Le Conseil constitutionnel a censuré hier la loi pénalisant la négation du génocide arménien de 1915. Les sages ont jugé “qu’en réprimant la contestation de l’existence et de la qualification juridique de crimes qu’il aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle à l’exercice de la liberté d’expression et de communication”
L’ampleur des massacres de 1915 fait toujours l’objet de controverses. Elle donne lieu à des débats d’experts. Certains vont même jusqu’à nier l’existence d’un tel génocide. Récemment encore, le premier ministre turc a relancé la polémique en affirmant « Aucun historien, aucun homme politique ne peut voir de génocide dans notre histoire ». Au regard de ces incertitudes historiques, certains, comme le député UMP Bernard Debré, s’étaient demandés quelle était la légitimité, pour le législateur de se substituer aux experts, d’imposer sa version “officielle” de l’Histoire. Il a été également reproché d’opérer, avec la loi Boyer, une démagogie pré-électorale. L’ancien ministre des affaires étrangères Hérvé de Charette, a dénoncé la volonté de « draguer avec vulgarité l’électorat d’origine arménienne que l’on croit pouvoir acheter ».
La communauté arménienne, à travers ses représentants, a fait part de ses inquiétudes, suite à la censure du texte. En effet, si la France reconnaît le génocide des juifs et des arméniens, elle ne sanctionne que la négation du premier. Julien Harouyan, du conseil de coordination des organisations arméniennes de France, a ainsi déclaré : « Cela voudrait dire qu’en France désormais, certains génocides peuvent être niés et d’autres non ».
Les enjeux diplomatiques obligent à légiférer avec prudence. Les réactions, suite au projet de loi initial, ne s’étaient pas faites attendre. Les autorités turques, en décembre 2012, ont dépêché à Paris deux délégations, une composée d’hommes d’affaires, l’autre de parlementaires, pour faire entendre leur voix. Les relations avec la Turquie s’étaient durcies. Cette dernière ayant effectué des menaces économiques, avec le gel de contrats importants. C’est tout naturellement que l’ambassadeur turc a communiqué sa “satisfaction” suite à la censure constitutionnelle.
Suite à la décision du Conseil constitutionnel, les réactions, dans la classe politique ont été contrastées. À travers un communiqué, l’Élysée a fait savoir que le Président de la République avait demandé au gouvernement de préparer un nouveau texte. Lors d’un déplacement à Montpellier, le candidat a apporté des précisions. Il a fait part de sa volonté de recevoir les associations concernées et du besoin d’analyser le contenu exact de la décision, avant de se prononcer. François Hollande, candidat socialiste, a annoncé qu’il reprendrait, s’il était élu, le dossier et a exprimé son soutien à la communauté arménienne.
Sources :
“Génocide arménien, François Hollande s’engage à reprendre le dossier s’il est élu”, Le Monde.fr, mis en ligne le 29/02/2012, consulté le 29/02/2012, URL : http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/02/28/genocide-armenien-des-deputes-ump-saluent-la-decision-du-conseil-constitutionnel_1649524_1471069.html
Amtablian M., « Génocide des arméniens, sortir de la grangrène de la négation turque », Le Monde.fr, mis en ligne le 19/12/11, consulté le 29/02/12, URL : http://www.lemonde.fr/idees/chronique/2011/12/20/genocide-des-armeniens-sortir-de-la-gangrene-de-la-negation-turque_1620634_3232.html
Dubessy F., “La Turquie menace la France de représailles économiques”, mis en ligne le 21/12/2011, consulté le 29/02/2012, URL : http://www.econostrum.info/La-Turquie-menace-la-France-de-represailles-economiques_a8209.html
Ternon Y., “Le sens de la reconnaissance française du génocide arménien”, Controverses, mis en ligne en Juin 2006, consulté le 29/02/2012, URL : http://www.controverses.fr/articles/numero2/yternon2.htm
Penverne M., “Les arméniens scandalisés”, 20 minutes, mis en ligne le 29/02/2012, consulté le 29/02/2012, URL : http://www.20minutes.fr/article/888531/armeniens-scandalises