L’aménagement numérique du territoire est le processus par lequel les pouvoirs publics développent et améliorent le réseau de communication électronique et les infrastructures nécessaires sur le territoire pour permettre le déploiement des technologies nouvelles notamment de très haut débit.
L’aménagement numérique du territoire
Bien que les opérateurs privés contribuent fortement au développement des infrastructures et réseaux, l’Etat doit également intervenir sur cette question du déploiement des réseaux de communication électronique. En effet, ces derniers ne les développent pas de manière satisfaisante et surtout équitable sur tout le territoire. Les pouvoirs publics ont donc une mission de compensation des inégalités territoriales en termes de performance, d’offre, de tarif etc.
Le développement du très haut débit sur le territoire, projet du gouvernement, doit donc être encadré par les pouvoirs publics afin de faciliter les initiatives privées. Ceux-ci ont pour rôle principal de coordonner les différents acteurs afin de tendre vers une action globale et optimale tant techniquement qu’économiquement et de mutualiser les infrastructures, très couteuses, ce qui peut être un frein a l’aménagement numérique.
Il existe encore de très fortes inégalités entre les campagnes et les zones densément peuplées, grandes villes notamment qui bénéficient de débits en constante augmentation entre autre grâce au développement de la fibre optique. Développement qui constitue un objectif d’investissement de l’Etat (grand emprunt de 2010). Cette fracture numérique justifie une politique d’aménagement des pouvoirs publics qui a pour but de permettre un large et rapide accès aux réseaux de communication.
Les progrès techniques récents en matière de communication électronique justifient une action accrue du gouvernement afin de les déployer sur l’ensemble du territoire. Ainsi, le précédent gouvernement avait lancé une mission sur la question qui avait abouti à l’adoption d’un texte par le Sénat en février dernier, la loi Leroy-Maurey.
Loi Leroy-Maurey : contenu et objectifs
Déposée par les sénateurs Hervé Maurey et Philippe Leroy en novembre 2011, la proposition de loi visant à assurer l’aménagement numérique du territoire fait suite à un rapport d’information du sénateur Hervé Maurey intitulé « Aménagement numérique des territoires : passer des paroles aux actes » du 6 juillet 2011. Rapport concernant le déploiement des réseaux à très haut débit et l’aménagement numérique du territoire.
Cette proposition de loi prévoit de garantir un véritable haut débit pour tous de 2 Mbits/s en 2012 et à 8 Mbits/s dès 2015, permettre aux collectivités de déployer des réseaux à très haut débit sur l’ensemble de leur territoire, contractualiser les engagements de couverture des opérateurs, redéfinir les critères de couverture du territoire en téléphonie mobile et rendre obligatoire les Schémas Directeurs Territoriaux d’Aménagement numérique (SDTAN).
Ce texte a été adopté par le Sénat le 14 février dernier. Il met en place différents mécanismes afin de parvenir aux buts annoncés. Ainsi, les opérateurs privés doivent rendre compte chaque année de l’état d’avancement de leur déploiement des réseaux, devront évaluer leurs engagements ainsi que justifier de la crédibilité de ceux-ci par des justificatifs. Sont également mises en place des obligations d’équipement dans les constructions neuves. Enfin, le rôle de l’Arcep est renforcé. Elle doit établir la liste des territoires départementaux concernés par la mise en œuvre du très haut débit et veiller à assurer la présence de tout opérateur concerné par les règles envisagées dans les instances de concertation et d’expertise.
Lors de son adoption par le Sénat, cette loi avait déjà provoquée des réactions peu enthousiastes quant à l’efficacité des mesures proposées. Par exemple, France Telecom avait estimé que celles-ci « peuvent s’avérer contre-productive, voire dangereuses. Si on veut être sûr de freiner le déploiement de la fibre dans le pays, voilà une des façons qui peut garantir d’atteindre cet objectif »[1]. Ont également été remises en cause les modifications du cadre juridique « contraire à un processus sur le long terme », les dépenses qu’auraient à assumer les collectivités territoriales et le renforcement du rôle de l’Etat qui pourrait aboutir à « une forme de désincitation des dépenses privées ».
En effet, le texte prévoyait de rééquilibrer la relation entre les opérateurs privés et les collectivités locales au profit de celles-ci. L’enjeu était donc de taille lors de l’étude du texte par l’Assemblée nationale dans la nuit du 22 au 23 novembre dernier.
Rejet du texte, justifications et projets du gouvernement
L’Assemblée a rejeté le texte. Le changement de gouvernement est un facteur mais pas seulement car les Sénateurs socialistes avaient bien accueillis ce texte lors de son étude au Sénat. L’arrivée d’une nouvelle équipe explique également cette décision car elle implique une nouvelle vision des buts à atteindre et des moyens à mettre en œuvre.
Suite au rejet du texte, la ministre déléguée à l’économie numérique Fleur Pellerin qui avait déclaré ce texte « obsolète, sous-dimensionné et court-termiste » a affirmé que le nouveau projet du gouvernement serait plus adapté. Le contexte ayant changé, il est nécessaire de revoir les solutions à donner à un projet qui, lui, reste le même : le développement du très haut débit et de la fibre optique. En effet, le gouvernement avait émis un avis négatif sur l’ensemble du texte à l’exception d’un article qui définissait le développement du très haut débit comme d’intérêt général de la Nation. De même, cela est un engagement de campagne de l’actuel président. Une mission sur le très haut débit a été lancée il y a quelques semaines.
Ce choix de faire appel à une nouvelle mission est critiqué par certains qui estiment que cela va à nouveau retarder le basculement vers la fibre optique. François Hollande s’était engagé sur un basculement total d’ici 2022, le rejet du texte pourrait remettre en cause cette promesse qu’Hervé Maurey qualifie d’illusoire. La ministre déléguée a quant à elle fait savoir que le passage à 100% à la fibre optique aurait bien lieu mais que le calendrier serait fixé en 2014 après l’expérimentation de Palaiseau, première ville française à tester à 100% la fibre optique.
A partir d’octobre 2013, la ville sera équipée exclusivement d’un réseau de fibre optique et le réseau internet ADSL sera coupé. Cette expérience doit permettre de mesurer les avantages et bénéfices de la fibre mais aussi les éventuelles difficultés qu’elle peut représenter. Coût de l’investissement : 13 millions d’euros pour une ville de 300 000 personnes et 16 000 logements auxquels s’ajoutent des entreprises. Cela met en lumière une difficulté importante dans le basculement vers la fibre : son financement.
En effet, toutes les infrastructures de réseau sont revoir. La commission européenne parle d’un investissement de 300 milliards d’euros d’ici 2020 pour moderniser des infrastructures des opérateurs télécoms de l’Union Européenne et 20 milliards pour la France. Le gouvernement étudie actuellement différentes possibilités. Parmi elles, l’éventualité d’une taxe de 50 centimes par mois par abonnement, taxe de 75 centimes pour les abonnements à internet et à la téléphonie mobile et une taxe de 2% sur le prix de vente net des téléviseurs et consoles de jeux. La solution choisie sera dévoilée au plus tard en février 2013.
La nouvelle mission Très haut débit confié le 9 novembre dernier à Antoine Darodes, membre de l’Arcep, et chargée du pilotage des déploiements devra apporter des éléments de réponses à ces questions.
Sources
Proposition de loi, Sénat.fr, enregistré le 1er février 2012, consulté le 24 novembre 2012, http://www.senat.fr/leg/ppl11-
BELLAMY (A.), « Palaiseau, première ville 100% fibre optique », les numériques.com, mis en ligne le 14 octobre 2012, consulté le 25 novembre 2012, “>http://www.lesnumeriques.com/palaiseau-premiere-ville-100-fibre-optique-n26514.html
PIETRI (C.), « La proposition de loi sur l’aménagement numérique est rejetée », DegroupNews.fr, mis en ligne le 23 novembre 2012, consulté le 24 novembre 2012, “>http://www.degroupnews.com/actualite/n8168-loi-amenagement-numerique-assemblee_nationale-gouvernement.html
CUNY (D.), « Aménagement numérique du territoire : le texte rejeté, des questions en suspens », Latribune.fr, mis en ligne le 23 novembre 2012, consulté le 26 novembre 2012, “>http://www.latribune.fr/technos-medias/telecoms/20121123trib000732925/amenagement-numerique-du-territoire-le-texte-rejete-des-questions-en-suspens-.html
BERNE (X.), « Les députes rejettent le texte sur l’aménagement numérique du territoire », PCinpact.com, mis en ligne le 24 novembre 2012, consulté le 25 novembre 2012, “>http://www.pcinpact.com/news/75548-les-deputes-rejettent-texte-sur-amenagement-numerique-territoire.htm
JAMBES (J.P.), « France Telecom conteste la pourtant bien mesurée loi Maurey-Leroy en matière d’aménagement numérique du territoire », numericuss.com, mis en ligne le 15 février 2012, consulté le 25 novembre 2012, http://numericuss.com/2012/02/15/france-telecom-conteste-la-pourtant-bien-mesuree-loi-maurey-leroy-en-matiere-damenagement-numerique-du-territoire/”>http://numericuss.com/2012/02/15/france-telecom-conteste-la-pourtant-bien-mesuree-loi-maurey-leroy-en-matiere-damenagement-numerique-du-territoire/
[1] JAMBES (J.P.), « France Telecom conteste la pourtant bien mesurée loi Leroy-Maurey en matière d’aménagement numérique du territoire ».