de suppression ou de noyage des informations préjudiciables par des prestataires spécialisés comme Reputation Squad ; soit par le droit à des prestations ou un accompagnement juridique pour le règlement et l’indemnisation du préjudice devant les juges.
L’e-réputation, l’émergence pour les assurances d’un marché à fort potentiel :
Le concept récent qu’est la réputation en ligne a su très rapidement prendre une place majeure dans la société actuelle et notamment dans la perception de l’image et de la renommée d’une personne par cette même société. L’importance de cette réputation en ligne vaut pour les personnes morales qui doivent, pour organiser leur e-commerce, se prévaloir de tous dénigrements, diffamations, contrefaçons ou concurrences déloyales. Mais elle vaut également pour les personnes physiques dont l’image, le nom, la vie privée ou professionnelle sont de plus en plus exposés et surtout de plus en plus consultés notamment par les recruteurs. Les réseaux sociaux, les forums, les blogs et le web 2.0 en général sont devenus des moyens de communication quotidien; ils représentent l’avenir mais aussi un véritable danger. Car « Internet a de la mémoire. Des frasques d’adolescents y survivent longtemps » disait la journaliste Anne BODESCOT du Figaro. La protection contre les atteintes à l’e-réputation des personnes ouvre donc aux assureurs un marché nouveau où la clientèle prospère et n’est pas prête de décliner.
Cependant en France, ces assurances e-réputation ne valent que pour les particuliers et ne sont pas encore proposées aux entreprises ; celles-ci devant pour le moment se contenter des quelques sociétés privées spécialisées dans le nettoyage des données sur le web. Pourtant, pour les sociétés, la bonne gestion de leur image sur la toile est fondamentale. En effet, une étude effectuée par le Llyod ‘s montre que le risque d’atteinte à l’image sur internet est passé parmi les sujets de préoccupation des entreprises de la 9ème place en 2009 à la troisième en 2011. Ainsi, ce phénomène qui n’est qu’émergeant en France est en pleine explosion en Angleterre. Ce nouveau marché d’assurance e-réputation qui se développe à « vitesse grand V » selon le Reputation Institute de Londres sera donc très prochainement une vraie mine d’or pour tous les assureurs notamment pour ce qui est d’assurer la protection de l’image des grandes multinationales. Ainsi, les assurances Anglaises comme Aon, Willis ou encore Chartis ont très rapidement mis en place ce type d’assurance pour les entreprises.
L’e-réputation, une préservation et un contrôle nécessaires par CNIL et le juge :
Néanmoins, le phénomène étant encore nouveau, il n’est pas forcément ni totalement adapté, ni suffisant pour assurer une protection complète. En effet, pour en revenir au cas de la France et en particulier à l’assureur Swiss Life, le contrat d’assurance comprend plusieurs clauses d’exclusions. Tout d’abord, la protection n’est pas assurée si la personne a donné son accord ou est l’auteur du contenu qui a par la suite posé problème ; et c’est bien souvent le cas notamment avec la publication d’une photographie entrainant des commentaires diffamatoires. Ensuite, la gestion n’est pas mise en œuvre si le préjudice à l’e-réputation porte sur la vie professionnelle de l’assuré ou de sa participation à une association. Enfin, l’assurance ne s’applique pas non plus si le litige qui pèse sur la victime découle de son mandat électif ou de son activité de prêtre, d’imam ou de rabbin. Les assurances ne se suffisent donc pas encore à elle même pour protéger correctement la réputation en ligne des personnes, notamment pour les indemniser en cas de préjudice. Qui plus est, il est à l’heure actuelle encore impossible de garantir à 100% le retrait des informations préjudiciables car bien souvent, même si elles sont effacées sur la page web d’origine, elles ont largement pu être reprises par bon nombre d’internautes et de sites internet avant la réalisation du “nettoyage”.
Il est donc toujours approprié de saisir la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) et de porter plainte devant le juge. D’autant plus que depuis avril dernier, la CNIL prévoit la possibilité de se retourner contre les responsables des sites où ont été tenus les propos préjudiciables. Ainsi, des poursuites pénales peuvent être engagées pour tous propos diffamatoires, calomnieux, injurieux ou racistes tenu sur internet à l’égard d’une personne. De plus le recours à un avocat permet le retrait rapide et souvent à l’amiable des contenus illicites ; ou à défaut « l’introduction de procédures judiciaires aux fins de retrait contraint et forcé de ces contenus, d’indemnisation, des préjudices subis et de sanctions des responsables de la diffusion de ces contenus » comme le précise l’avocat à la Cour d’appel de Paris Anthony BEM. Cependant, comme le précise Eddie Abécassis, directeur e-bussiness de Swiss Life, l’assurance prend justement en charge les frais d’avocat. Ainsi, les offres des assureurs risquent d’attirer bon nombre de client ; notamment lorsqu’on connait les prix appliqués par les nettoyeurs du net pour assurer une prestation telle que la suppression de la page dommageable qui se situent en moyenne aux alentours des 2 500 euros.
Et pour l’avenir, même si ces assurances ne rencontrent pas le succès pressenti, il n’en reste pas moins évident que la bonne gestion de sa réputation en ligne deviendra pour chacun une nécessité. Et le groupe Reputation Squad n’hésite pas à inventer le futur avec ironie : « et si dans 5 ans chacun de nous se devait d’être équipé en permanence d’une carte e-réputation ? (…) pour accomplir des actes administratifs, comme nous le faisons aujourd’hui en présentant notre carte d’identité. Le banquier pourrait la demander avant d’accepter de vous accorder un prêt, le recruteur pourrait la passer sur son lecteur lors d’un entretien d’embauche, la jeune fille avec qui vous avez un rendez-vous galant… ». D’ailleurs, ces railleries ne sont peut être pas si éloignées de la réalité quand on pense au phénomène très répandu communément appelé la « Googlisation ».
Sources:
BELOT L., « S’assurer pour protéger sa e-réputation », lemonde.fr, publié le 20 janvier 2012, consulté le 25 janvier 2012, http://www.lemonde.fr/rendez-vous/article/2012/01/20/s-assurer-pour-proteger-sa-e-reputation_1632455_3238.html
BEM A., « De la souscription d’un contrat d’assurance contre les risques d’atteintes à son E-réputation », Legavox.fr, publié le 08 janvier 2012, consulté le 10 janvier 2012, http://www.legavox.fr/blog/maitre-anthony-bem/souscription-contrat-assurance-contre-risques-7391.htm
BODESCOT A., « Une assurance pour sauver sa réputation sur internet », lefigaro.fr, publié le 16 juin 2011, consulté le 10 janvier 2012, http://recherche.lefigaro.fr/recherche/access/lefigaro_fr.php?archive=BszTm8dCk78atGCYonbyzi0GSl5FP1lrhEfm5vRZ1oLZf
DUPORTAIL J., « Une assurance pas tout risque pour protéger votre e-réputation », rue89.com, publié le 18 juin 2011, consulté le 10 janvier 2012, http://www.rue89.com/2011/06/18/une-assurance-pas-tous-risques-pour-proteger-votre-e-reputation-209767
GOUBY T., « Assurance / Internet : Swiss Life lance une protection de la réputation sur le web », news-assurances.com, publié le 16 juin 2011, consulté le 10 janvier 2012, http://pro.news-assurances.com/blog/assurance-internet-swiss-life-lance-une-protection-de-la-reputation-sur-le-web/0169192754
GOUBY T., « Assurance / Internet : Axa France se lance dans la protection de la e-reputation », news-assurances.com, publié le 23 janvier 2012, consulté le 25 janvier 2012, http://pro.news-assurances.com/blog/assurance-internet-axa-france-se-lance-dans-la-protection-de-la-e-reputation/0169235554
GOUBY T., « Angleterre / Entreprises : Le marché de l’assurance e-réputation en pleine explosion », news-assurances.com, publié le 19 décembre 2011, consulté le 25 janvier 2012, http://pro.news-assurances.com/blog/angleterre-entreprises-le-marche-de-lassurance-e-reputation-en-pleine-explosion/0169233940
RIMONDI L., « E-reputation : Axa propose un guide de bon sens », news-assurances.com, publié le 14 décembre 2011, consulté le 20 janvier 2012, http://pro.news-assurances.com/blog/e-reputation-axa-propose-un-guide-de-bon-sens/0169233622
Le site : www.reputationsquad.com