Le gouvernement Ayrault a décidé de se confronter à Google par la voix de Fleur Pellerin, ministre déléguée au numérique, qui a annoncé sa volonté de taxer la société. Le sujet a déjà été traité par une de mes collègues (Elise Gillio) qui a expliqué les raisons de cette nouvelle tentative qui rappelle celle abandonnée par le précédent gouvernement. Lors de la publication de cet article, un médiateur devait être nommé afin de régler le litige entre les parties. C’est désormais chose faite avec la nomination de Marc Schwartz. Il sera ici question d’évaluer la pertinence des arguments avancés par Google contre ce projet et d’envisager les solutions possibles à ce désaccord.
Un service gratuit pour la presse française : l’argument pertinent de Google.
Google propose sans contrepartie, par son service Google Actualités, un panorama de l’actualité en reprenant les titres et passages des articles des journaux publiés sur l’Internet. Les internautes passent directement par cette page et ne visitent pas les sites des entreprises de presse, ce qui entraine un manque à gagner pour ces dernières.
Google considère que ce manque à gagner n’est pas de son fait et que si les titres et citations d’articles ne sont pas accrocheurs les internautes n’iront pas visiter le site. Google n’étant qu’une vitrine des différents contenus il n’influence pas l’utilisateur. De plus, les entreprises de presse sont les premières à utiliser les moyens de communications d’internet pour être visibles sur la toile. Reprocher à Google d’utiliser une partie du contenu de leurs sites est alors quelque peu hypocrite. On peut ici s’interroger sur le fait de savoir si dans l’hypothèse où le service Google Actualités était payant les entreprises de presses paieraient ce service.
L’absence de bénéfices pour Google : un argument incertain.
Il est vrai que Google utilise le contenu des articles pour alimenter à la fois son service Google Actualités et son outil moteur de recherche. Concernant le service Google Actualités, Google ne met pas en place de service payant ni de publicité sur la page dédiée au service, il ne fait apparaître qu’une partie des articles afin d’amener l’utilisateur à accéder au site pour avoir plus de détails. Pour autant, le moteur de recherche de Google permet à ses clients de mettre en place des publicités ou des liens payants (dits AdWords) en rapport avec le mot clef recherché. Ainsi, si l’utilisateur tape un mot en rapport avec l’actualité des articles apparaitront dans la page de résultat ainsi que des liens payants sur lesquels Google touche un pourcentage, si l’utilisateur clique sur les dits liens.
Une étude des mots clés les plus utilisés sur Google démontre que les entreprises de presse ne sont pas les plus recherchées. De plus les liens sponsorisés de la page de résultats de Google sont rarement sponsorisés par les entreprises de presse, à l’exception des titres et des mots-clefs faisant allusion à la notion de presse.
En résumé, il ne semble pas que la société Google touche énormément d’argent en utilisant les articles de presse des journaux français. Il est vrai, pour autant, que cela représente un manque à gagner pour les entreprises de presse françaises : les utilisateurs du service Google Actualités ne consultent pas les sites, les titres et la partie de l’article reproduite suffisant à leur donner une information rapide, claire et précise. Par ce non accès au site créateur de l’article, l’entreprise de presse ne peut être rémunérée par la publicité placée sur ses pages ce qui lui cause un manque à gagne certain.
Enfin, il est très possible que Google change sa politique à tout moment et décide de placer des publicités dans la page dédiée au service Google Actualités, ce qui entrainerait, au vu des visites quotidiennes, d’importants bénéfices pour la société.
Le déférencement des titres de presse français : une menace à relativiser.
Le risque principal de cette taxation serait selon Google la désindexation des titres de presse français sur son service dédié à l’actualité. Les entreprises de presse françaises semblent prendre la menace au sérieux. A raison ? L’exemple brésilien permet d’en douter.
Au Brésil, le gouvernement a mis en place une taxe payable par Google qui a alors désindexer les sites de presse, ces derniers ont pourtant vu leur taux de visite de leur page d’accueil augmenté au fil des mois.
Cet exemple montre que les sites de presse peuvent survivre à l’absence de visibilité sur le service Google Actualités. Par ailleurs, il existe d’autres moyens pour les entreprises de presse d’exister sur la toile : les réseaux sociaux tels que Facebook et Twitter.
Les solutions envisageables.
Plusieurs solutions sont envisageables, la liste qui suit n’est pas exhaustive :
- Trouver un accord financier à l’instar des Etats Unis, permettant ainsi à Google d’être rémunéré et donc au gouvernement de le taxer.
- Insérer dans le code HTLM le code empêchant les robots de Google évitant aux entreprises de presse d’être référencée sur Google Actualités, remédiant ainsi à leur manque à gagner.
- Travailler avec Google pour développer la presse française via de nouveaux outils numériques. L’idée serait de mettre en place un journal numérique, sur le modèle du journal papier Courrier International, regroupant un certains nombres d’articles des groupes de presse français avec un abonnement pour consulter les archives. Ce site contiendrait alors des publicités qui rémunéreraient à la fois Google et les entreprises de presse françaises.
- Demander à Google d’inclure de la publicité sur Google Actualités dont une partie serait reversée aux entreprises de presse.
SOURCES :
ANONYME, “Nomination d’un médiateur dans la bataille entre Google et la presse”, lemonde.fr, mis en ligne le 16 novembre 2012, consulté le 29 novembre 2012, http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/11/16/nomination-d-un-mediateur-dans-la-bataille-entre-google-et-la-presse_1792122_651865.html
DUVAUCHELLE A., “Lex Google : la presse et le gouvernement jouent-ils gros ?”, zdnet.fr, mis en ligne le 5 novembre 2012, consulté le 29 novembre 2012, http://www.zdnet.fr/actualites/lex-google-la-presse-et-le-gouvernement-jouent-ils-trop-gros-39784186.htm