“Cette directive est une preuve que le monde numérique et la propriété intellectuelle peuvent cohabiter”
C’est ainsi que Marie Gallo, députée européenne, résume l’objectif de la directive 2012/28/UE adoptée par le Conseil de l’Union européenne le 4 Octobre dernier.
Faisant écho à la mise en place en Novembre 2008 de la bibliothèque numérique Europeana chargée de faciliter l’accès au patrimoine culturel européen, le Conseil prend acte des conclusions de la conférence une stratégie numérique pour l’Europe en permettant la création d’un cadre juridique facilitant la numérisation des œuvres protégées par le droit d’auteur et dont le titulaire des droits n’a pu être identifié.
Désormais, des institutions culturelles désignées pourront numériser et mettre en ligne certaines œuvres orphelines de leur catalogue après avoir effectué une recherche diligente, mais infructueuse, de leurs auteurs.
Une autorisation d’exploiter soumise à de strictes conditions
L’article premier de la directive autorise l’utilisation des œuvres orphelines par des établissements culturels d’États membres tels que les bibliothèques, les musées accessibles au public, les établissements enseignement, les archives, les institutions dépositaires du patrimoine culturel ou les organismes de radiodiffusion de service public en vue d’atteindre les objectifs liés à leur mission d’intérêt public.
Le panel des œuvres visées est large : il s’agit des œuvres publiées sous forme de livres, journaux, revues et magazine mais également les œuvres cinématographiques ou phonographiques ainsi que les phonogrammes produits par les organismes de radiodiffusion de service public et ce, avant le 31 décembre 2002.
La directive subordonne l’autorisation de numérisation à l’entreprise d’une recherche “diligente” des auteurs de l’œuvre. Cette recherche préalable à l’exploitation doit être effectuée de bonne foi en consultant obligatoirement les ressources appropriées pour le type d’œuvre en question en addition des sources que chaque pays choisira d’imposer par la suite.
Dans l’optique de faciliter la circulation intra-communautaire des œuvres sans auteur identifié, l’article 4 prévoit un principe de reconnaissance mutuelle de la qualification d’œuvre orpheline à savoir qu’une fois qualifiée comme telle dans un État membre, l’œuvre recevra automatiquement une pareille qualification dans tous les autres États membres.
L’important article 6 prévoit un système de compensation dans l’hypothèse ou le titulaire du droit se manifeste postérieurement à la qualification. Le niveau et les conditions de cette compensation seront fixés par les États membres en tenant compte de l’usage non commercial que les institutions bénéficiaires auront fait de cette œuvre. Il est à noter que l’utilisation commerciale des œuvres orphelines n’est cependant pas interdite mais doit uniquement permettre de couvrir les frais de numérisation.
La question de la portée de la directive en France
Le quatrième considérant précise que la directive s’applique sans préjudice de solutions spécifiques développées par les États membres pour traiter des questions de numérisation d’œuvres dites indisponibles dans le commerce.
Il apparait que cette dernière disposition restreint l’application de la directive en France. En effet, le champs d’application de la loi du 21 mars 2012 relative aux livres indisponibles se trouve être notablement étendu en ce qu’il couvre également les livres orphelins de droit. Par conséquent, ladite loi aura préséance sur la directive européenne, s’agissant des livres sans auteur identifié.
Néanmoins, même si cette restriction au champs d’application de la directive est remarquable, il convient de la relativiser. En effet, seuls les livres sont concernés par ladite loi. De fait, s’agissant des autres œuvres, les périodiques par exemple, les dispositions de la directive telles que prochainement transposées dans notre droit s’appliqueront.
Sources :
BEELEN (A.), “Directive œuvres orphelines : analyse du texte voté par le parlement européen en Septembre 2012”, mis en ligne le 23 septembre 2012, mis à jour le 27 Octobre 2012, consulté le 30 Octobre 2012
BATTISTI (M.), “Œuvres orphelines, une directive pour rien ?”, Paralimpomènes, mis en ligne le 16 Septembre 2012, consulté le 27 Octobre 2012
http://paralipomenes.net/wordpress/archives/8708
Parlement Européen, “Patrimoine culturel : les “œuvres” orphelines bientôt en ligne ?”, mis en ligne le 12 Septembre 2012, consulté le 26 Octobre 2012