Nouvelle chambre basse du Parlement et nouvel environnement informatique. Il y a cinq ans, les postes de travail de l’Assemblée nationale migraient vers des solutions libres. Dorénavant, les députés et leurs assistants auront la possibilité de revenir à un écosystème propriétaire. Un choix lourd de significations à la fois technique, politique et économique.
« Un bien commun à protéger et à développer »
Le statut légal du logiciel est complexe. Œuvre de l’esprit protégée par les règles de la propriété intellectuelle, elle présente des aménagements tarabiscotés se rapportant au contenu et à la titularité des droits, sources d’arrangements et de différends passablement fréquents. En sus, l’auteur consigne dans une licence d’utilisation les conditions d’emploi de sa création, d’où le classement des logiciels en de moultes familles selon la marge de manœuvre condescendue à l’utilisateur final. C’est cette coquille que les libristes prétendent briser.
Le logiciel libre se caractérise par une licence dite « libre ». Celle-ci inclut de base quatre critères essentiels : la liberté d’exécuter le logiciel ; la liberté d’en étudier le fonctionnement et de l’adapter à ses besoins ; la liberté de redistribuer des copies du logiciel et la liberté de l’améliorer et de publier ces améliorations. L’accès au code source est le corollaire de ces principes. Cette démarche d’ouverture n’est cependant pas circonscrite à de vulgaires considérations technologiques ; elle manifeste une éthique et des valeurs citoyennes.
Les chantres du logiciel libre louent la culture libre. Ce courant milite en faveur de la distribution et de la modification des productions intellectuelles via l’internet ou d’autres médias. La philosophie de ces tendances vantant l’autonomie de l’individu incite à la coopétition, au partage, à la participation et au respect. Une dynamique pétrie de solidarité en somme, compatible avec les idéaux d’une société démocratique. Aussi les institutions étatiques seraient-elles avisées d’explorer cette voie vertueuse à des fins de modernisation.
Elan
La France s’est dotée en décembre 2005 d’un cadre et d’un organisme à cet effet. Le Référentiel Général d’Interopérabilité (RGI) répertorie les normes et les standards qui facilitent la compatibilité entre les systèmes d’information du secteur public. Le groupe Mutualisation InterMinistérielle pour une bureautique Ouverte (MimO) encourage les ministères, les administrations ainsi que les collectivités territoriales à privilégier des outils performants et interopérables fondés sur le respect des formats ouverts et l’utilisation de logiciels libres. Si l’intérêt réside dans une meilleure gestion du parc informatique, c’est bien le gain potentiel en terme de coût qui retient l’attention des gestionnaires.
La gendarmerie nationale eut un rôle précurseur en la matière en délaissant progressivement les produits de Microsoft. Après avoir opté pour la suite OpenOffice.org en 2005, le navigateur Mozilla Firefox et le client de messagerie Mozilla Thunderbird en 2006, elle a basculé sous le système d’exploitation Ubuntu en 2010. Entretemps, l’administration fiscale ou le ministère de l’agriculture, pour ne citer qu’eux, lui emboîtèrent le pas. L’Assemblée nationale, pour sa part, vira radicalement juste avant l’amorce de la XIIIème législature. D’un coup d’un seul, les représentants du peuple faisaient connaissance avec de nouveaux instruments de travail. Tout un symbole… Malheureusement battu en brèche.
Rétropédalage
Le couple exécutif et la majorité parlementaire ont beau partager la même couleur, il y aura cohabitation jusqu’aux prochaines grandes échéances électorales. En l’occurrence, une partie des occupants du palais Bourbon conservera la configuration actuelle tandis qu’une autre renouera avec le couple Windows flanqué du pack Office. Seul le butineur au panda roux sera compris dans chacune des alternative. Maigre consolation, d’autant que la fiabilité des logiciels libres n’est absolument pas mise en cause.
Les questeurs soulèvent volontiers des problèmes de portabilité des périphériques externes pour expliquer leur décision. Au sein du service informatique, le son de cloche est différent. Certains de ses membres ne nient pas avoir rencontré des erreurs inopinées mais rien de réellement paralysant. Selon ces personnes, la firme de Redmond a tellement souffert de son éviction qu’elle a consenti de substantiels rabais pour retrouver grâce aux yeux des trésoriers. Ou quand le logiciel libre devient une arme de négociation auprès des éditeurs.
Le contribuable se félicitera de la gestion maligne de l’argent public. Le citoyen regrettera que la neutralité technologique soit si vite oubliée. Le logiciel libre réduit la dépendance à une technologie particulière, il conduit à ne pas privilégier un procédé au détriment d’un autre. A charge pour les quarante-deux élus signataires du Pacte du Logiciel Libre d’honorer leur engagement. De la conjugaison des efforts individuels surgira forcément un profond changement.
SOURCES :
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AFUL, Qu’est-ce qu’un logiciel libre ?, mis en ligne le 30 janvier 2010, consulté le 22 juin 2012, disponible sur http://aful.org/ressources/logiciel-libre
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