Début janvier 2012, Charlotte Casiraghi, fille de Caroline De Monaco intente une action au pénal, contre x, fondée sur l’article 226-1 du code pénal pour atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui, suite à la publication d’un photomontage concernant les rebondissements de sa vie sentimentale. Son avocat, Alain Toucas, parle même de « violence morale ».
C’est l’article 9 du code civil qui, en France, régit le respect à la vie privée. En effet, ce dernier dispose que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Le droit à l’image de chacun est également régi par le biais de cet article. Face au droit à l’information, le droit au respect de la vie privée doit parfois être restreint dans un souci de conciliation. Et ce, particulièrement concernant les personnalités publiques, qui certes, détiennent aussi un droit au respect de leur vie privée, mais sont des personnes qui sont plus enclin à voir ce droit restreint du fait de sa conciliation avec le droit à l’information. D’ailleurs, en la matière, on peut observer une grande quantité de contentieux, et particulièrement en civil, sur le fondement de cet article 9 du code civil. Lors de ce type de contentieux, lorsque ces personnalités publiques obtiennent gain de cause face aux magazines dits de presse « people », des dommages et intérêts sont alloués pour préjudice moral, ainsi que, de plus en plus fréquemment, l’obligation pour le magazine de publier le jugement sur la une de la prochaine parution.
Ce qui est beaucoup plus rare, et surprenant, ce sont les actions des ces personnalités publiques au pénal. En effet, celles-ci sont bien plus longues, complexes, onéreuses et incertaines quant à leur finalité. En l’espèce, c’est l’avocat de Charlotte Casiraghi, Alain Toucas, qui est à l’origine de cette action en pénal, contre x, pour atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui. Un parallèle apparaît alors du fait que Me Toucas était également en charge de l’affaire Lady Diana, dans laquelle neuf paparazzi ont été placés en garde à vue et mis en examen pour homicides involontaires et non-assistance à personne en danger. L’avocat espère donc aujourd’hui, créer le même mouvement de « recul » des paparazzi, et leur faire comprendre que leur responsabilité peut ne pas rester indemne. Cependant, cette fois-ci, une nouvelle notion intervient en matière de responsabilité des paparazzi, celle de « violence morale ».
La violence morale est fréquemment associée à la notion d’« harcèlement moral» définie à l’article 222-33-2 du code pénal, notion le plus souvent utilisée en droit du travail. En effet, cet article entend cette notion comme « le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel». Pour appuyer son argumentation, Alain Toucas affirme qu’en l’espèce, la plaignante ferait l’objet de « filatures et de traques jour et nuit par une dizaine d’individus, en voiture et à moto », il possèderait également « un témoignage d’un officier de police ». L’avocat déclare même que « la vie sentimentale, c’est ce qu’il y a de plus authentique et intime pour une personne connue. Y toucher, c’est comme un viol ».
Cependant, l’action en elle-même repose sur l’article 226-1 du code pénal qui dispose qu’ « est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui (…) en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé ». L’article ajoute même que « lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés, sans qu’ils s’y soient opposés, alors qu’ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé ». Cette dernière disposition pourrait alors poser problème, car quand une personnalité publique voit des paparazzi prendre des clichés d’elle, soit quotidiennement pour certaines, doit-elle intervenir, ou du moins essayer de s’interposer à chaque fois ? Cela paraît difficile en pratique pour une personne que l’on ne peut considérer tel un citoyen lambda. Néanmoins, il est à noter qu’une autre action, en civil cette fois via le juge des référés, a été intentée à l’encontre de quatre magazines : est-ce seulement un souci de rapidité de procédure ?
Ces dernières années, on peut observer une certaine hostilité concernant la profession de paparazzi. En effet, outre la législation française très protectrice autant de la liberté d’expression que du droit de chacun au respect de sa vie privée, certains pays comme les Etats-Unis, pourtant emblématique de la liberté d’expression commencent à prendre des mesures dites « anti-paparazzi ». C’est en Californie, début janvier 2010 qu’une loi dite « anti-paparazzi » est entrée en vigueur, dans un pays où la liberté d’expression constitue le premier amendement de la Constitution américaine du 17 septembre 1787. Cependant, elle ne concerne que les photographies des personnalités publiques dans leur vie privée et la publication de tous les détails les concernant. Cette loi défendue par Arnold Scharwazenneger ne semble pas avoir eu concrètement d’impact, puisque depuis son entrée en vigueur, c’est le silence radio. En effet, la structure de la presse américaine est assez différente qu’en France : les profits générés par les magazines « people » américains sont bien supérieurs à nos magazines français de la même thématique. Et par conséquent, leurs bénéfices devraient suffire à couvrir les éventuels frais de justice.
Il s’agit donc là d’un coup dur pour une profession déjà en crise en France. En cette période de « crise » de la presse, de l’apparition d’un grand rival dénommé « internet », les paparazzi voient une nouvelle concurrence apparaître d’une part avec la proximité des mastodontes américains, d’autres part avec les amateurs pouvant prendre des clichés des personnalités publiques convoitées, via leur Smartphones, et les poster directement sur internet. Par conséquent, le coût d’un cliché « scoop » se vend beaucoup moins cher qu’auparavant, étant donné que l’on peut parfois trouvé le même, gratuit, sur la toile …
Bref, il ne fait plus bon vivre d’être paparazzi en France.
Sources :
- GUERRIN M., « Les paparazzi coupables de violence morale ? », Le Monde, mis en ligne le 29 janvier 2012, consulté le 31 janvier 2012, URL : http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/01/29/les-paparazzi-coupables-de-violence-morale_1635171_3224.html
- LE NOUVEL OBSERVATEUR, « Monaco : poursuivie par les paprazzi, Charlotte Casiraghi attaque au pénal », Le Nouvel Observateur, mis en ligne le 16 janvier 2012, consulté le 1er février 2012, URL : http://tempsreel.nouvelobs.com/people/20120116.AFP4624/monaco-poursuivie-par-les-paparazzi-charlotte-casiraghi-attaque-au-penal.html
- OUEST FRANCE, « Cible des paparazzi, Charlotte Casiraghi contre-attaque en justice », Ouest-France, mis en ligne le 16 janvier 2012, consulté le 1er février 2012, URL : http://www.ouest-france.fr/actu/actuDet_-Cible-des-paparazzi-Charlotte-Casiraghi-contre-attaque-en-justice_39382-2032828_actu.Htm
- LE PARISIEN, « Charlotte Casiraghi se dit harcelée », Le Parisien, mis en ligne le 17 janvier 2012, consulté le 1er février 2012, URL : http://www.leparisien.fr/laparisienne/actu-people/charlotte-casiraghi-se-dit-harcelee-17-01-2012-1815980.php
- LE POST, « Loi anti paparazzi : la fin des photos people aux USA ? », Le Post, mis en ligne le 1er janvier 2010, consulté le 1er février 2012, URL : http://archives-lepost.huffingtonpost.fr/article/2010/01/01/1866537_loi-anti-paparazzi-la-fin-des-photos-people-aux-usa.html
- RENEL R., « Paparazzi, un métier en voie de disparition ? », L’Express, mis en ligne le 19 mai 2011, consulté le 2 février 2012, URL : http://www.lexpress.fr/actualite/media-people/media/paparazzi-un-metier-en-voie-de-disparition_994245.html